Troisième jour ce mercredi du marathon universitaire : la loi pompeusement appelée « Libertés et responsabilités des Universités » est en examen devant l’Assemblée nationale après l’avoir été devant le sénat. Le mot d' »autonomie » suffirait ; liberté, au singulier comme au pluriel, me parait d’un ordre différent.
Ce n’est pas la pire des lois que nous examinons à marche forcée cet été. Réformer l’Université est un besoin unanimement ressenti et exprimé sur nos bancs. Mais une fois encore la précipitation amène à des surprises et à la constatation de graves insuffisances du texte.
Un exemple. Un des points majeurs de la loi est de renforcer les pouvoirs du Président des Universités. Il devient une sorte d’ « omni-président », à l’exemple sans doute du Président de la République lui-même qui s’est mis en tête de s’occuper de tout, tous les jours et de préférence sous les yeux des caméras (François Hollande a eu à ce propos une formule percutante et pleine d’humour comme à l’habitude : « Nicolas Sarkozy, c’est le coup d’éclat permanent », parodiant ainsi le titre du pamphlet de François Mitterand « le coup d’Etat permanent »).
Mais je reviens à mon Président des Universités : le voilà sommé d’être à la fois un VIP-VRP de l’Université avec la mission d’en assurer la promotion dans le monde, de contribuer à la dynamique de sa région et à l’insertion professionnelle des étudiants, d’animer les équipes scientifiques et d’être en outre un formidable gestionnaire. Un seul homme n’y suffit pas et François Bayrou a fait très justement remarquer que la répartition des pouvoirs dans les Universités américaines se faisait entre quatre personnes aux fonctions étanches : President, « Provost », « Dean » et « Chief financial officer ». Cela a plus ou moins été reconnu par la ministre qui a indiqué que, pour pallier à la pléthore de cette fonction, elle « musclerait » les prérogatives des secrétaires généraux des Universités en matière de gestion.
Plus gravement encore, il n’a rien été prévu en cas de désaccord majeur entre le Président et son Conseil d’Administration. Le Président doit soumettre annuellement un rapport d’activité, déclinant les orientations politiques et scientifiques de l’Université : il n’a été prévu qu’une approbation de ce rapport. Alors pourquoi le soumettre, si seul le « quitus » est envisagé ?
Là aussi, sans doute, une contamination sarkozienne. Nous avons proposé un amendement prévoyant que le Président engage sa responsabillité et qu’en cas de désaccord majeur, et de vote d’au moins les deux tiers du Conseil, il doive remettre son mandat. Il est normal que cet homme omni potent et omni soit aussi responsable. Mais non, l’amendement a été rejeté et nous restons donc dans le flou.
Un autre sujet majeur sur lequel je suis intervenue, est la situation particulière des « Unités de Formation et de Recherche » des facultés de médecine. Les Universitaires des CHU sont des bi-appartenants : moitié médecins hospitaliers, moitié Universitaires, à la fois enseignants et chercheurs. C’est donc en réalité une triple appartenance, dont l’usage est obligatoirement différent selon qu’on est orthopédiste ou médecin nucléaire. Dans certaines spécialités, l’enseignement est d’abord un enseignement de technicité, et le rôle de beaucoup de nos chirurgiens est d’abord d’apprendre à leurs étudiants et à leurs internes à bien opérer et à acquérir de nouvelles techniques. Le malade se fiche un peu qu’il passe une partie de son temps dans un labo à trifougner sur des cellules ou des molécules pour remplir sa valence recherche.
Or les jeunes agrégatifs, bien conscients déjà que la « valence recherche » leur apporte d’avantage de chance de sélection que les meilleurs soins aux patients, ont très fortement tendance à privilégier cet aspect et à être moins présents dans les services . La loi conserve la double nomination des bi-appartenants par le ministère de l’Enseignement supérieur et par le ministère de la Santé. Mais prévoit que leur rôle universitaire soit intégré dans la politique de recherche de l’Université, elle-même décidée par le Président de l’Université. Il y a fort à craindre qu’on puisse imposer à l’orthopédiste que j’évoquais tout à l’heure des travaux très éloignés de sa spécialité et, plus gravement encore, que l’on détourne des postes très nécessaires sur le plan médical vers des activités de recherche portées par l’Université. En clair, que l’on puisse nommer un chimiste là où il faudrait en priorité un orthopédiste.
Voilà une réserve qui a d’ailleurs été exprimée également sur les bancs de la droite et ceux de la gauche. La pratique jugera et j’espère que nous conserverons un niveau élevé autant en chirurgie orthopédique qu’en médecine nucléaire ou en biologie moléculaire.