Les émancipés de l’âge
Nous sommes au bas mot 15 millions, sans doute 16, nés après guerre dans les années dites du « baby boom » et constituant la génération la plus forte de notre histoire. Forte non seulement par le nombre, mais par la révolution qu’elle a porté avant, pendant et après 1968. Révolution des moeurs et des modes, affirmation des droits et libertés des femmes, présence pour elles dans la presse bien au-delà de « modes et travaux », exigence culturelle… , c’est nous les ex -baby boomers qui avons commencé de changer le visage de la France et de l’Europe.
Nous aussi, qui continuons. Nous qui faisons faire un dos d’âne aux courbes démographiques, nous sommes la première génération à accompagner massivement ses parents dans le grand âge, et cette expérience nous fait exiger d’y parvenir nous-mêmes dans un maximum d’autonomie.
Bref, nous sommes et nous serons les premiers « émancipés de l’âge », ceux qui l’assument avec liberté et s’interrogent sur le retour du vent de « jeunisme » d’il y a une dizaine d’années. Les femmes, une fois encore, sont en première ligne de cette émancipation. Bien plus aisément que les hommes, elles affichent sans complexe leur date de naissance, soutiennent leurs congénères qui refusent d’être d’éternelles « collaboratrices » dont on loue la discrétion et le zèle. Elles « assurent ».
Un vent mauvais de « jeunisme » souffle comme une réaction tardive à ce que nous avons acquis. Le « rajeunissement », la baisse de la moyenne d’âge au Parlement sont présentés comme des objectifs chiffrés, comme la réduction du nombre de fonctionnaires ou du montant de la dette ; ceci, alors que le renouvellement politique n’est pas lié à l’âge, mais au nombre de mandats et d’années passées dans le tunnel d’une carrière politique.
Pendant mes deux années de ministère, mal nommé « Ministère des personnes âgées », alors que son caractère transversal justifierait de l’appeler « Ministère de la transition démographique », j’ai voulu installer l’idée d’un « AgePride » sans suffisant effet, mais sans l’avoir abandonnée : l’âge a ce mérite qu’on devient chaque jour plus expert ..