La taxe des morts
Avant d’aborder le sujet, il faut que les choses soient bien claires entre nous : la mort, je n’y suis pas favorable. Et même je suis contre, carrément contre. Il faut avoir à l’occasion des opinions tranchées.
Les morts, c’est autre chose, et je dois même à la vérité de dire que la plupart des gens que j’estime et que j’aime en font partie : Montaigne, le bourru policé, Kafka, drôle et douloureux, Camus qui aimait si fort qu’on lui dise qu’il ressemblait à Bogart, et pas mal d’autres, plus ou moins connus, plus ou moins proches. Tous sont de ceux-là.
Le jour des morts n’est que le deuxième du mois de novembre, celui qui suit la Toussaint, qui est au contraire dans la tradition un jour de réjouïssance. Mais il me semble que tout le mois est marqué de cette tonalité. Novembre est le mois où on entre « pour de vrai » dans l’hiver, où une grande partie des feuilles des arbres sont à terre et où on met son chauffage en marche pour parer au froid qui s’installe. Autant de signes confus d’un deuil informulé que nous portons en nous.
Je ne sais comment je suis arrivée là. Je voulais en commençant ce billet parler d’un sujet infiniment concret : la TVA sur les obsèques. Le rapport est évident mais la tonalité du discours ne colle pas. Le taux de TVA est en effet, comme pour les restaurateurs, de 19,6%, ce qui correspond à une mâne financière non négligeable pour l’Etat puisqu’il y a bon an, mal an, 500 000 décès en France.
Les morts sont pourtant plus nombreux que les restaurateurs, mais on les sait « taisants ». Et les vivants ne se mobilisent pas sur le sujet, qui bouscule ce mélange de crainte et de respect que nous avons en parlant de la mort.
Je m’interroge pourtant sur le taux de cette taxe. Avec un peu d’humour noir, on peut dire que la baisser ne fera pas « repartir les affaires ». On ne mourra ni moins, ni davantage, et même le budget que les familles consacrent aux obsèques sera sans doute peu modifié. Mais on reste gêné par l’importance de cet impôt sur la mort.