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Dimanche matin

Silence absolu sur mon jardin où la lumière pénètre par petits pans découpés dans les frondaisons d’arbre. Longtemps j’ai essayé de sauver ces premières heures de dimanche pour quelques lignes, quelquefois une page ou deux, en réalité pour savoir ce qui me restait dans la tête après des semaines encombrées de trop de choses où la pensée n’avait guère à faire. C’est un exercice à la fois agréable et éprouvant : bien souvent je n’y trouvais que ma capacité à regarder et écouter le silence et le cours des saisons, comme ce matin exactement.

Mais rien que cela est un bonheur. La ville du dimanche est dans une sorte d’apnée qui la rend à sa fonction de décor amical. Il y a quelques mois encore, ma fenêtre s’ouvrait sur un mur et sur des pans de toit : même cela avait une personnalité, changeait selon les heures et les mois, même cela m’était devenu un spectacle que j’aimais retrouver de dimanche en dimanche, où j’aimais m’absorber un moment en guettant au loin un volet qui s’ouvrait, une voix qui appelait au départ, des signes étouffés d’une vie de dimanche.

Tout à l’heure, je rejoins Jacques et un groupe de nos camarades au marché du Colbert. Que le dieu des campagnes électorales me pardonne : ce n’est pas mon lieu et mon activité favoris. L’accueil n’y est pourtant pas désagréable et souvent même chaleureux. Mon côté BCBG (Bon chic, bonne Gauche) a raison des moins bien disposés. Mais voilà, je n’aliène pas d’un coeur très enthousiaste ces premières heures du dimanche.

Bonsoir, tout simplement.

Ouf, le billet précédent, tout en chiffres, m’a épuisée ! Je ne suis pas une femme de chiffres mais je tiens à la rigueur de ceux que l’on avance. Alain Juppé a appris au Canada la décontraction et le sirop d’érable, j’y ai rencontré la démocratie respectée et la transparence des comptes publics. Le prix des campagnes électorales intéresse les citoyens. Il devrait être systématiquement porté à leur connaissance.

Une gentille amie me téléphone à l’instant pour me signaler que le billet du 31 aout, auquel je fais référence, n’est plus en ligne: mais si, il faut aller dans la colonne de droite et consulter les archives du mois d’aout. Elle m’attrape de ne pas préciser les cinq listes qui sont en lice pour l’élection municipale : FN, LCR, PS-PC-MRG (la nôtre), UMP (juppé), Verts (Hurmic). J’ai voulu écrire dans l’ordre alphabétique, mais avouons qu’en l’occurence, il n’est guère plaisant.

« Si notre vie est moins qu’une journée… » C’est un vers, le premier d’un poème, qui me vient souvent quand une journée s’achève et que la nuit menace d’en faire le procès.

tout simplement, bonsoir.

« Le degré zéro de la politique »

Sur son site électoral (carnet de campagne du 14 septembre), Alain Juppé est d’une mauvaise foi à couper à la scie égoïne dans sa réponse à mon évaluation du prix de la campagne et du scrutin qu’il a provoqué pour son seul bon plaisir.

Rappelons les chiffres que j’ai avancé et fait contrôler (voir billet « le vrai prix de la fausse campagne » en date du 31 aout):

600 000 euros, si quatre listes font au premier tour 5% des voix

Cinq sont à ma connaissance aujourd’hui en lice, quatre dont celle de Juppé lui-même sont à peu près assurées d’atteindre ce score, à moins que notre ex-maire n’ait donné le mot d’ordre d’un vote révolutionnaire (porté sur la partie adverse) à l’UMP. Chaque liste sera remboursée à hauteur de 100 000 euros, ce qui fait bien 400 000 euros, à ajouter aux frais fixes engagés par la mairie. Alain Juppé les chiffre à 152 000 euros par tour de scrutin ; j’avais eu communication de 200 000 ; meilleure joueuse que lui, je lui fais crédit de la différence. Total : 552 000 euros .

– Soixante dix mille euros s’ajoutent à cette somme, si deux listes vont au deuxième tour ;

Et si Juppé persiste dans ce vote révolutionnaire dont sa sous-évaluation laisse présager, on peut espérer que ces deux listes seront la nôtre et celle des verts.

On y ajoute les 152 000 euros de frais fixes pour ce deuxième tour, soit : 770 000 euros, pour le total des deux tours.

Mes chiffres étaient donc bons et confirmés par « Sud-Ouest » ce matin qui revient sur sa première appréciation de 312000 euros pour une évaluation plus juste située entre 500 000 et un million d’euros !

Dans ce même « carnet de campagne », Alain Juppé met en regard de la dépense les formidables économies dues au fait que les 47 conseillers municipaux démissionnaires ne seront pas payés pendant un mois et demi, oubliant que le travail ne sera pas fait non plus. Au demeurant, il chiffre cette économie à 111 000 euros, chiffre rondelet. Je reçois pour ma part 194 euros (net) par mois comme conseiller municipal. Nos indemnités ne sont apparemment pas toutes égales.

Il compte aussi sur des économies de secrétariat de 27 500 euros : sans doute des CDD embauchées uniquement pour cette période, car les secrétaires titulaires continueront à mon avis d’être payées. Le droit du travail est décidément bien malmené à la mairie de Bordeaux. Je ne veux croire qu’il chiffre ainsi les frais de papier et de timbres : les lettres en retard devront être faites après l’élection.

Mais enfin, comble du comble, que ce soit 600 000 ou davantage, Alain Juppé ne s’en offusque pas puisque ce ne seront pas les Bordelais qui payeront mais l’Etat !

L’Etat n’a qu’à payer, en effet ! Et c’est d’ailleurs pour l’application de ce principe qu’Alain Juppé a été condamné à un an d’inéligibilité . l’Etat a en effet financé les emplois fictifs de la mairie de Paris, tout comme il finance (légalement et légitimement) le RPR qui a remboursé 890 000 euros de dommages intérêts à l’issue du procés. L’Etat toujours donc, c’est à dire l’argent public et plus clairement encore, le contribuable. Je préfère dire : le citoyen.

Sur ses documents électoraux, AJ ose demande aux Bordelais de souscrire 10, 20 euros, ou plus, pour soutenir sa campagne, alors qu’il va en encaisser 100 000, ce qui est plus que suffisant pour une campagne de quatre semaines.

« Parlons chiffres, mais parlons en vraiment », dit-il, toujours sur son site. Et il qualifie de « degré zéro de la politique » de chipoter sur ce problème de coût de l’élection. Les zéros, c’est connu, ne valent que par l’endroit où ils sont placés. De toutes manières (je cite) « situons nous à un niveau plus élevé (…) Alain Juppé est un plus pour Bordeaux »…

C’est justement ce « plus » que je trouve grandement excessif pour à peine quelques mois de mandat.

Souffle de nuit

Angoisse, je ne sais pourquoi, de la nuit qui vient. Notre liste municipale vient d’être votée. Le vent se lève dans la touffeur d’une nuit presque tropicale, où chaleur et humidité donnaient tout à l’heure à l’Athénée* une atmosphère de cinéma de brousse. Pourquoi l’inquiétude, la grande, la vraie, l’inquiétude existentielle qui tient aussi mes patients éveillés, m’apparait-elle quelquefois presque matériellement ?

(*la salle de l’athénée municipal à Bordeaux)

Agents secrets de la modernité

J’ai logé hier soir en douce dans nos documents électoraux, la phrase très percutante du philosophe Edgar Morin « Les femmes, ces agents secrets de la modernité ». En douce, je dis bien, et de manière anonyme pour que mes petites copines (et copains) qui m’ont entendu cent fois faire cette citation qui va à l’encontre de l’avis de beaucoup de politiques et analystes divers, ne me tombent pas sur le poil et ne donnent raison à ce que je revendique : j’ai beaucoup de suite dans peu d’idées. Le « peu d’idées » n’est pas flatteur au premier œil, mais là-aussi, j’assume. Je suis persuadée que chacun de nous vit sur un petit capital d’idées, ancré profond en lui comme des racines d’arbre, et que toute son existence dépend du développement qu’il leur donne. Même chose pour les écrivains : des œuvres entières sont construites sur une dizaine de fortes impressions et de sentiments profonds.

Pour les politiques, c’est plutôt bien : mieux vaut une dizaine d’idées auxquelles on croit profondément qu’une centaine au gré des modes, des conseillers en communication ou des « opportunités ». Donc, j’aime bien les politiques, et les hommes en général, qui ont une assise d’idées forgées à leur expérience de vie.

Je me suis pas mal éloignée des femmes : je l’ai dit déjà, j’écris très vite, au fil des petites touches de mon ordi et des touches, sans doute déjà plus rouillées, de ma pensée. Les diversions sont nombreuses. Montaigne déjà s’en plaignait. Excusez-moi du peu.

Retour aux femmes donc. Longtemps on a cru qu’elles perpétuaient les valeurs conservatrices, gardiennes –par force- du foyer, du buffet et de l’armoire à linge. Longtemps, elles n’ont eu d’autres choix, leur monde étant celui de la dépendance et de la soumission. Un livre vient de paraître, au titre provocant (« le lit, le pouvoir et la mort ») montrant combien les jeunes reines elles-mêmes devaient attendre la mort de leur époux pour donner leur mesure. Peu y parvenaient, grossesses et accouchements les fauchant plus sûrement que la chasse à courre.

Le travail, toujours lui, leur travail, a permis que les femmes soient ouvertes au monde. Et en effet, ce sont elles qui font bouger la société. Du foyer, qu’il ne faut pas négliger, à la marche du monde. Elles, qui ont décidé dans la première partie du siècle passé qu’il fallait « se mettre à l’électricité », installer le chauffage central, moderniser la vie intérieure de la maison, premier pas en direction de la parité domestique, condition de la parité réelle. Elles, qui aujourd’hui sont le ferment de l’ « intégration ». Je n’aime pas ce mot, mais si les populations d’origine immigrée participent aujourd’hui, et plus encore demain, à la marche commune de notre société, c’est et ce sera par les femmes. Notre action doit prioritairement les toucher et les concerner.

Entre le chauffage central et la vie des banlieues, j’ai sauté beaucoup d’étapes des batailles et du rôle des femmes. Ce n’est pas le propos ici et, plus concrêtement encore, je suis « hyper speed » comme disent les plus jeunes de mon équipe. Moi, je dis « speedou », les mots en « ou » ont une sonorité amicale qui me les fait aimer, et j’en invente à profusion.

Et donc, je retourne en hâte à l’hôpital. La vie des femmes est multiple, et c’est leur force.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel