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Les âgés : un atout pour la France dans dix ans (IV)

Le nombre des plus de 60 ans augmentera de manière spectaculaire d’ici 2025 et ceci jusqu’en 2040. Ce n’est qu’à ce moment que le taux de dépendance augmentera notablement mais ce point est à la limite du sujet de ce billet. Il est au demeurant incertain; 25 ans, c’est le temps de la recherche médicale et je suis optimiste qu’à cette date, la maladie d’Alzheimer aura changé de visage.

C’est donc un afflux d’âgés, très majoritairement en bon état, dont va bénéficier notre pays si nous savons le préparer et le concevoir. Deux piliers majeurs à ce bénéfice collectif : le rôle des âgés dans la cohésion sociale et la « silver économie », l’économie au service de l’âge et de l’autonomie.

D’ores et déjà, le rôle social  des âgés est considérable : associations, partis politiques, municipalités, vie culturelle..  et bien sûr, familles, ne vivraient pas sans eux. Encore faut-il mieux valoriser ce rôle, le faciliter et le rénover pour que ces « nouveaux » âgés, très nombreux aient le désir de s’y engager. J’ai évoqué précédemment quelques pistes.

Parmi elles, le renouvellement du bénévolat, que les ex-soixante huitards qui vont arriver dans le champ de l’âge ne conçoivent pas de la manière compassionnelle qui a prévalu dans la première moitié du siècle dernier. Ces âgés seront plus « jeunes », plus actifs, plus informés, plus citoyens que caritatifs, ils veulent être des acteurs du monde qui s’esquisse, ils veulent construire plutôt que pallier.

Le besoin de ce rôle social/sociétal/culturel est d’ores et déjà immense. Ce monde qui s’installe sous forme de « crise », ne va pas et n’ira pas sans heurts et sans tâtonnements, ceci dans un contexte d’affaiblissement de l’Europe. Les âgés auront à y prendre toute leur part et leur engagement doit dès maintenant être favorisé, reconnu, mis en valeur. Sans cela, nous avons à craindre un rejet, une mise à l’écart ou toute autre forme de guerre des générations où le poids électoral des âgés pèserait lourd.. Sans cela aussi,  l’un ou l’autre, en face des difficultés certaines et d’un possible appauvrissement, en viendra à poser la question du poids de ces générations nombreuses et de leur coût, Les âgés de demain matin devront faire la démonstration que la grande chance de leur longévité n’est pas seulement individuelle mais collective. Lourde responsabilité.

Nous devons d’urgence préparer le terrain de cette nouvelle distribution entre les différents temps de la vie  La réforme des retraites et l’allongement de la durée de la vie professionnelle sont bien autre chose qu’un simple enjeu financier. La reconnaissance d’un temps de vie active non professionnelle (que nous ne savons pas même nommer), de son utilité, de sa qualité en est un autre volet. C’est hélàs un champ encore très peu exploré et pourtant conditionnel de notre futur.

la silver économie fera l’objet du billet suivant.

 

 

 

 

 

 

Démographie quand tu nous tiens

La démocratie, c’est bien connu, est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres. A l’exact inverse, la démographie est le meilleur des indicateurs y compris tous les autres.

Pour dessiner la France dans dix ans et au-delà comme nous l’a demandé le Président de la République, rien de plus solide, de mieux assuré, que les données populationnelles. Tout à fait entre nous, je n’exclus pas que les économistes et leurs prévisions de croissance et quelques autres de ma connaissance, n’éprouvent pas quelque jalousie des certitudes du modeste (pas tant que ça, comme on va voir) ministère des personnes âgées.

Toutes les personnes étant déjà nées, un enfant d’école primaire pourrait annoncer déjà l’augmentation considérable des plus de 60 ans à l’horizon 2025 : plus de 28% de la population totale alors que nous en sommes à 23%. Cette forte augmentation ne fera que se confirmer jusqu’à 2035, quelles que soient les hypothèses retenues sur l’évolution de la fécondité, des migrations et de la mortalité.

Autrement dit, « nous » (j’ai l’honneur de faire partie de ces générations florides) dépasseront allègrement les 30 % dans cet intervalle. Bravo à nous, mais aussi quelle responsabilité !

La fécondité des Français(es) , sauf coup de lune inattendu ou épidémie de dépression grave devrait demeurer plus ou moins stable. La mortalité prématurée elle aussi n’annonce rien de spectaculaire, ce qui fait que, bon an, mal an, mes conscrits et au delà devraient être 19 millions en 2025 et les plus de 80 ans 4,2 millions. Quand je vous disais que le Ministère des âgés serait alors non seulement un Ministère de plein éxercice mais un des plus importants, je ne disais rien d’autre que la vérité démographique.

Bonne nouvelle pour le(la) Ministre d’alors -je n’aurai moi-même pas atteint 80 ans et postule donc légitimement- la part des personnes dépendantes n’aura en aucun cas augmenté en proportion, non plus que les coûts afférents.

Tout au contraire, à ce même horizon 2025, 85% de l’espérance de vie (pour les femmes) à 92% pour les hommes serait vécue sans dépendance. 1,45 millions de personnes seront  alors en Gir  1 à 4, c’est à dire à peine 300 000 de plus qu’aujourd’hui. Ceci sans compter sur les effets de la loi que je prépare qui n’étaient pas connus des démographes au moment de leur projection; ceux-ci ne devraient qu’améliorer ces chiffres. Restons zen.

L’affaire se gâte en 2040 et plus encore en 2060, et pour cette raison je dis tout de go à François Hollande  qu’à partir de cette date, je me récuse. Place aux jeunes !

On l’a compris, ces chiffres, solides comme du béton Bouygues, comportent plusieurs messages de différents niveaux :

– l’heure est à la prévention, premier volet de ma loi, pour repousser au-delà de 2040 l’augmentation majeure des chiffres de la dépendance. Ce qui nous laisse 5 quinquennats pour agir et sans doute trouver des moyens thérapeutiques et technologiques pour faire mieux encore.

– Ne laissons pas se faire sans nous l’adaptation de la société à ces chiffres, somme toute assez sympathiques. Cela risquerait de gripper aux entournures et je ne voudrais pas, pour mes âgés, quelque forme que ce soit de « politique du cocotier ».

– les âgés sont -et serons demain plus encore- des acteurs économiques forts. Pas seulement parce qu’ils sont eux mêmes souvent engagés dans l’entreprise, mais parce qu’ils sont générateurs d’une économie nouvelle, la silver économie. Non, il ne s’agit pas de les considérer comme un « marché », mais de mettre cette économie au service de leur autonomie, de leur qualité de vie et de leur rôle dans la société.

Peu de mes confrères Ministres peuvent arguer de prévisions plus favorables, donner meilleures nouvelles aux Français, rallier leur confiance.

Ce qu’il fallait démontrer. C’est fait !

 

Place et rôle des âgés (II) – Pistes de travail

Demain, 30% de la population de plus de 60 ans ; un « indice de dépendance économique » (rapport inactifs/actifs, en se basant sur un taux de chômage de 8%) de 1,9, c’est un vrai basculement des générations  que nous sommes en train de connaître.

Ces chiffres, auxquels s’ajoute l’espérance de vie moyenne de 30 ans à la sortie de la vie professionnelle, posent comme une exigeance et une urgence de repenser la place et le rôle des âgés dans la société.

Repenser ? C’est à dire concevoir des outils qui ne fassent plus du départ en retraite une barrière étanche entre activité et non-activité et, peut-être surtout, valoriser l’activité non strictement professionnelle et le rôle des âgés. Ces sujets ne sont pas légers. Ils ne trouvent jusque-là en réponse que des points de vue catégoriques, en décalage complet des réalités démographiques et … des véritables souhaits des âgés.

L’indice de dépendance économique, évoqué plus haut, met à la charge d’un actif (personne en âge de travailler et non chômeuse) deux inactifs (personnes non en âge de travailler pondérées par un taux de chômage prévisible, 8% ici). Ceci me parait la raison la plus évidente plaidant en faveur d’un allongement de la durée de cotisation-retraite). Ce n’est pas le coeur de mon sujet -il est d’ailleurs hors de mon champ ministériel- mais il ne peut être négligé.

Je donne ici quelques pistes de travail, que j’exposerai lors du séminaire du 19 août ou présenterai par écrit si le temps ne permet pas à chacun de s’exprimer. Je serais grandement heureuse qu’elles suggèrent aux lecteurs du blog des réactions et surtout des propositions.

-Instiller de la perméabilité entre emploi et retraite pour éviter que celle-ci soit vécue comme une porte qui s’abat sur la figure. Le contrat de génération qui s’est mis en place cette année (maintien dans l’emploi d’un senior et embauche d’un jeune dans des conditions fiscales préférentielles) en donne la direction. Le tutorat des plus âgés, leur rôle dans la formation des plus jeunes est l’exemple même du « gagnant-gagnant ». L’âgé y voit la reconnaissance du savoir-faire acquis au cours des années, le jeune y trouve une formation individualisée, ciblée sur des compétences qu’il va tout de suite mettre en œuvre. Ce rôle de formateur des âgés peut-être utilisé au-delà du départ en retraite de bien des façons: sous forme de temps partiels, de périodes de formation ou de stages qui assurent une transitition entre l’activité et la post-activité en permettant un complément de salaire, le prolongement de l’utilité sociale et la transmission de savoir.

-Assouplir les règlements qui par exemple ont empêché des enseignants retraités qui demandaient bénévolement à assurer le temps périscolaire manquant pour la mise en place des nouveaux rythmes scolaires. Cela n’aurait rien coûté aux municipalités, permis la mise en place sans heurts de nouveaux rythmes, unanimement salués comme bénéfiques.

– Créer des lieux où des âgés puissent recevoir les enfants au sortir de l’école, les faire goûter, les aider pour leurs devoirs, sur le modèle des « maisons des grands-parents » que j’ai vu au Québec à proximité des écoles à fort taux d’échec ou de décrochage scolaire

-Rendre systématique la préparation à la retraite dans le privé comme dans le public. Y ouvrir des possibilités d’activité « de transition » comme évoqué dans le 1er point.

-Valoriser l’engagement bénévole. Deux points à ce sujet : définir un statut du bénévole et créer un service civique senior non rémunéré (éventuellement défrayé) permettant de reconnaître le bénévolat citoyen (illettrisme, travail auprès des âgés…) en le différenciant du bénévolat sans objet civique notable (amicale de la pêche au goujon.) et le bénévolat à caractère formateur intergénérationnel. J’ai évoqué déjà cette possibilité auprès de la Ministre Valérie Fourneyron et de Martin Hirsch. J’espère que nous pourrons bientôt y travailler concrètement.

-Reconnaître et célébrer l’action des âgés dans toutes les disciplines. Je pense d’abord à la culture et j’aurais été par exemple très heureuse qu’Emmanuelle Riva reçût l’Oscar d’interprétation pour « Amour ». Même chose pour tant d’autres, de Michel Serres à Régis Debray que l’on ne pense jamais à « couronner » et à mettre suffisamment en valeurs. Oui l’âge a du talent, l’âge magnifie plus souvent qu’il n’amoindrit et qu’il réduit. Qui le dit ?

– Refuser une limite d’âge en politique. C’est le nombre de mandats identiques successifs qui est le danger. Si un octogénaire souhaitait se présenter pour la première fois aux législatives et était élu, c’est assurément qu’il avait l’énergie pour accomplir son mandat. Je vais même vous dire un secret : après la démission de Jérôme Cahuzac, je pense qu’une seule personne aurait été élue à gauche à Agen : ce même Michel Serres, son accent rocailleux et sa pétillante intelligence. Je n’ai osé ni lui en parler, ni en parler tout court.

– A vrai dire, je dirais même : refuser toute limite d’âge, laquelle est stricto sensu une discrimination justiciable du Défenseur des Droits et de la Cour européenne des droits de l’Homme. Mais l’affaire n’est pas simple….

Dans tous les cas, il faut sortir des sentiers usuels. La nouvelle transition démographique est bien une révolution qu’il faut aborder en faisant fi des pesanteurs, des vérités révélées et d’un certain nombre de principes qui ne sont que des contraintes.

Ce n’est pas gagné mais on peut essayer. De toutes manières, nous n’aurons pas le choix.

 

Bataille pour l’autonomie

Notre pays se situe à mi-chemin entre les pays du nord et ceux du sud pour la relation aux âgés et le soutien qu’on leur apporte.

Dans les pays du nord, le maître mot est : l’autonomie jusqu’au bout. On connait cette belle et cruelle image d »un très âgé sentant ces forces décliner qui part s’enfoncer dans la forêt enneigée pour ne pas être une charge à quiconque et mourir autonome. Mes homologues suédois ou danois poussent très loin cette culture de l’autonomie; Quand un âgé ne peut plus se suffire, des services de réhabilitation sont envoyés à son domicile pour mettre en place un programme de reprise de la force physique et de la sureté de mouvements. Toutes les dispositifs technique sont mis à sa disposition pour pallier ce qu’il ne peut pas récupérer : domotique, sanitaires adaptés, dispositifs d’assistance.. Et ce n’est qu’en dernière limite qu’on attribue des aides humaines à domicile ayant pour mission de faire à la place de la personne.

Dans le sud, la culture est celle de l’entourage par les proches, famille d’abord, voisins ensuite. Il n’y a ainsi dans les pays d’Afrique du nord, et moins encore d’Afrique sub-saharienne de maisons de retraite. Y laisser son parent âgé serait considéré comme un manquement aux traditions comme aux préceptes religieux. Les maisons de retraite au Maroc ne sont destinées qu’aux européens qui vivaient sur place.

La situation de la France est intermédiaire et nous n’avons pas en particulier la même culture de la réhabilitation, la même exigence de faire remonter dans le train de l’autonomie les âgés qui donnent signe d’être menacés de la perdre. Pas suffisamment d’aides technique, des aides plus souvent destinées à faire à la place plutôt qu’à donner les moyens de faire.

L’arrivée dans le champ de l’âge de la génération des boomers, non seulement nombreuse mais ayant traversé -et souvent porté- l’émancipation à partir des années 70,  conduisent aujourd’hui la politique de l’âge à monter le curseur en direction des pays du nord.

Mes « conscrits » (nés comme moi entre 45 et 55) veulent rester chez eux, y être autonomes, bénéficier pour cela de toute l’autonomie possible. S’ils ont des enfants, ils sont souvent loin et quand ils seront dans le grand âge, ces enfants eux-mêmes ne seront pas jeunes. Les courbes démographiques nous apprennent de plus que le nombre d’aidants potentiels va diminuer au regard de ce qu’il est maintenant et cela constitue une raison supplémentaire de mettre l’accent sur le culture d’autonomie et d’en donner aux maximum les moyens à tous (et non seulement aux plus riches).

La chance est que cela est désormais possible : les pertes d’autonomie sont longtemps réversibles et/ou réparables. Les signes d’alerte sont aisés à dépister.  Les modalités pour remonter dans le train que j’évoquais tout à l’heure sont connues, accessibles si nous faisons ce choix qui demande bien évidemment un effort de solidarité. Les aides techniques progressent chaque jour et en outre constituent une opportunité économique de première grandeur pour la France.

Le sujet est d’engager les aidants , familiaux ou professionnels, dans cette culture de prévention/réhabilitation. Un exemple : mieux vaut mettre en place l’aide nécessaire pour qu’une vieille dame puisse aller chez le coiffeur que faire venir le coiffeur à son domicile. Lien social, estime de soi, tout y gagne.

C’est l’esprit du projet de loi que je prépare, mais aussi de chacune de nos actions au quotidien. Dispositif MONALISA, travail commun avec les caisses de retraite sur les dispositifs de prévention, introduction de la domotique dans les EHPAD.. Mais ce doit être aussi celui de chaque famille autour des parents âgés et de chaque Français pour soi même.

 

Ma médecine

Nommée Ministre, je me suis promise d’éxercer cette honorable fonction en Médecin, ce que j’ai été pendant 45 années. Qu’on se rassure : je n’ai pas exercé la médecine en Ministre, je n’avais qu’une vague idée de ce que cela pouvait être, loin en tout cas de la pratique particulière de mon Ministère et surtout, je n’avais ni le moindre plan, ni la plus petite hypothèse qui me laisse augurer de l’être un jour.

Être Ministre comme on est médecin, j’imagine que l’on devine un peu ce que cela signifie. Je ne voudrais pas utiliser un vocabulaire archi-rebattu, mais c’est mettre les gens avant ce qui les entoure. C’est aussi mener une équipe (les membres de mon cabinet), comme une équipe hospitalière et cela veut dire beaucoup. Mon équipe en effet n’a pas changé depuis sa composition, il me semble qu’elle va bien compte tenu du contexte difficile qui est le nôtre. C’est une équipe jeune -comme le sont les équipes hospitalières où infirmières, externes, internes ont majoritairement moins de 30 ans-,  qui sait pourquoi et surtout pour qui elle travaille, une équipe engagée et talentueuse, qui sait être joyeuse et aussi râler juste ce qu’il faut. La « dream team » m’a dit vendredi dernier un visiteur auquel elle avait été présentée. Je lui laisse la responsabilité du compliment. Il n’est pour autant pas totalement infondé.

C’est donc à la médecine que je pense souvent. Je réfléchissais aujourd’hui aux 45 années qui furent les miennes. Pas une heure, ni dans mes études, ni dans la pratique, n’a jamais été consacrée à l’aspect régional, territorial, de notre éxercice. Quelles sont les spécificités de l’état de santé des Aquitains, comment marche le maillage territorial à la fois médical et médico-social ? Quelle collaboration entre ces deux champs ? Quelle relation aux collectivités territoriales? Quel agencement des professionnels entre eux ? Bref, de cela qui m’occupe beaucoup aujourd’hui, je n’ai jamais entendu parler en tant que médecin.

Dans chacune de mes visites de terrain, vendredi dernier en Bretagne, la précédente en pays nantais, la précédente encore à Montpellier et juste avant dans le Nord,  je suis frappée des spécificités de chaque territoire. Profil pathologique différent, inégalités de santé autrement distribuées, engagement variable des collectivités, coopérations plus ou moins anciennes et plus ou moins vivaces.. Bref, Lille n’est pas Lyon, Guincamp a bâti un tissu de solidarités qui lui est spécifique, la pauvreté n’est pas le même dans le Pas-de-Calais que dans l’Hérault… Ce n’est sans doute pas un scoop, mais après un certain nombre de déplacements, on découvre comme une évidence l’urgence de la territorialisation de nos pratiques de la santé social, ce couple indissociable dont les Etats-Unis ont fait des chaires universitaires et qui se bâtit chaque jour sur le terrain. Le « mariage pour tous » n’est pas que celui contre lequel on défile aujourd’hui même, mais celui des Conseils généraux avec les Agences Régionales de Santé (ARS), des aides à domicile avec les services infirmiers, et des gériatres avec les démographes.

Ce mariage-là, différemment conjugué dans chaque territoire, reste encore à élargir. On ne doit plus soigner, prévenir, accompagner, aujourd’hui comme hier. La formule d’un de mes coéquipiers au Cabinet doit inspirer jusqu’au projet de loi que je prépare : l’intelligence du terrain.

Pas facile dans une loi, par essence normative, de partir du terrain pour bâtir de meilleures pratiques. Le risque est de rajouter une couche là où il y en déjà plusieurs, fondamentalement diverses et spécifiques du territoire. Dali avait inventé des montres molles, ce qui laissait entendre que l’on pouvait négocier avec l’implacable métronome du temps, il nous faut inventer une loi « intelligente » (« smart ») qui puisse se gorger des pratiques du terrain sans se dénaturer.

De tout cela, pendant ces 45 années, je n’ai jamais entendu parler. La pratique des dix dernières années l’a peu ou prou suscité puisque nous avons travaillé en faisant une place plus grande à l’ambulatoire et en déléguant davantage aux acteurs de terrain, grâce par exemple à l’hôpital à domicile. Ma spécialité (cancérologie), je le reconnais, invite davantage à la centralisation hospitalière qu’à la pratique locale. En langage ministre, elle peut même être qualifiée de « régalienne », mais sa déclinaison pratique, une fois les traitements décidés est pour autant elle aussi territoriale et fait appel aux complémentarités et aux solidarités locales.

C’est très étrange, je n’avais jamais pensé à cela comme un tout. Cet après-midi, dans le silence joyeux de mon jardin, cela m’est apparu comme une évidence.

 

 

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