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Liquider mai 68 !

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai eu froid dans le dos en écoutant Nicolas Sarkozy dire qu’il voulait « liquider mai 68, en finir avec la permissivité et le relativisme des valeurs ».

« Liquider » est un mot terrible. On l’utilise pour un otage, un traitre ou un prisonnier dont on veut se débarrasser de manière violente et sans jugement. Beaucoup a été déjà écrit sur le vocabulaire des hommes politiques et on sait que leur choix des mots n’est aucunement anodin, et révèle beaucoup de leur tempérament véritable. Des thêses entières sont écrites sur le sujet.

J’ai saisi au vol ce matin à la radio l’analyse d’un chercheur qui a passé dans un logiciel toutes les prises de parole de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal. Pour le premier, le mot qui revient le plus souvent est la particule négative « ne » : il ne faut pas, on n’a pas le droit, on ne doit pas… Pour Ségolène, c’est le « nous » de rassemblement : nous voulons, nous pensons…

Nous sommes tous dans l’attente du débat de ce soir. Nicolas Sarkozy fera patte douce car il sait que son caractère rebute et fait peur. Ses « communiquants » l’ont sans doute grandement mis en garde contre toutes les élévations de ton et les mots agressifs. Une analyse filmée de leurs discours au cours des semaines, a déjà démontré combien il avait changé sa gestuelle et supprimé les doigts pointés vers le public et l’écran et les mains jointes et raides dirigées comme un pistolet vers l’interlocuteur.

Les slogans de 68 étaient tous extrèmememnt inspirés. « Mettre les villes à la campagne » ou encore « Soyez réalistes, demandez l’impossible », « Pas besoin de penser pareil pour pousser ensemble ».. .

Dans le commentaire d’un billet précédent, Eric proposait d’y substituer, si par mégarde Sarkozy est élu « Tout ce qui n’est pas interdit est obligatoire ». Ca promet..

30 avril 1907

Mon père, Gabriel Delaunay, aurait cent ans aujourd’hui. Peut-on imaginer ce qu’a été la marche du monde dans ces cent ans ? Entre la petite ferme de Vendée, « sans commodités », comme on disait, le marché aux bestiaux où mon père accompagnait son père, l’âtre où l’on se réchauffait, les draps de chanvre pesant des tonnes que l’on lavait dans l’eau glacée du lavoir, et notre vie d’aujourd’hui, on pourrait imaginer des siècles. La pauvreté a changé de visage, le monde de rythme, beaucoup de mots n’ont plus le même sens et beaucoup se sont perdus.

Mon père est l’image du meilleur du XXème siècle : ce que l’on appelle « la méritocratie républicaine ». Un enfant reconnu par son instituteur, poussé par lui à devenir aussi instituteur, puis passant les concours … Tout ce que je voudrais « rendre », ou en tout cas rendre possible, aux enfants « défavorisés » d’aujourd’hui. Il aurait horreur que j’utilise ce terme. Il avait eu une enfance pauvre mais pas « défavorisée ». C’est sans doute obscurément pour cela que je déteste ce mot, finalement très dépréciatif. La pauvreté n’est ni une qualité, ni un défaut, c’est un état, gravement, profondément exigent et, je le crois, indélébile.

Il m’a appris la simplicité, le naturel, l’attention aux autres, la volonté de ne jamais blesser en paraissant supérieur ou paternaliste. Du moins, il était ainsi. Quand on me parle de lui, trente-cinq ans exactement après qu’il a quitté ses fonctions à Bordeaux, j’en suis émue.

Le Conseil municipal m’a empêché d’aller en Vendée aujourd’hui. Il a souhaité, comme les aborigènes, retourner d’où il était venu. Ces quelques lignes, c’est « le bouquet de houx verts et de bruyère en fleurs » que je dépose sur le grès noir de sa tombe.

Je n’aurais pas pu ne pas en parler aujourd’hui.

Tout autre choix ne serait pas très raisonnable

L’absolue certitude qu’il faut que nous nous battions pour rester libres, pour rester des gamins, des gosses insolents, des esprits insoumis.. Tout cela est à la fois très enfantin et peut paraitre très pompeux..

Dans le vote de dimanche prochain, les libertés fondamentales ne sont pas en cause, je ne crois bien évidemment pas que la démocratie soit menacée, mais l’esprit de la démocratie, un peu. Je voudrais que ce pays, cette ville, demeurent ou deviennent un pays, une ville, à la fois de pionniers (qui se bougent, qui bossent, qui sont inquiets, entreprenants, désireux..) et un pays, une ville, libertaires (qui se moquent, qui sont fiers, qui se sentent forts..).

Est-ce bien raisonnable ?

Il a plu sur Bordeaux. L’air est rafraichi et léger. N’y a-t-il pas une publicité (pour le TGV je crois) qui dit « tout autre choix ne serait pas très professionnel » ? Ni très raisonnable.

Je crois ça très fort.

Choisissons le choix le plus libre.

Juppé comminatoire

A-t-on suffisamment remarqué cette phrase, ce matin en conseil de CUB : « Monsieur le Président, JE VEUX que pour les élections municipales 2008, le tri sélectif soit étendu et fonctionne dans tout Bordeaux » ?

Le Président, c’est Alain Rousset.

Le « Je » comminatoire, de ce « je veux » , c’est Alain Juppé.

Non, Juppé n’a pas dit « pour l’intérêt des Bordelais », ni « pour l’intérêt de la planète », ou « pour le développement durable » , mais « POUR LES ELECTIONS MUNICIPALES 2008 ».

Toute la conversion écologique d’Alain Juppé est dans ce raccourci. Et beaucoup plus que cela. Quiconque s’adresserait à lui comme il s’est adressé à Rousset serait tancé d’irrespectueux, d’immoral…

A défaut de l’Etat, la Ville, c’est Moi !

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel