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Pour des cérémonies républicaines

Je crois en un sacré laïc, je crois en sa nécessité et en son pouvoir , et dans la force de ses instruments : la noblesse des lieux, le silence et le recueillement, la musique, la voix humaine et sa parole.

J’y crois parce que cette part de sacré est en chacun de nous, quelquefois même à notre insu, dans la stupéfaction qui nous saisit devant la beauté comme devant l’horreur, en tant de situations intérieures ou extérieures, dont disons-le, l’hôpital n’est pas chiche.

La petite cloche qui résonne chaque matin à 9 h dans la cour intérieure de l’hôpital Saint-André de Bordeaux, en est une sorte de quintessence : quelques instants d’un son modeste dans un décor de cloître où passent des brancards, des blouses blanches, des soignants qui arrivent ou qui partent.. De même « la petite fontaine » du cimetière de Milan, que je n’ai jamais entendue ailleurs que dans une nouvelle sublissime de Buzzati. Chacun a des preuves de ce sacré, qui lui sont personnelles. Regis Debray est de tous celui qui en parle le mieux.

Mais de loin, c’est la mort, l’instant de la mort, qui à la fois produit et exige ce sacré. La mort, cette « aventure horrible et sale » qui ne peut être rachetée ou pardonnée qu’à ce prix. J’écrivais ailleurs que nous ne sommes pas faits pour mourir seuls ; pas non plus pour disparaître au monde seuls.

Tant de personnes qui aujourd’hui choisissent, conformément à leur vie, de n’être pas accompagnées dans leur mort par ce que l’on appelle « les secours de la religion ». Expression un peu lâche mais si vraie, non tant pour le mort, mais pour ses proches.

Je suis désolée de la maigreur, de l’aridité de tant de ces adieux. Quelques personnes dans une salle dont toute forme d’art ou de beauté est exclue, quelques maigres paroles ou pas la moindre, parfois une musique distillée par un appareil d’un autre âge, plus proche d’un transistor des années 50 que du moindre appareil contemporain de qualité.

Ces morts, tous, ont traversé des épreuves, vécu des guerres, des périodes de crises, vaincu des maladies, affronté des séparations et des deuils mais aussi connu des succès, des jours de bonheur, des aventures qui ont changé le cours de leur vie, atteint des sommets, quelle que soit la hauteur de ces sommets. Ils partent sans hommage, quelquefois sans témoins de ces événements multiples qui font une existence.

Nous devons penser, rendre possibles des cérémonies républicaines, mettre à leur disposition des lieux nobles, dignes de ce que représente une vie qui finit. C’est dans cette perspective que j’ai proposé qu’à Bordeaux, le Temple désaffecté des Chartrons puisse avoir entre autres cette destination . Il ne faut jamais négliger le décor de la grandeur et de la spiritualité.

Il ne s’agit bien sûr que des funérailles, mais aussi des parrainages ou baptêmes républicains (de nouveaux nés, de grands enfants ou d’adultes), des mariages civils quand la Mairie de par sa petite taille ou au contraire du nombre des mariages ne suffit pas à les accueillir dans un temps et un local suffisant. Les cérémonies militaires, dans leur perfection et leur brièveté, portent par ailleurs très haut ce que peut atteindre une cérémonie républicaine, je les mets cependant à part de ce billet.

Je ne donnerai pas la recette de ce que peuvent être ces cérémonies républicaines : chacun doit apporter sa sensibilité à les construire. Il en existe déjà, en particulier dans les associations à caractère philosophique. Il en existe aussi d’informelles qu’une famille ou même un seul individu compose en l’honneur de la personne défunte. Mais la République se doit aujourd’hui de proposer un lieu, une trame et de leur donner un sens, celui de réunir et d’honorer chacun de ceux qui la composent.

* un pas dans ce sens a été fait dans la loi, mais il est bien peu mis en oeuvre : l’obligation pour les municipalités de mettre à disposition une salle permettant ces cérémonies

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