Retrouvez ci-dessous mon intervention du mardi 9 septembre, en discussion générale, à l’occasion de la première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement :
Et retrouvez ci-dessous le texte de mon intervention :
La loi d’adaptation de la société au vieillissement est une marche montante dans la prise en compte de la transition démographique et je tiens tout de suite à remercier le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault sans lequel cette loi n’aurait pas vu le jour et le Premier Ministre Manuel Valls qui a voulu qu’elle ouvre notre année parlementaire.
Je salue également Paulette Guinchard, qui il y a dix ans, a mis en place l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), initiant une démarche dont cette loi assure la continuité.
Défi social, sociétal, financier, économique et éthique, la transition démographique est aujourd’hui au point où en était la transition écologique du temps de René Dumont en 1974, il y a 40 ans. Et pourtant, dès cette date, les millions de « boomers » qui vont porter la révolution de l’âge étaient déjà nés.
Disons-le : la question la plus nouvelle aujourd’hui, le défi le plus radical, ce sont les vieux, mot totalement inadéquat mais qui n’a d’autre objet qu’interpeller. Sortons du peloton, sortons enfin l’âge et les âgés du seul médico-social où ils – je devrais dire nous – ne se reconnaissent pas. Postons notre pays, bienheureusement situé dans le top 5 de la longévité, à l’avant-garde de la prise en compte de ce défi Ô combien transversal et en passe d’être universel.
Fiscalité, macroéconomie, succession, patrimoine, j’invite tous ceux qui ont dépassé la page 40 du « Capital » de Thomas Piketty à mesurer avec lui le bouleversement radical que constitue la longévité, dans ce domaine comme dans tous les autres. Se marier pour 70 ans –de préférence en une fois–, hériter à 70 ans, découvrir que l’on est plus isolé encore dans les villes qu’à la campagne, savoir que les revenus sont la première inégalité dans la prévention du vieillissement, voir notre organe de très loin le plus identitaire, le cerveau, capable nous quitter avant tous les autres, mesurer que d’ici 2050 le nombre de décès annuel va augmenter de 50%, ramenant la mort au cœur de la vie des familles et de la société elle-même, voilà qui – l’air de rien – remet en question notre système politique, social, sanitaire et bouscule pas mal notre condition d’homme.
A toutes ces questions la loi présentée aujourd’hui n’avait pas mission de répondre, mais cependant elle ouvre largement la voie de la transversalité, conditionnelle d’une approche globale de la transition démographique et elle apporte des réponses, toutes positives, au plus beau cadeau que nous a fait le XXème siècle : le doublement de l’espérance de vie.
Oui, la perte d’autonomie n’est pas inéluctable et la décision publique comme le comportement individuel, y peuvent quelque chose. Alzheimer lui-même peut être retardé, et je l’espère et je le crois, retardé encore plus grâce à la recherche.
Oui, la révolution de l’âge a de la chance d’avoir partie liée avec la révolution numérique qui est pour elle un outil de prévention, peut-être le meilleur puisqu’il mêle lien social, protection et stimulation cognitive.
Oui, la longévité est une opportunité, une chance et non pas une charge. On dit toujours qu’il faudrait plus de la vie d’un homme pour recopier l’ensemble des partitions de Mozart, alors qu’il est mort à 35 ans. S’il était né avec les « boomers », 200 ans plus tard, il aurait fallu pas moins de trois vies d’hommes pour en faire autant.
Oui, c’est bien une troisième vie qui nous est offerte à l’issue de la vie professionnelle. Une vie qu’il n’est pas question d’occuper mais d’accomplir, et là nous touchons au trou noir de la pensée politique : la place et le rôle des âgés dans la société. Valoriser, favoriser ce rôle, donner la parole aux âgés pour qu’ils soient les 1ers acteurs de cette transition démographique, c’est le sens du Haut conseil de l’âge
Oui, la République a besoin des retraités ; des valeurs dont ils sont porteurs, de l’énergie et de la créativité dont ils font preuve et qui n’attend que d’être reconnue. Oui, le redressement de notre pays ne se fera pas sans eux
Oui, la longévité n’est pas qu’une affaire de vieux, mais l’affaire de tous les âges : « J’ai été ce que vous êtes, vous serez ce que je suis » (Corneille). Réussir la transition démographique, c’est éviter la guerre des générations que les âgés gagneront dans les urnes et les jeunes dans la révolte. Nous avons tous autour de nous des gens dans les deux camps. Nous leur devons mieux que cette guerre. Nous leur devons la fraternité. Obama a donné le signe d’une société post-raciale, nous donnons aujourd’hui le départ d’une société sans barrière d’âge.
Oui, c’est la langue française elle-même qui doit sonner la fin de la démographie punitive, marquée par le mot « dépendance ». Oui, nous ne sommes les « aînés » de personnes, les « seniors » d’aucun club. Nous sommes âgés comme on est jeune. Nous sommes un groupe « à la fois puissant et misérable » par sa conscience de « s’endormir bientôt du sommeil de la terre » (Alfred de Vigny).
Je ne parlerai donc pas des 100 mesures de cette loi, ni de ses quatre mesures phares, nous en aurons l’occasion lors de l’examen des articles. Je veux terminer par un vœu…
Sur le terrain auprès de Maires de gauche, de droite ou du milieu, comme auprès des professionnels, au cours de multiples séances de concertation, ce texte a rencontré une grande adhésion. Même si nous sommes dans un moment tendu et difficile ou plutôt parce que nous sommes dans ce moment, permettez-moi de formuler le souhait qu’il soit voté unanimement. Je crois, je suis sûre que, dans leur inquiétude, c’est cela que les Français attendent de nous.