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Responsabilité, encore et toujours

Quarante-quatre pour cent des français tiennent compte dans leurs achats des caractéristiques sociales et sociétales des produits de consommation. Cette statistique, qui vient de tomber, me réjouit : elle démontre qu’avec un petit effort supplémentaire, la responsabilité sociale du citoyen n’est pas une formule creuse.

Les deux critères auxquels les Français sont le plus sensibles sont : le travail des enfants dans la production du produit et le label « fabriqué en France ». En réalité, ils n’en connaissent pas d’autres, et même le premier des deux est très rarement précisé.

Je suis persuadée que si l’on porte à leur connaissance le brevet social de l’entreprise, en termes simples, et s’ils ont la garantie que les données sont contrôlées, les consommateurs deviendront des acteurs citoyens de l’économie.

J’ai souvent parlé dans ce blog de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et de celle, plus nouvelle, des citoyens eux-mêmes. Qu’est-ce que le « brevet social » ?

C’est l’ensemble d’un certain nombre de paramères exprimant de manière fiable cet engagement ou cette responsabilité sociale des entreprises. Imaginons quelques-uns de ces paramètres :
– écart entre le plus haut et le plus bas salaire dans l’entreprise
– nombre relatif des emplois durables et des emplois précaires (CDI/CDD)
– nombre d’emplois délocalisés ou supprimés dans les cinq dernières années (sous réserve de profit de l’entreprise)
– etc, etc…

Nous avons abordé ce sujet de la responsabilité sociale ce soir, lors d’un forum de quartier à La Bastide. Les Français sont majeurs et ils sont prêts à participer à la marche de ce nouveau siècle. Ils comprennent qu’au regard des bouleversements des dernières décennies (en vrac : mondialisation, instantanéité des échanges, informatique, allongement de la durée de vie, progrès scientifique….), personne ne se sauvera seul, et que tout ne viendra pas du pouvoir politique au sens gouvernemental de ce terme. Ils sont prêts à prendre leur part, à condition qu’on leur en donne les moyens -en particulier la fiabilité de l’information- et qu’ils reçoivent en retour le respect ; tout simplement, le respect de chacun.

Aux militants

Retour de réunion de campagne. Un petit groupe divers et passionné, capable de se disputer sur la hauteur d’une lettre dans un bandeau électoral ou la présence d’un point dans un texte. En un mot : des militants.

Je ne le cache pas, c’était avant 2001, moment de mon entrée dans la vie publique, un terme dont je ne connaissais pas bien le sens. Il me paraissait un peu ancien, comme celui de « camarade » que nous utilisons occasionnellement (dans certains discours ou dans des courriers) au parti socialiste. Comme aussi celui de « section », qui à vrai dire ne me parait toujours pas bien correspondre ni à ce que nous faisons, ni au monde contemporain. Mais ce n’est pas très grave.

Le mot de militant, lui, a un sens profond. Je le mesure à de multiples occasions : un soir de réunion autour des lois de bioéthique, un matin de week-end pascal aux Capucins, dans le courant d’air glacé du Grand Parc au milieu de l’hiver… Là nous sommes entre militants, généralement heureux d’être ensemble et d’avoir à faire quelque chose en quoi nous croyons.

J’en parlais samedi dernier au marché des Capucins à la journaliste Isabelle Castéra qui en a rendu compte dans un papier de Sud-Ouest paru lundi* : tant qu’il y aura des hommes et des femmes pour passer leurs soirées à discuter de sujets souvent ardus ou austères (la mondialisation, les politiques de santé, le traité constitutionnel européen…) plutôt qu’à regarder la bouche ouverte la télévision au chaud dans leur canapés, tant qu’il y en aura pour affronter la pluie et le froid les dimanches matins au Colbert, le monde ne sera jamais tout à fait mauvais, ni désespéré. Je me suis permise ce terme, clairement biblique « ils sont le sel de la terre ». De la terre, peut-être est-ce un peu voir grand, de notre société matérialiste en tout cas certainement.

C’est une très grande responsabilité des hommes politiques de tous bords de porter les espoirs, le travail quotidien, l’engagement des militants. Il y a des réunions où je me casse les pieds, nombre de militants aussi, mais il y a des moments de grâce où la joie profonde du « faire ensemble » l’emporte et de loin sur toutes les nuances de courant, les petites insatisfactions de la pratique politique, voir même sur une inquiétude plus grande « où va ce que nous faisons ? ».

C’était le cas ce soir. Nous nous sommes un peu disputés, mais nous savons pourquoi : pour faire un petit pas dans une direction qui ne soit pas la pire.

  • « le marché aux tracts », SO, 9 avril.

Jovialitude

Dans ma lecture extensive des journaux ce matin (toute une pile restait en rade des semaines précédentes), parmi plusieurs joyeusetés, dont l’angélique évoquée dans le billet précédent, une autre perle m’attendait.

Azouz Begag qui vient de quitter le gouvernement pour soutenir François Bayrou, rend compte dans un ouvrage des amabilités que lui a réservées Nicolas Sarkozy, à la suite de ses commentaires peu enthousiaste des « racailles », comme du « ministère de l’immigration et de l’identité nationale » : – « Espèce de conard, je te casserai la gueule… ».

Je résume à l’essentiel, le texte entier ne mérite pas relation. Comment Azouz Begag peut-il s’émouvoir d’un mot , »conard », dont Alain Juppé lui-même, quand il en a gratifié Gilles Savary, a expliqué que c’était un mot Gascon, fréquemment utilisé dans nos contrées pour manifester la camaraderie, et quasiment l’affection.

On s’étonne qu’Azouz Begag, pourtant méditerranéen d’origine, reste insensible à cette jovialitude UMP qu’Alain Juppé comme Sarkozy portent à son meilleur.

L’Angélique libertaire et le rebelle Gingko

Le nouvel écologiste de Bordeaux a encore quelques légers progrès à faire, du moins dans le domaine de la botanique. Labourages et paturages ne sont pas donnés à tout le monde au premier coup de fourche. La semaine dernière, au conseil de quartier de St Michel, Alain Juppé voulant border tous publics afait une envolée écologique sur l’angélique des estuaires, valeureuse petite plante qu’il a décimé il y a quelques mois à l’occasion du nettoyage des berges pour je ne sais quelle fête à neuneu. Il a promis de planter largement cette plante protégée pour calmer tous ceux qui s’étaient émus de la voir disparaître (au premier desquels notre groupe).

Las, comme les cèpes, l’angélique de l’estuaire ne peut se planter ni se cultiver. Elle fait partie de ces plantes libertaires qui poussent où elles veulent quand elles veulent. Une espèce dont Alain Juppé n’est pas coutumier. D’autres affectionnent cette heureuse disposition, et c’est pour cela qu’elle fait partie des espèces botaniques protégées.

Nouvelle initiative, vendredi dernier à Meriadeck, dans le cadre de la semaine du développement durable. Pour pallier à minéralisation du centre ville, notre municipalité a fait le choix d’y planter des conifères, résistants entre les résistants. Sud-Ouest du 7 avril rend hommage à ce choix. Pelle en main, Alain Juppé a planté le premier d’entre eux : un gingko biloba, l’arbre aux cents écus dont les feuilles jaunes et cordiformes miroitent au soleil d’automne comme des pièces d’or…

Las encore, le Gingko est tout sauf un conifère. Passionnée des plantes et des arbres, je me propose volontiers auprès d’AJ pour un cours de rattrapage accéléré. Premier et de loin pour la communication tous azimuths, il a encore un peu à faire pour jardinage et bouturage.

Soleil de Pâques

J’ai commencé ce jour de Pâques, comme beaucoup d’enfants, par un tour de jardin. Je n’y ai trouvé ni oeufs, ni petites poules en chocolat, ni sacs de confiseries, mais de jeunes feuilles vertes pleines d’avenir, les premières hampes des hostas qui ne se trompent jamais de date pour sortir de terre, et au bout des doigts du marronier de gros bourgeons duveteux entrain d’éclater. Belle moisson de cadeaux. En dehors de sa signification religieuse, c’est cela que Pâques veut dire : le renouveau des saisons, le nouveau départ, ce mythe éternel de l’homme. Que cette nature nouvelle soit l’occasion d’un homme nouveau, ou pour le moins de la prise de conscience de sa nécessité dans un monde qui est lui tout à fait différent que celui des siècles précédents, c’est bien sûr mon souhait en cette veille d’échéances éléctorales.

Notre pratique laïque garde surtout des fêtes religieuses ce qui est heureux et positif, et aussi, avouons-le ce qui a un accompagnement commercial : noël fête la lumière et les liens d’amour entre les hommes (que les cadeaux représentent) ; Pâques fête la résurrection de la nature, le triomphe de la vie sur la souffrance et la mort. Vendredi dernier, qui était le vendredi saint et qui a été l’occasion de ce malheureux incident à la mairie (voir billet précédent), je pensais dans le chemin qui m’amenait de l’hôpital vers la mairie, que la vie laïque a su bien moins s’emparer des jours d’affliction, ou du moins de réflexion sur la souffrance et la mort, que des jours de fêtes. Je venais de quitter dans mon service un homme jeune, formidablement combattif, terrassé par la maladie à son dernier stade. Je parle souvent de Kafka. Beaucoup ont à l’esprit sa dernière photographie, si impressionnante, par l’aspect de terreur que donne en particulier l’exorbitation des yeux aux stades ultimes de certaines maladies. Mon malade avait exactement cet air de terreur. Pleinement conscient, incapable de parler, il m’a fait sentir combien notre société ne partageait pas assez la souffrance. La mort a lieu presque toujours à l’hôpital. Sa grande leçon qui est la relativité de toutes choses et l’unicité de la condition de l’homme, est escamotée et dissimulée.

Or je crois que la renaissance de la nature est d’autant plus belle et surtout vécue avec d’autant plus de profondeur qu’on a levé les yeux vers les branches noires et regardé à ses pieds les feuilles pourrissantes rejoignant l’humus. Et que partager la joie c’est s’engager à partager la peine.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel