Vivre dans la dignité
J’ai été très frappée qu’Henri Caillavet meure dans sa 100ième année et si je ne me suis bien sûr pas réjouie de sa mort, je l’ai fait de constater que cette mort fut tardive et naturelle.
Henri Caillavet, ancien Ministre, parlementaire prestigieux, auteur de nombreuses lois et projets de lois, a présidé à deux reprises l’association « Droit de Mourir dans la Dignité ». Je ne sais rien de sa mort, ni des années qui l’ont précédée, mais je pense qu’elles furent en conformité avec cette dignité dont il a été l’ardent défenseur.
Il démontre en tout cas qu’on peut aborder le grand, voire le très grand âge, et demeurer dans cette dignité et dans ce désir de vivre qui est celui des candidats centenaires. Tous les gériatres le confirment : la demande d’euthanasie est très rare quand l’âge prévisible de la mort approche et c’est tant mieux.
Cette disposition n’est pour autant pas générale : beaucoup (en proportion des autres décennies) d’âgés se suicident. A chaque dizaine d’années que l’on gagne, le taux de suicide augmente. Au dessus de 80 ans, il est trois fois supérieur à la moyenne nationale tous âges confondus (44/100 000 au lieu de 15/100 000) et 3000 âgés se suicident chaque année.
Je n’ai pas de chiffre précis, on s’en doute, mais l’expérience des médecins et en particulier des gériatres montre que la demande d’euthanasie de la part de la personne elle-même est à ces âges pratiquement nulle (ce n’est pas le cas de la demande des familles).
Tout se passe comme si les âgés qui voulaient en finir avec la vie ne comptaient que sur eux-mêmes. Leur suicide est radical, sans possibilité de voir leur main retenue et se fait par arme à feu, pendaison ou défenestration. Hors de ce groupe, relativement faible en nombre, plus la vie devient vulnérable et fragile, plus on a à la défendre, plus on désire continuer à vivre. L’expérience de mes malades m’a aussi enseigné ce principe.
Henri Caillavet (et heureusement tant d’autres) a démontré que l’on pouvait vivre jusqu’au bout dans la dignité, et je l’espère davantage : dans l’honneur, le respect et l’affection, le bien être.