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Paroles de chiffres

Et si les chiffres, par les temps qui courrent, parlaient plus éloquemment que les paroles ?

Nicolas Sarkozy nous enfume chaque jour par un grand brouhaha de communiqués, relatant ses faits et gestes, eux-mêmes dictés par l’évènement du jour. Cent journalistes ont été recrutés par l’Elysée en CDD d’un an pour renifler le fil du temps et de l’opinion, et produire, produire encore, produire inlassablement, des communiqués capables de satisfaire l’un et l’autre, suivant la technique du « beaucoup de bruit pour rien ».

Reste qu’il faut se souvenir de quelques chiffres. Dans les premières semaines de la législature, en juillet et en aout, nous avons voté dans l’urgence un certain nombre de lois, dont le « paquet fiscal ».

Treize milliards d’euros à destination des plus riches. Peut-être davantage si un grand nombre d’heures supplémentaires sont réalisées et défiscalisées. En contrepartie, dans le quatrième volet de ce paquet fiscal, 25 millions sont attribués au Revenu de Solidarité Active de Martin Hirsch. Avec un peu d’esprit polémique, cela veut dire que Nicolas Sarkozy aime 600 fois plus les riches que les pauvres.

Grâce à ce même paquet fiscal, les 1000 contribuables les plus riches ont déjà reçu une petite enveloppe de 300 millions d’euros, en remboursement du « trop perçu » au regard du bouclier fiscal. C’est à dire une maisonnette de quatre ou cinq pièces pour chacun d’eux, qui en a pourtant en général plusieurs.

Depuis la semaine dernière nous connaissons le déficit de la Sécurité Sociale : 13 milliards d’euros aussi, le plus important que la Sécurité Sociale ait jamais connu depuis sa création. Pour en combler une part minuscule, les malades sont appelés à contribuer, et cela d’autant plus qu’ils sont davantage malades. Cinquante centimes d’euros par boite de médicament, consultation ou acte médical, acte de laboratoire.

Acte de laboratoire, veut dire pour chaque test éffectué, et non par exemple pour chaque prélèvement sanguin. Ainsi une prise de sang comportant une numération formule, un dosage de la CRP, des transaminases, des phosphatases… comme cela est très fréquent correspondra à une « franchise » d’autant de fois cinquante centimes qu’il y a de tests.

Ces « franchises » (on arrive mal à écrire ce nom si peu sincère) rapporteront par grand vent 800 millions d’euros. On aurait pu admettre, si leur montant avait été lié aux revenus, comme par exemple la CSG. Ce n’est évidemment pas le cas : « les pauvres ne sont pas riches mais ils sont nombreux » est un principe éternel du credo sarkozien.

Je pourrais vous faire toute une page de chiffres éloquents : la dette publique grimpant de 30%, le déficit du commerce extérieur, le tassement de la croissance…

Fariboles que tout cela. Le Président a dit, le Président veut, le Président décide… Qu’est-ce donc que ces chiffres qui n’obéissent pas à la volonté présidentielle ? Qu’en avons-nous à faire ! On les interdirait bientôt que nous ne devrions pas nous en étonner outre mesure.

Dépôt de brevet et défense de la francophonie

Sujet assez technique aujourd’hui à l’Assemblée : la ratification du Protocole de Londres relatif au protocole linguistique de dépôt de brevet européen. Cette seule phrase montre que nous sommes assez loin de la poésie romantique.

Peut-être pas si loin pourtant, puisque le sujet a déchaîné des passions : la ratification de ce protocole correspond-elle à un recul de la francophonie ? Au sein même de notre groupe et lors de deux réunions successives, les interventions ont été très argumentées et toutes intéressantes.

La question est celle-ci. Une demande de brevet comporte obligatoirement deux parties :
– les revendications définissant l’objet de la protection demandée, c’est à dire expliquant pourquoi l’objet du brevet est original, constitue un progrès ou une innovation et pourquoi la « paternité » doit en être désormais reconnue au déposant. C’est la partie juridique essentielle du brevet.
– la description (éventuellement accompagnée de dessins) expose l’état antérieur de la technique, le problème technique et la solution technique apportée (en quelque sorte, c’est le mode d’emploi).

Actuellement, l’obtention du brevet impose la traduction de l’intégralité de la demande (description et revendications) dans les trois langues officielles de l’office européen des brevets : français, anglais, allemand.

Pour diminuer le coût de la démarche (en particulier pour les PME), le protocole propose une simplification :
– pour les pays dont la langue est une des trois langues officielles, la totalité de la demande doit être disponible dans cette langue, et les revendications disponibles dans les trois langues
– pour les pays dont la langue n’est pas une des trois langues officielles, une langue officielle doit être désignée pour l’ensemble de la demande et le pays conserve le droit d’exiger une traduction des seules revendications dans les trois langues officielles.

Concrêtement, pour le français, cela signifie que les deux parties ne seront pas pour la totalité des brevets traduites ou rédigées dans notre langue. La première partie (revendications) le demeurera.

D’où le tollé des défenseurs rigides de la francophonie : c’est une régression, nous baissons les bras une fois de plus !

Très clairement, je n’étais pas de cet avis. C’est comme demander que toutes les publications scientifiques soient traduites en français. Nous savons, tout simplement, que si c’était le cas nous limiterions l’entrée des connaissances mais aussi la diffusion des travaux de nos scientifiques.

Défendre la francophonie, c’est l’enseigner, attirer des chercheurs et des étudiants sur notre territoire, défendre notre niveau technique et scientifique ; ce n’est pas s’arc bouter sur des problèmes de traduction qui pénalisent les utilisateurs comme les déposants de brevet.

Cette position l’a emporté dans notre groupe et nous avons voté ce texte, qui était d’ailleurs soutenu par les grandes instances scientifiques (CNRS, Inserm..). Je crois que c’est faire preuve à la fois de modernité et d’esprit d’ouverture. La vraie ouverture, celle de l’esprit et de l’attitude politique.

Je cite souvent un de mes amis « l’esprit est comme le parachute, il ne fonctionne que s’il est ouvert ».

Une journée ordinaire

Je prolonge le billet précédent et les commentaires qui l’ont entouré en racontant tout simplement ma journée à l’Assemblée. D’abord parce que j’ai la flemme de faire autre chose sinon bavarder familièrement, comme quelqu’un qui rentre à la maison et raconte de ce qu’il a fait. Les comptes de la Sécu, les retraites, les prisons, tout cela je n’ai pas envie à cette heure de l’aborder de front.

Départ à l’aube chantante ce matin, réunion des vice présidents du groupe socialiste, puis réunion de l’ensemble du groupe. A l’heure du déjeuner, avec Charlotte, qui est depuis ce jour mon assistante parlementaire à Paris, nous avons mis en place notre bureau parisien, organisé le travail que désormais nous allons partager et commencé à écluser la tonne et demie de courrier que chaque député reçoit chaque semaine. Je suis chaque jour plus écologiste en voyant les corbeilles pleines à ras bord de tout ce qu’il faut jeter. J’ai clairement indiqué à Charlotte que la corbeille à papier me paraissait depuis que je suis députée l’instrument numéro un de la vie parlementaire. Dans la foulée, nous avons décidé d’en commander une deuxième…

Cette séance de travail, devant un somptueux café au lait droit sorti du distributeur, s’est poursuivie par la séance parlementaire tout court. Rachida Dati présentait le projet de loi instituant la mise en place d’un contrôleur des « lieux privatifs de liberté ». Ce projet n’est pas le pire de tout ce qui nous a été présenté, d’autant que la loi a été largement amendée au Sénat.

Pendant le même temps, j’aurais due être à la commission affaires sociales et culturelles. Pardon rlj2 (un des commentateurs qui m’a fâchée très fort), je n’ai pas pu participer simultanément aux deux.

Pire que cela, j’ai du quitter la séance pour être partie prenante du groupe « retraites et plan de financement de la sécurité sociale ». Le sujet n’est pas simple, nous auditionnions les responsables syndicaux de l’UNSA, syndicat majoritaire à la SNCF, sur les régimes spéciaux.

Bref passage au bureau pour finir d’écluser le courrier, départ comme un V2 rue de Solférino, qui comme chacun sait est non seulement une victoire de Napoléon mais le siège du parti socialiste. Réunion de la commission santé, toujours sur le PLFSS (plan de financement de la sécurité sociale). Il y a de quoi dire : le déficit est abyssal, jamais des chiffres aussi catastrophiques n’ont été atteints, il faut maintenant, non seulement dénoncer l’échec absolu du plan Douste-Blazy, les franchises, mais aussi PROPOSER. Et en la matière, ce n’est pas tout à fait rien.

Retour à l’Assemblée. Je viens d’aller grignoter des carottes rapées et du jambon (il ne restait plus rien d’autre) à la buvette. La séance se poursuit en ce moment même, ma collègue Martine Faure du langonnais vient d’y partir, je suis pour ma part rentrée pour ce moment de récréation que j’aime entre tous (faire le blog) et m’attaquer à mes mails.

J’ai appris plein de choses, la journée a été assez assez dense mais je l’espère pas tout à fait inutile. Ou du moins, son utilité dépendra de ce que je parviendrai à faire de ce que j’ai appris et de ce que j’ai moi-même versé dans le débat.

Présence et parole des députés dans l’hémicycle : règles et pratiques

Une discussion peu amène s’est élevée à la suite des billets consacrés à la loi « maîtrise de l’immigration ». L’objet en est la présence des députés dans l’hémicycle, en particulier au moment des votes, et leur prise de parole.

Je tiens à y répondre avec rigueur, ne serait-ce que parce que j’ai été mise en cause, au demeurant avec une légère absence de mesure.

Il n’a échappé à personne que la gauche n’était pas majoritaire à l’Assemblée. Le groupe socialiste, républicain, citoyen compte 204 députés, le groupe « technique » associant communistes et verts une poignée supplémentaire, le modem 4 députés, tout le reste relevant de la droite de stricte obédience gouvernementale (UMP et « nouveau centre »).

A notre arrivée à l’Assemblée, les trois nouvelles girondines (Pascale Got, Martine Faure et ma pomme) ont eu la même bonne idée que l’un des commentateurs et nous nous en sommes aussitôt ouvertes à Jean Marc Ayrault, président de notre groupe : ne pourrions-nous arriver massivement au moment du vote d’un amendement ou d’un texte qui nous tient à coeur et faire pencher ainsi par surprise le vote en notre faveur ?

Nous étions étonnées que personne n’ait eu cette idée lumineuse avant nous…

Malheureusement, si ; les députés socialistes malgré le peu de bien qu’en pensent Franck ou rlje2 (les commentateurs les plus vifs à notre encontre) ne sont pas si peu éclairés ou si paresseux. Non moins malheureusement, le député UMP n’est pas non plus un poussin du jour…

En cas d’équilibre incertain dans l’hémicycle, un Président de groupe peut aussitôt demander une interruption de séance. « Elle est de droit », lui est-il, répondu. Pendant cette interruption de séance, le même président rappelle ses troupes en proportion de ce qui risque de manquer au vote. Car contrairement à ce que pense nos contradicteurs, le député, de gauche comme de droite, n’est ni à la plage, ni aux folies bergères. Un très grand nombre est tout bonnement dans son bureau.

L’opération « surprise » n’a réussi qu’une fois au moment du PACS. Lors de cette nouvelle session parlementaire, nous l’avons emporté une fois également d’une voix, grâce au vote inattendu de députées UMP avec la minorité de gauche et nous avons fait ainsi passer un amendement.

Pour le vote de l’ensemble de la loi, la revue des troupes est plus vigilante encore. Si les socialistes avaient été plus nombreux, les UMP l’auraient été plus encore. C’est attristant de sentir en effet que notre présence est de peu d’effet : aucun amendement n’est retenu par la droite (ce serait pourtant cela l’ouverture !). De plus, comme je l’ai exprimé, la loi sur l’immigration, à laquelle personne ne croit, est d’abord un affichage médiatique auquel nous sommes contraints de prêter la main par notre présence et nos interventions.

Le problème de la prise de parole maintenant. Un des commentateurs n’accorde un satisfecit qu’au député communiste Braouzec. J’ai passé une bonne part des séances à côté de lui, nous avons totalement convergé sur le fait que cette loi est destiné à fixer l’électorat bien plus encore qu’à diminuer l’immigration de quelques milliers. Ses interventions ont été convenues mais bonnes, il a pleinement rempli son rôle.

Cela a été plus encore le cas de notre rapporteur, George Pau-Langevin. Remarquable nouvelle députée de Paris, la seule députée de couleur (elle est antillaise) élue sur le continent. J’aurais eu plaisir à ce que la lecture de Franck soit élargie à sa prestation. Non, Franck, le ou la socialiste n’est pas systématiquement un toquard nanti et paresseux !

On ne prend pas la parole librement dans l’hémicycle. Un rapporteur, des intervenants pour expliquer les votes, commenter les articles et présenter les amendements sont désignés au sein de la commission dont relève le texte de loi. Pour l’immigration, il s’agit de la commission des lois.

La seule parole libre est la réponse aux décisions du gouvernement après présentation des amendements, encore faut-il qu’il n’y ait qu’un intervenant par groupe. On peut aussi quelquefois présenter des amendements, même s’il n’appartiennent pas à sa commission, après accord du rapporteur, ce qui a été mon cas pour la loi sur l’immigration.

Donc, cher Franck, cher irlje2, cher Michel, ne pensez pas forcément qu’un député socialiste qui ne parle pas est forcément au Fouquets ou à la chasse aux papillons. Toute bonne critique demande une bonne connaissance de fond des règles et des pratiques.

Rugby, suite de la suite

.. et je l’espère, fin. Non, je ne parle pas des résultats de notre équipe, mais de notre « léger » différent avec l’organisation de la coupe du monde concernant les parkings de l’hôpital Charles Perrens et de l’Université mis à disposition gracieuse par nos établissements et facturés 21, 50 euros aux utilisateurs.

Réunion d’explication et de conciliation hier à notre demande (Charles Perrens). Déplacement de M Thobois, directeur général de l’organisation au plan national.

Je vous le fais en abrégé : la réunion a duré plus de deux heures. Nous avons eu transmission, de manière reconnaissons-le très tardive -ce qui ne va pas sans interrogations- de la répartition de nos places de parking et du budget de ce poste « parking » au plan notional. Il semble que toutes « nos » places n’aient pas été vendues à titre onéreux et que certaines aient été mises à disposition des personnes à mobilité réduite. Voilà qui aurait dû être précisé dès la convention si c’est en effet la réalité.

Nous avons obtenu que pour les deux matchs restant à jouer à Bordeaux – aucune place du domaine hospitalier ou universitaire ne serait mise à disposition à titre onéreux – que le contingent libéré par ce principe serait remis sous notre contrôle et que nous les mettrions nous mêmes à disposition du personnel hospitalier ou universitaire, des personnes handicapées et des journalistes accrédités.

Négociation très mesurée, puisque nous n’avons demandé aucun remboursement des sommes perçues par l’organisation pour les deux matchs précédentes mais que nous avons obtenu satisfaction sur le principe de base de notre action : la mise à disposition du domaine public pour le bien public.

Voilà. Je voulais donner ici l’actualité de cette question qui a fait l’objet de deux billets précédents et qui, fondamentalement, n’est pas insignifiante puisqu’elle pose la question de l’utilisation du domaine public et des dérives commerciales du sport.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel