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Où sont les journalistes ?

Je suis catastrophée par le principe de l’émission à laquelle vient d’être affrontée Ségolène Royal. Cette suite de questions ânonnées, interrompues par un Patrick Poivre d’Arvor lugubre dès qu’ elles n’étaient pas énoncées assez vite, empilées, passant du coq à l’âne et à la basse cour entière dans le plus grand désordre, à laquelle il fallait répondre en hâte, obligatoirement de manière incomplète et convenue, tout cela dans un décor rouge, agressif, résumant toute la violence de l’éxercice…

Est-ce cela le débat politique ? Une suite de pièges, de questions empilées, qui chacune mériterait discussion, explication, réflexion, et qui du fait de ce empilement ne sont plus que des questions convenues, des titres de journaux à grand tirage (les OGM, l’euthanasie…Il n’y a guère que le mariage homosexuele qui ait échappé à l’inventaire). Je ne veux pas céder à l’immédiateté qui nous est imposée par un commentaire hâtif. J’ai dû m’éloigner du poste pour, au moins, n’avoir plus que le son et pouvoir me concentrer sur ce que j’entendais. Ma détestation de la télévision et de sa dérive en est renforcée pour les vingt prochaines années .

Je revenais ce soir d’une suite de rencontre de terrain cours Victor Hugo. Pas un échange qui n’ait eu son intérêt, pas un problème qui n’ait eu un sens. Pourtant des rencontres courtes, mais dans la vérité d’un échange direct. Et maintenant, ce travesti de débat.

Nous marchons sur la tête, la politique ne se fait pas où elle doit se faire. Sans doute attend-t-on déjà les sondages, les commentaires, les petites phrases… Je suis malade de cette déviance de ce qui est pourtant si essentiel : nos choix de sociétés, la manière dont nous voulons que notre pays entre dans ce monde bousculé et violent.

Lequel des deux est incompétent ?

La part faite par les media aux difficultés des campagnes de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkozy est lourdement inéquitable . Un bœuf ici, un œuf là ! Qu’aurait-on entendu si le groupe des économistes de Ségolène lui avait imposé de revoir sa copie dans les termes où l’on fait Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez et Christian Blanc pour les promesses du candidat de l’UMP.

Sarkozy a promis de baisser de quatre points les prélèvements obligatoires. « Impossible ! », ont dit les « budgétaires ». « On peut espérer baisser d’un point d’ici la fin de la mandature… » ont-ils ajouté dubitativement. Tout le monde sait que quand on dit « on peut espérer », c’est que justement on n’a guère de chance d’obtenir…

Imaginez que François Hollande ait avancé « Non, ce qu’a dit Ségolène doit être revu au quart des chiffres indiqués… ». Les tonnerres médiatiques se seraient déchaînés. Dans le cas de Sarkozy, on a seulement indiqué une « révision des promesses du candidat pour lui permettre de tenir son chiffrage ». Tout est dans la formulation. On révise mais… c’est pour qu’il soit plus fidèle à sa parole ! Cela me fait irrésistiblement penser à Alain Juppé et à son retour anticipé à la mairie. « Je tiens ma parole… ». Quelle parole ? Il avait seulement dit « Adichats » à la fin d’une réunion, mais aucunement parlé d’anticipation ».

Même chose pour le « bouclier fiscal », remis aux calendes grecques, par les trois « budgétaires ». Même chose pour les droits de succession.. « On verra… » . S’il s’était agi de Ségolène, on aurait dit « quelle incompétence, vous voyez, elle ne sait même pas la durée de la mandature…

Ne nous laissons pas abuser. L’apprentissage de l’esprit critique devrait être inscrit dans les savoirs fondamentaux de l’école.

Studieux silence du dimanche

Après avoir fait la fée du logis, puis le déménageur breton, je me mets (je dirais presque : enfin !) au travail, dans une pièce calme, remplie de livres du sol au plafond, en accord parfait avec ce que je me suis promise de faire. En face de moi, un tout petit feu de cheminée, qui est là davantage pour donner prétexte à s’interrompre, aller souffler ou tisonner, que pour chauffer.

Une fois encore, il s’agit seulement d’exprimer que les conditions de travail sont tellement importantes. Dans un appartement où deux télés marcheraient en concurrence, je serais incapable de faire quoi que ce soit. Je pense aux enfants qui doivent avoir un lieu calme, des livres rangés, un petit bureau pour qu’ « étudier » leur paraisse une activité belle et valorisante, qui ne fait pas toujours envie (faut pas éxagérer !) mais qu’on est satisfait d’avoir accompli. Bon dimanche à tous.

Dimanche à Orly ou dimanche à Auchan ?

Dans son discours de réception du prix Nobel, Albert Camus a eu cette réflexion prémonitoire « Les générations avant nous ont eu le privilège de construire un monde, la nôtre a la charge de l’empêcher de se détruire ». Je cite de mémoire et assez approximativement. C’est le charme du blog : il est une conversation, pas une dissertation, et l’on parle comme il vient.

Réflexion prémonitoire en effet, plus vraie encore aujourd’hui qu’en 1957 quand elle a été prononcée. Souvent, je me demande « que faut-il sauver absolument de ce monde que nous avons reçu ? » Et beaucoup de réponses viennent, sur des plans très différents. Il m’étonnerait que je ne vous en reparle pas …

Pourquoi aujourd’hui ? Les commerçants viennent de prendre une initiative que je crois importante : faire une campagne d’information et d’interrogation sur l’ ouverture des commerces le dimanche.

Ce n’est certainement pas un petit sujet, mais au contraire un de ceux qui remettent en cause la marche quotidienne de notre société. Cela mérite qu’on ne laisse pas cette ouverture s’imposer ici, puis là, sans une vraie réflexion .

De quoi s’agit-il en effet ?
– de proposer « la consommation » comme distraction principale à ceux qui auront conservé le repos dominical
– de faire qu’une partie non négligeable de la population ne connaitra plus ce repos dominical.
– de déséquilibrer une fois encore le commerce en faveur des grosses structures

Chacun de ces points me paraissent délétères, même si il ne faut pas être à 100% dogmatique et que l’on doive envisager quelques aménagements.

Parmi mes réponses à l’interrogation de Camus « que devons-nous préserver absolument ? », vient toujours en premier lieu « le silence dans la tête des enfants » ; cela signifie : des moments de pause, de jeux calmes, de lecture où ils puissent se construire. Une société où le dimanche des enfants sera occupé à trainer entre les rayons d’Auchan sera définitivement mal en point. C’est valable bien sûr pour les adultes. La consommation ne doit, ne peut pas être la distraction principale des familles. J’avoue que la télévision n’est pas un meilleur choix, ne serait-ce que par ce qu’elle de plus en plus une promotion de la consommation. Plus profondément, je crois qu’admettre achats et consommation au rang de « loisir » , en tout cas de loisir régulier et non occasionnel, marque une vraie démission dans notre conception de l’homme. Le « roseau pensant » ne sera-t-il un jour qu’un « roseau consommant » ?

La référence à Blaise Pascal n’est peut-être pas le meilleur moyen de me disculper : non, je n’ai pas une vision élitiste de l’homme. J’ai simplement la conviction que nous avons tous un cerveau, tous la capacité et l’envie qu’il fonctionne son train, tous la possibilité de trouver plaisir et force à ce fonctionnement. Mais je n’ai pas moins la conviction que le cerveau est un muscle et qu’à force de le gorger de conneries, de l’entrainer -si l’on peut dire- à une passivité stupide, nous plongeons notre société dans un désarroi où elle se sent mal et qu’elle occupe en s’anesthésiant et en doublant la dose de ces mêmes conneries : achats, télé, jeux et autres drogues.

Pardon, pour le vilan gros mot : il est venu comme ça, je l’ai gardé. Le premier mot qui vient naturellement à l’esprit est presque toujours le plus juste.

J’ai un poil divergé de mes commerces du dimanche, mais pas tant que ça. Je reviens à la surconsommation: bien que l’on dise qu’elle soit génératrice de croissance, je suis persuadée qu’elle est nocive et que nous en prendrons conscience. Cela commence maintenant avec la dénonciation de la surconsommation d’énergie, des emballages inutiles, des tennis vendus (et jetés) par millions… Une autre remarque simple est de dire que le pouvoir d’achat global n’augmentera pas : le répartir sur 7 jours au lieu de 6 n’améliorera ni la condition des acheteurs ni celui des vendeurs. Et pourtant, c’est ce qu’on espère : que l’on achète plus et encore moins bien, pour que le profit final soit plus grand.

Faire qu’une partie non négligeable de la société soit exclue du repos dominical n’est pas une responsabilité sociale moins grande. J’en parlais hier avec quelqu’un qui a tenu une de ces épiceries ouvertes 24 h sur 24, et qui disait simplement : quand tous les gens partent pour le réveillon et qu’on part bosser, on se sent drôle… Tout est dit. Notre société n’est pas si riche de repères et de rassurements qu’il faille ajouter aux risques de désocialisation et d’altération des liens familiaux et amicaux. Il n’y a pas besoin d’être un grand « psy » pour savoir qu’une autre des causes du mal être de notre société est la perte des liens sociaux. Les parents doivent être disponibles pour aller marcher le dimanche à la campagne, prendre le vélo tous ensemble. Parents ou pas parents doivent pouvoir faire un match de foot, une sortie botanique (beaucoup trop oubliée !).. où rester paisiblement à la maison, chacun vacant à ses occupations, ses lectures et même son travail. Et au passage, interrogeons-nous sur ceux qui seront privés du repos dominical : les petits commerçants, les vendeuses, ceux qui ont besoin d’un supplément de salaire pour boucler leur budget ou ceux qui devront eux mêmes tenir leur magasin, faute de pouvoir endosser une embauche. En aucun cas les PDG..

Le troisième point n’est que trop évident et la phrase précédente l’introduit : généraliser l’ouverture du dimanche, c’est une fois de plus, favoriser le commerce de masse. Le boucher qui intervenait hier après le billet précédent et qui est dans son magasin chaque matin à cinq heures ne pourra pas assurer, la parfumeuse indépendante non plus (il n’y en a plus qu’une à Bordeaux, et elle est au Grand Parc, j’y tiens !), la marchande, si talentueuse, de produits Italiens place Charles Gruet pas davantage… Les quartiers ne seront pas plus animés le dimanche, ils seront au contraire de plus en plus désertifiés le reste du temps. La viande, l’huile d’olive et les pâtes seront achetés plus souvent encore dans les super marchés, ces repaires de vie, de luxes abordables que sont ces petits magasins finiront de disparaitre.

Ne soyons pourtant pas dogmatiques. Un adulte sur deux, en ville, vit seul. On peut légitimement avoir le dimanche envie de se promener dans un endroit vivant, de voir du monde, d’entendre du bruit.. Je serais pour ma part assez favorable à ce qu’un quartier puis l’autre offre un pôle de vie. Un dimanche matin à Pessac, un autre à Saint Augustin, un autre encore cours Portal (ce qui correspondrait pour chaque quartier à un ou deux dimanches par an) pour que l’on puisse découvrir un nouveau quartier, trouver éventuellement des étalages inattendus.. Cela favoriserait le commerce de proximité, ferait connaître les quartiers, et permettrait qu’il y ait dans la ville un lieu de chaleur et d’animation sans obliger les commerçants à une astreinte régulière. J’aimerais aussi que le premier dimanche du mois à Bordeaux soit un vrai dimanche populaire et que par exemple musées et expositions soient ouverts et gratuits pour tous. Je l’ai proposé en Conseil municipal : horreur, que n’avais-je dit !!.. Seules, comme on sait, les collections permanentes sont accessibles gratuitement).

Il y a tant de propositions meilleures à faire, tant d’idées à creuser.. « Dimanche à Auchan » ou « Dimanche à Orly », voilà en tout cas un vrai sujet de débat, un vrai choix de société qui concerne chacun de nous

  • on se souvient de Gilbert Becaud chantant :

 » »Moi, j’irai dimanche à Orly,
Le dimanche, il y a des oiseaux
Qui s’envolent pour tous les pays… »

Même si ce n’est plus tout à fait vrai, si le rêve n’est plus le même dans les aéroports, l’image est belle…

Porter la campagne au coeur des villes

Non, ce titre paradoxal n’est pas un mini-manifeste de soixante-huitarde qui veut tardivement répudier la géniale réclamation des étudiants de l’époque « Mettre les villes à la campagne! ». Des soixante-huitards attardés, ou plus justement, dévoyés, il y en a quelques-uns en ce moment dans les média. Ce n’est pas mon propos de ce soir.

Il s’agit tout simplement de réaliser dans le concret, dans la simplicité des contacts de tous les jours, ce que nous souhaitons tous : partager un véritable débat, prendre conscience ensemble des enjeux des semaines et des mois qui viennent, s’enrichir mutuellement, et porter sur le terrain la campagne des candidats à la formidable entreprise de changement que va constituer, j’espère, la longue suite des élections prochaines.

Tous les jours, nous allons ainsi à la rencontre de ceux que j’appelle « les acteurs de la cité ». Commerçants et artisans en premier lieu. Cette rencontre n’est pas toujours aisée : combien d’entre-eux souffrent de la difficulté de travailler au centre d’une ville où ceux qui travaillent n’ont pas la priorité, ni dans la conception des plans et des moyens de circulation, ni dans les aides qui sont apportées. Combien d’entre-eux aussi travaillent au delà de leurs limites parce qu’ils n’ont pas la capacité d’embaucher un employé ?

Les deux problèmes se situent à des niveaux différents. La politique de la majorité municipale à l’égard du commerce bordelais est sans commune mesure, d’une part avec ce qui a été supporté du fait des travaux du tramway, d’autre part avec l’importance de l’enjeu pour Bordeaux. Ce coeur de ville sera-t-il un jour réservé aux passants oisifs et aux touristes faute d’une véritable politique économique ?

Je ne vais prendre qu’un exemple de cette insuffissance de la politique municipale. Les fonds européens FISAC (Fonds d’Intervention pour les Services de l’Artisanat et du Commerce) ne servent aucunement à la création ou soutien de petites entreprises innovantes. Ils sont dilués dans des fêtes ou des animations qui, dans l’immense majorité des cas, n’apportent pas la moindre bouffée d’oxygène aux professionnels en difficulté. Résultat : les artisans et les commerçants souffrent, beaucoup d’enseignes ferment sans trouver de repreneurs. Il suffit de se promener dans Bordeaux et de compter les vitrines obturées pour en avoir la démonstration.

Le problème de l’embauche d’un employé par un artisan ou un commerçant est incontestablement plus difficile encore. Beaucoup me disent : je n’y parviens pas à cause des charges. Ce patron de bar, très proche de ses employés (qui confirment ses dires), a calculé ce que représente un employé supplémentaire : 45 clients par jour. Il ne les trouvera évidemment pas aisément, surtout dans les conditions actuelles où, tout au contraire, la ville lui impose chaque jour une charge de plus (« vous avez changé votre enseigne », « vous devez payer une taxe pour l’enlèvement des cartons »…). Le problème qui est posé aujourd’hui sur le terrain aux politiques est celui d’une exonération ou d’une modulation des cotisations sociales pour l’embauche d’un employé supplémentaire dans les TPE (Très Petites Entreprises) ou les petites PME.

Cette question est majeure. Le plus grand gisement d’emplois réside en effet dans ces PME et TPE, et ces emplois sont pour la quasi-totalité d’entre eux non délocalisables.

Voilà une des questions ancrées dans la réalité de nos villes que nous devons porter au jour et résoudre. Je m’engage pour ma part à la porter au plan national si je suis élue députée.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel