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Double vie…

Dans le train de nouveau, celui du retour de Paris, où j’atteris toujours un peu comme une bienheureuse après des journées remplies à ras bord. Trois heures devant moi avec dossiers et journaux, et bien sûr mon ordi, aussitôt déployé devant moi.

Moment de halte, malgré la vitesse qui en ce moment fait vibrer le train. Je ne rebranche pas le téléphone pour bien préserver la parenthèse entre vie parisienne et retour à Bordeaux. Je dis « vie parisienne », c’est un bien grand mot, je ne parviens jamais à sortir de l’Assemblée qui est un microcosme protégé, et certainement lui aussi un « ghetto » où parlementaires, assistants, personnel de l’Assemblée vivent au rythme des séances, des commissions et des groupes de travail. On marche à pas précipité dans les couloirs, échangeant sourires et signes de tête, tout le monde est toujours plus ou moins en retard pour arriver au point où à lieu sa réunion ou sa séance.

Mes assistantes, qui sont plutôt (heureusement) joyeuses et taquines parlent de « garde alternée » de la députée. Et comme les enfants en effet, je prépare mon cartable et mon gros sac avant de passer d’un domicile dans l’autre. Vaillament, comme les gamins.

Une vie un peu agitée au total, mais sans conteste pleine d’intérêt et que j’espère matérialiser positivement pour ceux qui m’en ont confié le mandat.

Violences, ghettos et drogue

Villiers-le-bel, Cergy, Ermont, Goussainville… Comment ne comprend-on pas que la question essentielle est la ghettoisation de notre société et de notre pays. Ghettos de pauvres, ghettos d’étrangers, ghettos de sans-emploi, et là-bas, plus loin, quelque part, ghettos de riches, « hauts-quartiers », codes d’accès, au propre et au figuré…

Je n’ai jamais compris pourquoi les gosses des banlieues n’allaient pas casser à Neuilly, plutôt que d’attaquer leur école, leur bibliothèque, la voiture de leurs parents. Mais c’est une autre histoire.

La première réponse aux problèmes des banlieues, c’est celle-là : arrêter de mettre de l’habitat social là où il n’y a que cela, créer des emplois sur tout le territoire et ne pas laisser s’élargir comme des flaques d’huile prêtes à s’enflammer la périphérie des grandes villes.

Un autre problème, et je suis sidérée de ne pas en entendre parler, c’est la drogue. Volonté (louable) de ne pas stigmatiser ? Crainte ? Sentiment d’impuissance ? Le fait est qu’on n’évoque pas son rôle à la fois dans la crise fondamentale des banlieues et dans leur capacité d’embrasement soudain.

On glisse quelque fois le mot « économie souterraine », sans dire même laquelle. Cette économie souterraine, ce sont les dealers, et d’abord ceux qui fournissent la drogue aux quartiers et qui embauchent des gamins pour la revendre et pour « contaminer » toute leur génération. Ces dealers vivent de la désespérance, de la vulnérabilité, de l’inactivité des enfants des banlieues. Ils n’ont aucunement intéret à ce que leur situation soit meilleure. Le malheur et la haine sont leur fond de commerce : la drogue les entretient et les démultiplie.

Le rôle de la drogue dans l’éclatement des violences est également évident. Tous les psychiatres, et en particulier ceux qui s’occupent d’enfants et d’adolescents, le savent et le disent sans être entendus : la consommation de drogue éxacerbe cette « perte de contrôle » qui est sans doute la marque de notre temps et génère la quasi-totalité des actes de violence des jeunes.

Nous avons bien sûr débattu hier à l’Assemblée des événements de Villiers le bel. La violence a changé de nature. Ce n’est plus un grand jeu vidéo, mais la volonté de tuer que les policiers ont rencontré. Il y a un niveau de désordre, dans les groupes comme dans la tête des individus, que n’atteint plus aucun résonnement.

Notre groupe a insisté sur deux points
-ouvrir tout de suite une enquête judiciaire sur la mort des deux jeunes gens
-remettre en place une police de proximité
Je reviendrai sur ces points.

Femmes en politique

Dans le train vers Paris. Nous devisons avec mon voisin sur le « départ » de Cavada du modem. Il en était avec Bayrou la figure de prou et avait présidé aux assises du parti démocrate, qui ont abouti à la création du modem.

Triste image que ce ralliement à l’UMP pour cause de candidature. Un fait est remarquable : aucune femme n’a été piégée par ces ralliements, méprisants de l’électorat et de la conscience que l’on peut avoir de soi. On me rétorquera que les femmes sont, en politique, moins nombreuses que les hommes, et que le risque est donc statistiquement moindre.

La statistique n’est sans doute pas tout. Plus de conscience, plus d’engagement. Je le crois et je veux le croire.

Hôpital Saint-André

Grande séance, ce matin, de déménagement, de mon bureau de l’hôpital Saint-André. On voit que j’ai mis à cet exercice peu d’empressement. Cinq mois que je suis élue et que le plus gros de mes dossiers, livres, documents divers demeurait dans ce bureau, juste à l’angle de la place de la République et du cours d’Albret.

Exercice peu agréable. J’ai « habité » plusieurs années l’hôpital Saint-André, et de toutes les maisons que j’ai quitté, ce n’est certainement pas la moins belle, ni la moins chargée d’histoire(s), au singulier comme au pluriel. Dans les couloirs aux hautes vitres, tout à l’heure, roulant mes livres comme on roule sa bosse, j’en ressentais à la fois le poids et la force et pour tout dire le caractère extraordinairement sacré.

Saint-André existe depuis le XVIe siècle. Il a traversé l’histoire de la médecine, qui est le noeud gordien de l’histoire des hommes. Hospice pour les miséreux pendant plusieurs siècles, il est devenu d’étapes en étapes le plus petit des établissements hospitaliers du CHU de Bordeaux, centré sur un pôle cancérologique de haut niveau. Entre ces deux situations, une révolution absolue, technique, sociale et culturelle, et pourtant Saint-André demeure « l’hôpital de Bordeaux » avec ce que cela suppose de tradition d’accueil de l’urgence et de la détresse. Je connais des endroits où couchent les SDF et dont on ne les dérange pas. Combien de fois aussi nous hospitalisons dans l’attente d’une situation sociale, pour faire passer un cap, ou pour faire un traitement avant même d’avoir trouvé la possibilité qu’il soit pris en charge.

Le matin, vers 9 heures, la petite cloche de la chapelle tinte sur la cour intérieure. Par ses hautes ouvertures alignées, elle ressemble à un cloître. C’est sans doute un des plus beaux endroits de Bordeaux. Ce n’est pas seulement l’architecture, bien que les proportions et l’ordonnance de l’ensemble soient très justes, mais l’atmosphère, et tout ce que l’on devine au-delà des travées dont chacune constituait autrefois une « salle ». On dit aujourd’hui une Unité, il n’y a plus (heureusement) de salle commune et dans chacune les chambres individuelles se disposent le long d’un couloir central. Les moyens de soigner ont changé, mais l’attente y demeure la même, attente de la visite, attente des résultats du scanner, attente de la venue d’un proche, attente de partir, crainte de revenir.

Je suis partie, roulant mes caddies de paperasse, le coeur un peu serré. Le jour tombe, des gouttes s’écrasent devant ma fenêtre. Novembre n’est pas mon mois favori.

Le pays aux deux langues

« Ma patrie, c’est la langue française », disait Camus. Les Belges, depuis des décennies, démontrent la profondeur du propos et la tension est aujourd’hui à son comble. De part et d’autre, on se dit que c’est cette fois sans retour, mais on se souvient aussi qu’on l’a pensé bien souvent depuis 30 ans (1977) qu’a été faite la partition de la Belgique en trois régions (Bruxelles, Wallonie et Flandre).

« Sans Bruxelles, il y a belle lurette que la séparation serait consommée », me disait un compagnon de train, fatigué de voir son pays s’épuiser en chicanes et en haines accumulées. Les Flamands se sentent humiliés d’être les moins nombreux jusque dans leur propre territoire, les Wallons n’en peuvent plus de voir la moindre parole en français sanctionnée, la moindre demande de traductions faire l’objet de tractations et de chicanes sans fins quand ils ont le malheur d’habiter du mauvais côté de la frontière linguistique.

Un sondage récent montrait que la majorité des Français étaient favorables à un rattachement de la Wallonie à notre territoire national. Comme mon Belge voyageur, j’ai envie de dire: « …et Bruxelles ? ». En faire une ville européenne, créer pour elle un nouveau statut ?

C’est bien sûr aux Belges de décider. Une manifestation a eu lieu à Bruxelles le 18 novembre pour l’unité de la Belgique, pour réagir contre les partis flamands et francophones qui n’ont depuis cinq mois pas réusssi à se mettre d’accord sur un gouvernement. Cent quarante mille personnes ont signé une pétition sur internet allant dans ce même sens de l’unité. Il n’en reste que dix millions à convaincre..

Il y a du malheur partout. Heureusement, nous avons la langue française …

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel