Scène de la vie ordinaire à Bordeaux
Moment joyeux hier au Parc Rivière de Bordeaux. Le Maire avait invité par voie de presse les seniors à partager avec lui une « marche active » et rendez-vous avait été donné à 10 heures dans ce bel endroit.
Pour une fois dès le samedi matin dans ma ville, je rejoins le jardin à 10 heures pile. Marche et éxercice physique sont la clef de la prévention non seulement de la fonte musculaire mais du maintien du capital cognitif. Oui, et c’est une des découvertes essentielles des recherches sur le vieillissement, les informations montant des muscles et de l’intention même du mouvement sont capables de reconnecter des neurones qui se laissaient un peu aller… Je ne manque donc aucune occasion d’en parler et d’illustrer cette thérapeutique somme toute assez simple et sympathique.
A la porte, je croise mon Maire qui repartait déjà, les journalistes sur ses talons. Cet excellent homme (je parle du Maire) avait devancé l’horaire pour être bien sûr qu’aucun dangereux gauchiste ne serait sur la photo du top départ. Vieille habituée de ces pratiques, j’en avais fait le pari : je l’ai une fois de plus gagné !
Il n’empêche, je salue ce sportif de petit fond et l’invite à poursuivre la marche avec moi. Sans autre explication car les bienfaits en sont précieux dès son âge et le mien.
Je rejoins donc le groupe. Très réduit et à forte dominante des militants ump over-sexagénaires du canton dont j’ai été pendant 8 années l’élue. Les commentaires ne tardent pas :
– « Mais qu’est-ce qu’elle fait ici, celle-là ? A-t-elle même reçu l’invitation de not’ Maire ? »
Je me retourne et ferme le caquet de la dame, réputée pour son tempérament particulièrement acariâtre mais faisant toujours bon office au premier rang des conseils de quartier.
– Vous pensez bien, Madame, que le Maire de Bordeaux qui est un homme d’Etat ne ferait pas une telle faute de méconnaitre les usages républicains et d’omettre de m’inviter à toutes occasions !
La voilà dans la difficulté de douter de la qualité d’homme d’Etat de son hérault. Elle continue pour autant de grogner et d’invectiver ces socialos de grand chemin qui tels de vulgaires torchons se mêlaient aux nobles serviettes du quartier Tivoli.
Lasse de ses grognements, je me retourne avec un avis médical, tout aussi exact et approprié que les bénéfices de la marche nordique:
– Savez-vous bien, Madame, que tous les travaux actuels démontrent que l’irascibilité, la médisance, la rancoeur abrègent de dix années l’espérance de vie ?
Le ton était docte et sérieux. Pas assez sans doute pour convaincre ma mégère. Je décidai de mettre aussitôt une dernière couche :
– D’ailleurs, avez-vous fait depuis longtemps un scanner ?
Le petit groupe, qui n’était guère que d’une douzaine, finit de passer de la marche active à la marche trainante puis à la dispersion pure et simple.