Première séance pour moi hier à l’Assemblée de questions d’actualité posées au gouvernement. On sait que cette séance est télévisée et elle est l’occasion de retrouver des bancs pleins de messieurs élégants et de tailleurs colorés, faciles à distinguer dans un plan circulaire de l’hémicycle. Mme Bourragué en châle bleu pâle est de ce point de vue particulièrement professionnelle.
Cette première séance a été pour moi, je le reconnais, une magistrale leçon de langue de bois. Les quatre questions accordées au groupe socialiste étaient un peu générales pour mon goût, reprenant les temps forts de nos séances antérieures en montrant leur impact fâcheux sur tous les sujets qui préoccupent les Français : la « faillite » déclarée de l’Etat face aux cadeaux fiscaux du gouvernement, les franchises médicales..
Les interventions de François Fillon ont été un monument de généralités rien-disantes. Je relis en ce moment sa réponse à Jean Marc Ayrault : on devrait faire un bréviaire des réponses passe-partout et ne voulant rien dire. Exemple : « Il faut rompre avec la logique du déficit et nous rassembler autour de nos objectifs (..) La première étape de notre politique économique est d’aller à la recherche de la croissance (…), la deuxième consiste à lancer des réformes de structure (…)' ». On devine le ton. Mme Lagarde dans le même genre « Nous ne faisons pas tourner en arrière la roue de l’histoire, non, nous regardons vers l’avenir, pour mener en tous domaines une politique courageuse ».
Je tiens les extraits complets à disposition pour tout candidat à n’importe quelle élection. Le regard résolument tourné vers l’avenir, le rassemblement autour d’objectifs courageux, tout cela vaut aussi bien pour l’élection cantonale d’Ychoux que pour le discours de prise de fonction du directeur du bureau de poste de Landiras.
La palme doit être cependant partagée entre Jean-François Copée et Roselyne Bachelot. Jean François Copée, président du groupe UMP, a pondu un modèle de question brosse à reluire, émaillé de cette découverte : « lors des journées de l’UMP, nous avons invité un pannel de Français qui nous ont fait part de leurs préoccupations qui portent sur le pouvoir d’achat ».
Heureusement, qu’il y a les journées de l’UMP ! Là enfin, les députés de ce groupe ont l’occasion de rencontrer des Français, d’ailleurs incompréhensiblement peu satisfaits de leur pouvoir d’achat..
Roselyne a déchaîné l’hilarité en fin de séance en répondant sans sourciller : « j’ai déjà excellemment répondu au député Lagarde (sur les franchises) : pour financer les nouvelles dépenses qui sont nécessaires, il faut dégager de nouveaux financements.
Reconnaissons avec elle que la réponse ne pouvait être meilleure et qu’elle a eu raison de prendre l’initiative de la qualifier elle-même.
Même brouhaha aujourd’hui mercredi, même absence de surprise dans le ton des réponses, mais une gêne manifeste après la question d’Henri Emmanuelli sur les délits d’initiés à EADS. Information donnée en avant première par le Figaro, ce qui montre qu’il y a à droite plus d’inimitiés et de coups délicatement tordus qu’on en prête à la gauche.
Juste avant l’annonce officielle des difficultés d’Airbus en juin 2006, dirigeants et gros actionnaires d’EADS ont procédé à des ventes massives d’actions. Tout le monde sait que EADS n’a rien à voir avec la défense française, tout le monde sait aussi que le ministère de l’intérieur n’a aucun moyen de s’informer ni des problèmes de défense, ni du secret des affaires ; il n’y a donc aucunement lieu de penser que le ministre de l’intérieur de l’époque (qui vous savez) ait pu être le moins du monde au courant…
« Si ces faits sont confirmés, ils sont extrèmement graves », a dit laconiquement le secrétaire d’Etat aux affaires européennes.
Interrogée donc par Henri Emmanuelli sur cette gravité potentielle et probable, Christine Lagarde s’est retranché dans une attitude de morale offusquée « l’Etat n’a rien vendu.. ».
Rien vendu ? Ni rien su ?