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Journal « extime »

Sud Ouest, le 23 novembre 2007

EDITION.Michèle Delaunay présente son dernier livre aujourd’hui à 17h30 à la Machine à Lire.

Ecrire un blog quotidien n’est plus original. C’est même devenu une mode. Les « politiques » ont vite vu le parti qu’ils pouvaient tirer de la réflexion personnelle sur Internet, eux qui se plaignent souvent que leur discours soit peu ou mal relayé par les médias. Ce qui est moins courant, c’est de réunir ces fragments électroniques sur le support papier d’un bon livre à l’ancienne. Le blog devient ainsi un peu moins éphémère, un peu plus durable pour atteindre à « l’éphémérité durable du blog », titre de l’ouvrage que vient de publier Michèle Delaunay, députée (PS) de la deuxième circonscription de Gironde depuis juin dernier.

(suite…)

Retenir le sable des jours

Une heure dans le noir à écouter la voix de Moravia et celle de Brel (France-Inter, tout simplement). J’avais besoin de m’isoler, de n’être plus rien qu’un animal qui a besoin de se remplir des autres. Et Moravia disant -cent ans déjà-, « je vis pour savoir pourquoi je vis », c’est déjà être deux, reprendre force, rallumer la lumière et rallumer l’ordi.

Journée pleine, c’est à dire sans trêve, et dont je ne sens que le vide. Pourtant, combien de contacts signifiants : avec ces parents d’élèves oeuvrant pour la mixité sociale dans leur école, avec cet avocat m’expliquant que si les stages en cabinet sont trop chers, n’en feront plus que ceux qui ont le « capital social » pour en trouver…

J’interromps les exemples de ces rencontres du jour pour dire un mot de celle que je viens de citer : j’ai fait une question écrite au gouvernement, en ma qualité de députée, l’interpellant le ministre du travail sur la faible rémunération des stagiaires (380 euros mensuels, à compter du premier jour du quatrième mois de stage). Les jeunes sont démobilisés, décridibilisés d’être payés sur l’ensemble de la période 30% du smic. Mais me dit mon avocat : nous n’avons aucune obligation de prendre des stagiaires, et pourtant le stage est obligatoire pour valider le diplôme. Si le coût du stage devient trop important, n’en trouveront plus que les fils de collègues, l’ami de l’ami, et ceux, comme je le disais, qui ont un « capital social » leur assurant des relations et leur ouvrant les portes nécessaires. Aujourd’hui, seulement 60 % des jeunes futurs avocats trouvent des stages…

C’est un sujet important, ne serait parce qu’il faut toujours s’interroger sur les multiples faces de chaque problème. Les contraires ne s’excluent pas. La démobilisation des jeunes est vraie, le risque de sélection par le piston l’est aussi. Tout cela, je l’entends.

Je reviens au vide des journées trop pleines. Aujourd’hui, à plusieurs reprises, on m’a interrogé sur le pourquoi du petit livre que nous allons présenter demain à la « Machine à lire » : une année de mon blog, l’éphéméride de cette année de campagne qui a changé la donne à Bordeaux. Mais pas tout à fait que cela : une année de vie dans une vie dont on ne sait jamais combien elle en compte.

Pourquoi ? Pourquoi aimer l’écriture comme une amie, comme une amie dont on voudrait qu’elle devienne familière d’un autre qui l’écoute dans le noir ? (Oui, quand on lit, on est toujours un peu dans le noir, seul avec un autre qui parle, comme moi tout à l’heure).

J’ai cherché, comme Hemingway le conseillait, la phrase la plus simple, la réponse la plus vraie : pour retenir un peu entre ses doigts le sable de chaque journée.

Ce soir encore. Combien encore ?

Une journée commence

Début de journée dans ma nouvelle maison : mon bureau, 3 rue Aristide Briand. Silencieux, blanc, lisse et ordonné. Même les piles de courrier sont droites et bien alignées, comme les cahiers d’une écolière studieuse.

En un mot, j’y suis bien. J’ai devancé l’appel du réveil pour travailler un moment dans ce calme. Paris est autour de nous, mais ne se fait pas entendre. Dans le couloir, premiers bruits, ceux de notre camériste indien vidant les poubelles de courriers et documents. Personne sait pourquoi il commence si tôt son travail, ni en ce moment comment il vient d’une banlieue sans doute éloignée. Nous échangeons plus de sourires que de paroles, le français demeure visiblement pour lui une langue très étrangère et je n’ai pas osé tenter quelques mots d’anglais.

Voilà. Une à une, les portes des députés vont s’ouvrir, les assistants vont arriver d’un pas toujours très décidé qui m’amuse. Petit monde studieux, majoritairement féminin et entièrement socialiste à cet étage, et disons-le sans réserve, très consciencieux. Amical aussi, et sans chichis.

Bonne journée !

Visite au centre de rétention administrative de Bordeaux

Hier 19, visite « surprise » au centre de rétention administrative, où sont « retenus » les étrangers en instance de reconduite à la frontière. Ces visites se font toujours sans prévenir à l’avance pour pouvoir en toute objectivité juger de l’état et de l’atmosphère des lieux.

Le centre de rétention de Bordeaux, se situe au sous-sol du nouvel hôtel de police. C’est un petit centre de 24 places, disposé autour d’un puits de jour au plafond grillagé, baptisé un peu généreusement « cour de promenade ». Les six chambres de quatre lits chacune ne sont pas indignes. Les lieux de toilette (deux douches, deux wc, un lavabo double) sont sommaires et, ce matin-là, médiocrement entretenus.

La durée moyenne de séjour est de 15 jours. Le centre est plein, mais on n’y connait pas de surpopulation, au contraire de la prison. Il nous a été dit que les interpellations étaient interrompues quand le centre était plein.

Sauf à des occasions ponctuelles, où deux chambres peuvent être rendues indépendantes, le centre n’abrite que des sujets masculins, de nationalité variée, pour environ 50% africaine le jour de ma visite, et pour le reste, indienne, pakistanaise, turque, russe.

J’aurais aimé rencontré M Kébé Talibé, personne ivoirienne, dont la rétention vient d’être prolongée. Je m’étais entretenue avant d’entrer au centre avec sa compagne. Je donne à la suite de ce billet, la note qui m’a été transmise sur sa situation. On m’a dit que M Kébé venait d’être transféré pour une audience et je n’ai donc pu lui parler.

Je me suis entrenue avec plusieurs des personnes retenues. L’un d’eux, Algérien, est en France depuis 8 ans et demi, ainsi que ses quatre soeurs ; il travaillait, parle évidemment parfaitement français. Je me suis étonnée qu’il soit au centre de rétention, avec les étrangers nouvellement arrivés, et non assigné à résidence. La réponse a été bien sûr qu’il n’aurait pas été retrouvé à sa résidence, en ayant connaissance de sa possibilité de reconduite.

Une fois encore, cela me parait illustrer le fait que la « politique du chiffre » , imposée par le gouvernement, fait ignorer les situations individuelles, alors que chaque cas est un problème humain.

Dans le centre de rétention, une cellule d’isolement est en cours d’installation. Cela ne fera qu’augmenter le caractère carcéral de ce centre. Là la réponse a été qu’il fallait éviter que les « retenus » violents ou menaçant de se suicider aient à être transférés à Toulouse, dans un centre comportant ce aménagement. Pour les « suicidants », je ne comprends pas qu’ils ne soient pas orientés vers l’hôpital Charles Perrens, et je l’ai exprimé sans trouver là de réponse satisfaisante.

J’ai longuement parlé avec l’infirmier du centre, qui est un infirmier du CHU. J’ai particulièrement apprécié la manière dont il conçoit son rôle, qui est d’apporter non seulement du soin, mais de l’humanité, du lien, à des personnes en situation de stress, brutalement coupées de leur environnement, et dans l’incertitude et la crainte concernant leur avenir à court terme. Deux infirmiers se relayent au centre, assurant ainsi chaque jour, week end et fêtes compris, une présence de sept heures et demi. La nuit par contre, il n’y a pas de présence infirmière, et l’accès au soin doit passer par le gardien.

Un problème majeur est l’absence de mise à disposition d’un interprête pour les personnes ne parlant pas français. Cet accès est à leur charge ce qui limite leur accès aux procédures de recours de justice. Une fois encore, la bonne volonté supplée à la loi et les interprètes de la CIMADE ou de l’association Mana, apportent leur concours pour pallier à cette insuffisance du droit.

J’ai voulu que ce billet soit aussi objectif que possible et qu’il comporte tous les points qui m’ont principalement retenue. D’où l’austérité de son ton et de sa rédaction.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel