m

Le Président a promis

J’ai été très choquée (j’avais envie d’écrire : écoeurée) de la présentation faite hier au journal de 19 h sur France-inter de la prise en compte de l’avis du conseil constitutionnel.

A aucun moment, n’a été évoqué ce que représente cet avis : la constitutionnalité d’un texte, que tout Président devrait connaitre, même alors qu’il n’est que candidat. Le principe de non rétro-activité des lois est connu jusque dans le grand public, et il relève du bon sens.

Sarkozy aurait du, non seulement prendre acte, mais reconnaitre que sa promesse avait été faite légèrement. Tout au contraire « Si vous regrettez que je ne tienne pas mes promesses, adressez-vous au Conseil constitutionnel ».

Sous-entendu : c’est lui le fautif. Et c’est cet aspect que France-Inter a mis en avant. Heureusement ce bon Président qui nous est échu a promis que ce qui serait « économisé » par cette non défiscalisation, serait mis tout entier à défiscaliser plus encore et plus longtemps ceux qui avaient acquis leur bien depuis le vote de la loi.

Cette loi, telle qu’elle est édictée, est foncièrement injuste. Le principe d’incitation à la propriété, bon en soi, était contredit par la rétroactivité, puisque elle encourageait ceux qui avaient déjà acheté, et donc qui en avaient les moyens.

Plus gravement, elle ne s’adresse pas qu’aux seuls primo-accédants à la propriété, comme ce devrait être le cas, et comme notre groupe l’a ardemment soutenu à l’assemblée. Ainsi, si vous êtes déjà propriétaire d’un petit chateau coquet dont vous avez fait votre résidence principale, et que vous ne le trouviez pas tout à fait assez grand, c’est le moment d’en acheter un second : la défiscalisation vous concernera au même titre que celui qui rame pour acquérir un trois pièces en banlieue…

C’est la justice selon Sarko. Et que dire des 70% de Bordelais qui sont locataires de leur résidence principale, et pour la plupart très loin de pouvoir l’acquérir ?

Je reviens un instant à France-Inter : à la fin de ce journal, accablant de non-objectivité, une publicité pour un livre, co-édité par France-Inter : « Le Président a promis…Une France qui change ». J’ai cru avoir mal compris, mais c’est bien cela, le commentaire l’a précisé : un livre, coédité par un organisme public d’information, sur toutes les bonnes choses promises par le Président et l’avenir radieux qui va avec.

A saisir, absolument ! Cela risque d’être bientôt un document pour l’histoire.

Parole de JAP

Neuf lois contre la délinquance depuis 2002 à l’initiative de Nicolas Sarkozy. Toutes inopérantes, pas encore appliquées que déjà remplacées ou plutôt superposées…

Cela a valu une très belle répartie du Président de l’Association nationale des juges de l’application des peines (JAP), Michael Janas, pointant la disproportion entre les effectifs de magistrats, de médecins et de travailleurs sociaux, et l’inflation des textes :

« On a l’impression d’être dans un immeuble qui s’effondre et qu’à chaque fait divers on ajoute un étage. Aujourd’hui, nous n’arrivons même pas à appliquer la loi sur le suivi socio-judiciaire qui date de 1998 ! »l

François retoque Christine qui voulait retoquer les sages qui avaient retoqué le TEPA*

Dans une interview au « Monde », à paraître ce soir (je n’ai encore que le compte rendu radio), François Fillon annonce (j’allais dire : avoue) que le gouvernement ne contournera pas la décision du Conseil constitutionnel concernant la défiscalisation rétroactive des intérêts d’emprunt engagés pour la résidence principale. Le texte exact de sa déclaration sera très important à lire.

J’aimerais vous dire qu’il a ajouté que la lecture de mon blog l’avait grandement influencé. En réalité, c’est sans doute plutôt l’examen des comptes de la nation. La mesure coûtait à peu près autant que le budget du ministère de la justice.

Quoi qu’il en soit, je ne suis pas sûre que Christine Lagarde n’ait pas été un peu vite en besogne dans ses annonces…

  • voir billet du 19/08

Eclaircie

Il n’y a rien que j’aime autant que les rapides changements du temps. Devant ma table de travail, la mer blanche et écumante devient tout d’un coup éclatante grâce à une faille entre deux nuages. Son vacarme demeure le même, mais celui du vent faiblit d’un ton.

Les premières silhouettes apparaissent prudemment, emmitouflées malgré la vivacité de la lumière. Sur le mur, trois oiseaux tout petits picorent comme si de rien n’était ; plus bas, des mouettes en bataillon fouillent le sable humide de leur bec.

C’est comme un étau qui se désserre, la nature prend le temps de respirer. Cela s’appelle une éclaircie.

L’événement me parait de suffisante importance pour vous en informer sans délai.

A quoi sert la prison ?

« A rien », a malheureusement confirmé Nicolas Sarkozy par sa déclaration-rodomontade d’hier. Bien sûr, il ne s’est pas directement exprimé ainsi, mais c’est ce que signifie son bla-bla de conquistador de banlieue.

J’ai évoqué à plusieurs reprises le sujet dans le blog. La prison a trois missions : protéger la société, dissuader, préparer au retour dans la société.

Seul le premier de ces objectifs est assurément rempli : peu d’évasions, la prison est un coffre-fort solide.

Le deuxième est largement sujet à débat, le troisième est un échec absolu. Je rappelle au passage ce chiffre terrible : 8,4% du budget de la pénitentiaire est consacré à la réinsertion sous tous ses aspects.

Hier, nous avons entendu Nicolas Sarkozy, annoncer comme s’il venait de trouver l’oeuf de Colomb, qu’à l’issue de leur peine, les délinquants sexuels seraient « évalués » , puis soignés ; et que s’ils ne voulaient pas être soignés, on les maintiendrait dans des lieux d’enfermement. Au passage, remarquons que la sanction établie par les juges sera tenue pour du beurre.

Qu’est-ce que cela veut dire : que pendant la durée de leur incarcération, rien n’aura été fait. Ils arriveront à la date de sortie dans l’état où ils étaient à la date d’entrée, et en général dans un état pire.

D’une vision purement Sarkozienne, quand on connait le coût par journée d’un détenu, voilà qui n’est guère productif ! Mais que fait donc Mme Lagarde au lieu de ne s’occuper que des traders et des banquiers ?

La démonstration par l’exemple de cette « inutilité-inefficacité », vient d’être donnée par le cas de Francis Evrard : il venait de passer, en plusieurs séjours, 27 ans en prison.

Les cheveux se dressent sur la tête devant l’autisme de Sarkozy et de Rachida Dati : le simple bon sens amène à la conclusion qu’il faut que le temps de prison soit mis à profit pour un accompagnement social et psychologique, voire des traitements médicaux, et qu’il est indispensable par ailleurs d’accompagner la sortie d’un suivi étroit (Francis Evrard avait son premier rendez-vous avec le juge d’application des peines fin août..)

Je posais à l’occasion de la loi sur la récidive, votée en juillet, la question de la nature des traitements. Seuls ont été abordés les traitements psychiatriques dans le volet « injonction de soin » de cette loi. Le viol du petit Eunice repose la question des traitements anti-hormonaux (énanthone et androcure) ; bien sûr, administrés si le malade le veut. Les effets de ces traitements sont un amoindrissement des pulsions sexuelles pendant le temps du traitement, c’est à dire non définitif. En aucun cas, il ne s’agit de la castration chimique qui est, heureusement illégale, en dehors de la demande expresse d’un malade informé.

Tout cela demande une réflexion approfondie, et non pas comme cela vient d’être fait, le vote d’une loi hâtive et l’annonce, hier, de mesures à destination d’ un public non informé dont on espère qu’il ne réfléchit pas. Ne nous lassons pas quant à nous d’expliquer et d’expliquer encore.

(Je conseille la lecture à ce sujet du commentaire de BB à la suite du billet précédent.)

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel