Le livre de l’humour allemand est classé, d’après de très mauvais langues, parmi les livres les plus courts du monde, au même titre que le who’s who norvégien, le Kama Sutra suisse (si du moins on peut appeler ainsi un précis d’érotisme destiné aux habitants du canton de Berne ou de Zürich)…
Quoi qu’il en soit, cette classification est certainement partiale ; les Allemands ont occasionnellement de l’humour, en règle quand ils ne le cherchent pas. A preuve cette histoire, fraichement tombée de l’édition du jour de la Suddeutsche Zeitung.
L’histoire en question mérite un détour. Dans la bataille « pour » et « contre » le pont Bacalan-Bastide, les militants de l’association Garonne-Avenir ont très justement fait valoir qu’un pont semblable avait été recalé par les experts de l’UNESCO dans la perspective du classement de la ville de Dresde au patrimoine mondial.
Jamais je n’ai pu avoir de réponse en Conseil Municipal sur l’avis qu’avaient pu exprimer les experts sur le projet bordelais. A Dresde, la politique est plus transparente, et l’on a appris que le classement risquait d’être révisé par l’UNESCO si les travaux du pont étaient entrepris. Ces travaux devaient commencer aujourd’hui même, la municipalité de Dresde ayant décidé de ne pas se laisser impressionner par quelques expertillons qui ne connaissaient rien de l’histoire allemande et n’avaient rien à faire de son avenir…
Plus fin larron a été le tribunal administratif de la dite ville. Rien de plus tatillon qu’un juriste allemand. Pas forcément rapide, mais plus malin qu’il n’y parait.
Les juristes du tribunal administratif ont ressorti d’un tiroir un arrété de la cour administrative fédérale exigeant que tout projet immobilier majeur prenne rigoureusement en considération tous les aspects écologiques pertinents.
Il n’en fallait pas tant aux juges… Et c’est là qu’intervient Rhinolophus hipposideros, dont le nom n’indiquait pas au premier regard qu’elle était citoyenne allemande. Pire encore, qu’elle risquait de ne pas le rester longtemps : Rhinolophus hipposideros est une espèce rare de petite chauve-souris. Il n’en resterait que 650 exemplaires en Allemagne, toute réunifiée qu’elle soit.
Pouvait-on commencer des travaux alors que rien n’était garanti de l’impact du pont sur la survie de Rhinolophus ? Etait-on en droit d’engager un projet sans tenir compte du principe de précaution qui veut que rien ne puisse être construit ni érigé sans que les 650 représentants connus de cette minorité de moins en moins visible soient protégés ?
Bien sûr que non. L’Allemand est prudent, surtout quand il est juriste. Le tribunal a statué pour que les travaux ne soient pas entrepris.
En codicile, les juges ont également indiqué qu’on n’avait aucune garantie sur l’impact des éclairages distribués par les lampadaires sur les insectes du lieu…
Quand je vous disais qu’il fallait au moins un chapitre au livre de l’humour allemand ?