Rachida Dati vient de présenter en séance plénière la loi « renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ». D’une voix timide et monocorde, lisant son texte avec application, très en deça de l’image de « dame de fer » que l’on donne d’elle. Elle a exprimé son émotion de s’exprimer à la tribune de l’assemblée et l’on conçoit bien ce qu’elle pouvait ressentir en connaissance de son parcours.
Cette loi comporte trois volets : l’établissement de peines planchers en cas de récidive, l’atténuation des dispositions en faveur des mineurs pour les jeunes de plus de 16 ans et l’injonction de soin après infraction sexuelle.
Les deux premiers volets de la loi ont des connexions : entre 2002 et 2005, l’augmentation du taux de récidive sanctionnée a dépassé 70 % ; 30% des mineurs condamnés récidivent dans les cinq ans ; 46 % des vols sont perpétrés par des jeunes de moins de 18 ans.
L’instauration d’une peine plancher limite, sinon supprime, le principe constitutionnel de l’individualité de la peine. Le recours en inconstitutionnalité posé par la gauche a été écarté sous prétexte que la peine plancher est différente selon qu’il s’agit d’une première récidive, ou d’une deuxième ou troisième ; également, parce qu’il existe des dispositions également graduelles pour que le juge puisse à titre exceptionnel prononcer une peine moindre. Pour une primo-récidive, ces exceptions sont les suivantes : des circonstances particulières, la personnalité du prévenu, des garanties d’insertion. Pour une récidive de rang plus élevé, l’adoucissement de la peine plancher devient extrèmement difficile et réduite à des « garanties exceptionnelles d’insertion ».
Le vocabulaire juridique est un peu sec et l’explication de ces dispositions l’est aussi, mais n’enlève pas le grand intérêt qu’il y a à comprendre exactement de quoi il s’agit.
Deux faits indiscutables plaident contre les deux premiers volet de la loi. Toutes les études, dans les pays où des dispositions semblables ont été prises, montrent leur inefficacité. Aux Etats-Unis par exemple, le « tarif » des peines réservées aux mineurs a été élevé : leur taux d’incarcération est le plus élevé du monde.
Le pire est pourtant cette constatation : le plus grand générateur de récidive est la prison elle-même, et ce n’est ni en élevant le nombre de personnes, et a fortiori de jeunes, incarcérés, ni en augmentant la durée de leur incarcération que l’on limitera le risque de récidive. Dans l’état actuel, la prison est pratiquement inefficace en terme de réinsertion et de réadaption dans l’activité.
Alors que la prison a trois objectifs : mettre la société à l’abri des délinquants, dissuader, préparer la réinsertion, ce ne sont que 8,4% du budget de l’administration pénitentiaire qui sont consacrés au troisième et au plus important de ces rôles. Ceci alors que 40% des prisonniers ont moins de trente ans et qu’ils auront en sortant une vie à faire .
La droite a une fois encore stigmatisé l « angélisme » de la gauche. C’est faux. La sanction est légitime, mais il lui faut une double utilité : pour l’individu et pour la société. Quand une sanction -dans le cas l’emprisonnement- se révèle comme une école de la récidive, ni l’individu, ni la société, n’y trouvent leur compte.
La loi de Rachida Dati, proposée dans l’urgence, aurait du suivre et non précéder deux faits : la mise en place et l’extension de peines différentes de l’emprisonnement, le désengorgement des prisons.
La précipitation, la volonté affichée d’effets d’annonce font qu’aujourd’hui nous allons donner une mauvaise réponse à une vraie grave question.