Sarkozy, ou la politique de l’irrespect
Un journal du soir me donne le détail du discours de Sarkozy à Toulouse le 12 avril. Vingt-sept fois, vingt-sept fois en 62 minutes, Nicolas Sarkozy a cité Jean Jaurès, pour finir, goguenard « Ségolène Royal ignore Camus alors je le reprends à mon compte, elle a oublié Blum alors j’en parle, elle ne connait pas Jaurès alors je le cite ».
Goguenard et méprisant. Goguenard et, plus encore, méprisable.
Reprendre Camus à son compte ? Camus, l’écorché dont la mère était femme de ménage à Bab el Oued ? Camus, qui a écrit « misère en Kabylie » ? Camus pour qui le respect dû à chacun, y compris lui même ce qui lui donnait parfois un air dur, était une règle de vie, une éthique fondamentale ? C’est peut-être enfantin mais j’en appelle à Catherine Camus (sa fille, qui est à l’origine de la publication du « dernier homme ») : comment peut-on « prendre Camus à son compte », d’une manière générale (Catherine elle-même ne l’a jamais fait), mais plus encore quand on s’appelle Nicolas Sarkozy?
Blum, Jaurès, dont on connait la mort, dont on connait la vie. Pour tous les deux l’austérité de vie, la rigueur et une fois encore le respect des autres. J’ai souvent dit, en demie-plaisanterie, que je me sentais avant tout du « VPS », le Vieux Parti Socialiste. Je ne disais pas cela en opposition au NPS (le Nouveau Parti Socialiste) de Montebourg et Peillon, mais en référence à ces hussards noirs de la République, pour qui le Parti Socialiste constitutait une colonne vertébrale, en pensant à ma grand-mère, paysanne de la Vendée chouanne qui ne s’asseyait pas à table mais qui créa une section dans son village, et qu’on me pardonne cette présence réellement forte, à mon père qui annotait les discours de Jaurès et de Blum : les livres, les discours sont autour de moi, au moment même où j’écris ce billet.
Qu’on me pardonne ce ton, un peu sérieux : quand je suis blessée, je suis comme tout le monde, un peu raide, voire même un peu emphatique. Que Nicolas Sarkozy cite Charles Pasqua et Achille de Peretti qui l’ont directement formé. S’il veut de grands personnages : Balladur, ou pour l’époque de Jaurès, Mac Mahon, Déroulède… Il n’a que le choix. Jaurès était bien seul à son époque.
Un journal allemand (la Frankfurter Allgemeine Zeitung, journal de droite mais réputé pour son sérieux) décerne à Sarkozy le prix de « l’homme politique le plus ambitieux et le plus impitoyable d’Europe, qui n’a pas de vraie conviction mais s’aligne sur l’humeur du peuple ».
Si par mégarde NS venait à être élu, l’Europe constituera-t-elle pour nous une chance de liberté ?