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L’enseignement précoce d’une langue voisine : une proposition pour l’Europe

L’élection européenne approche et nous n’entendons toujours parler que d’éventuelles têtes de listes, d’alliances entre partis, de combinaisons diverses… Bref, le « nouveau monde » et surtout le nouveau Parlement européen ne sont pas pour demain..

Pour ma part, je ne voterai qu’à la condition de propositions concrètes, précises et mobilisatrices susceptibles de donner corps à l’Europe. Si du moins un parti ou un groupe parvient à en formuler.

L’une des idées qui me tient à coeur depuis des lustres est l’enseignement précoce et systématisé d’une langue européenne. Ce que le linguiste Claude Hagège appelle une « langue voisine ».

Serons-nous jamais naturellement, maternellement européens sans posséder au moins l’une de ces langues voisines et sans l’avoir appris dès le très jeune âge ?

Ce n’est en réalité ni le plus difficile, ni même le plus coûteux des projets européens mais ce serait certainement le plus décisif. Imaginons que dans chaque école, dès les petites classes, soit introduit l’enseignement « maternel » d’une langue européenne  pour ensuite se développer tout au long de la scolarité. Chaque enfant, puis chaque étudiant saurait qu’il a une double identité : celle de son pays, et celle de son continent. C’est la seule vraie forte parade contre la tentation du repli identitaire que nous voyons partout se développer.

Il ne s’agit pas d’un projet démesuré. Il peut être réalisé grâce à des échanges entre les pays de professeurs*  capables d’enseigner dans le pays d’accueil leur langue de manière « maternelle » . Voilà qui ne serait pas d’un coût démesuré et cet « Erasmus enseignant » aurait les mêmes remarquables effets que les Erasmus étudiants. Cet enseignement précoce devrait évidemment être poursuivi et développé dans le primaire et le secondaire et confié alors aux professeurs actuels de langues.

La volonté d’innover, de créer, d’inventer, de bousculer manque à l’Europe comme aux Gouvernements et à leurs systèmes d’éducation. Jean Monnet aurait lui-même prononcé « si c’était à refaire, je commencerais par la culture ». L’authenticité de la phrase est incertaine mais l’idée dit bien à la fois l’unité culturelle et la  diversité linguistique de l’Europe. Le Ministre Blanquer a ici l’occasion de se mettre dans ces pas en défendant une Europe des langues et de la culture ; proposition, d’envergure, décisive pour combler le plus grand manque du « traité constitutionnel européen » , lequel ne contenait pas un mot sur la diversité des langues européennes et moins encore, sur leur enseignement.

 

en pratique le plus souvent d’institutrices pratiquant au niveau de l’école maternelle

 

 

L’honneur de l’Europe

L’honneur de l’Europe est aujourd’hui en Espagne qui accueille l’Aquarius et ses 629 migrants dans le port de Valence. Très beau signe du nouveau premier Ministre socialiste Pedro Sanchez et de son Gouvernement.

Je n’ai pas le coeur à la polémique sur ce sujet. Mais n’y a-t-il pas aussi des ports français sur la méditerranée ? Pour n’en citer que deux, Marseille et Toulon, a-t-on un instant entendu leurs maires Jean-Claude-Gaudin et Hubert Falco ?

Mais, bien sûr, le premier à s‘exprimer aurait du être notre Gouvernement. Quelle occasion pour Gerard Collomb de tempérer des paroles très malheureuses concernant les réfugiés ! Quel signe remarquable pour le Président de la République de montrer que l’Europe n’est pas qu’un enjeu économique ?

Je n’évoque par le nouveau Gouvernement italien, qui a refusé l’accostage de l’Aquarius. Mateo Salvini a crié « victoire » après la proposition espagnole. Fâcheuse parole mais quand nous aurons accueilli le dixième du nombre de migrants ayant accosté à Lampedusa ou dans d’autres ports, nous pourrons nous exprimer sur l’évolution inquiétante de l’opinion et du vote de la Péninsule (très précisément, l’Italie a accueilli 131 300 migrants et réfugiés en 2016, la France 13 000).

Il n’y a pas de pollution plus inacceptable en méditerrannée que les 33 300 morts « emmerrés » dans ses flots que l’on imagine bleus mais qui sont à tout jamais souillés du noir de leur deuil.

 

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Quelque chose qui cloche en social-démocratie ? La potion du SPD

Les invités du blog sont aujourd’hui Peer Steinbrück et Klaus Fuchs du Parti Social Démocrate allemand (SPD)

Ancien ministre des finances, ancien candidat du SPD à la Chancellerie, Peer Steinbrück s’est penché sur les erreurs de son Parti, le SPD, erreurs qui l’ont conduit au désastre électoral d’automne dernier en Allemagne (20,5 % des suffrages). Voici quelques-uns des points qu’il vient de développer dans un article du SPIEGEL : ils peuvent être de quelque utilité dans la reconstruction du Parti Socialiste et dans l’élaboration d’un programme. Steinbrück a essuyé de nombreuses critiques au sein même du SPD ; chacun en France pourra retenir ou écarter telle ou telle proposition et s’en inspirer. Ou pas.

Selon Steinbrück, le SPD a trop ignoré le besoin de sécurité de la population qui réclame un Etat fort, capable d’agir et de faire appliquer ses lois. Il existe un conflit fondamental de valeurs entre ceux pour qui l’immigration, la mondialisation et le multiculturalisme constituent des éléments positifs et ceux qui se sentent culturellement menacés dans leur pays et finissent par se recroqueviller dans leur forteresse nationale. Le SPD n’en a, d’après l’ancien ministre, pas tenu compte dans son programme. Résultat : une augmentation des tendances nationalistes et protectionnistes, voire racistes.

Le SPD aurait cru fait l’erreur de croire pouvoir construire une majorité parlementaire en s’occupant des problématiques des diverses minorités, oubliant que la majorité de la population, surtout l’électorat classique du SPD, ne se sentait pas suffisamment prise en considération. Comme les Socialistes français, leurs camarades allemands s’occupent trop de politiques anti-discriminatoires et de « lifestyle », du mariage pour tous et de la non-discrimination des homosexuels, au lieu de traiter les problèmes qui constituent la priorité de la majorité des électeurs comme, par exemple, l’introduction d’un salaire minimum ou la solution des problèmes des voitures diesel ou la lutte contre les cambriolages.

Et Steinbrück de poursuivre que le SPD n’a pas attribué assez d’importance à combattre l’impression qu’il ne défendait pas la culture ni le patrimoine allemand et pratiquait une sorte de relativisme culturel. L’aile « linksliberal » (la gauche du parti) aurait trop considéré comme tabous la situation dans les quartiers, le remplacement des gens par des migrants, les classes comportant 70 % d’enfants d’’origine immigrée, l’existence d’une justice islamique parallèle prêchée par des imams très éloignés de nos canons de valeurs. Il fallait thématiser ces problèmes et ne pas les taire.

Steinbrück regrette aussi la perte de citoyenneté, de respect des civilités, de la tolérance, nourrie dans les réseaux sociaux. Les sujets dont les gens parlent à la maison, mais dont le SPD ne parlait pas assez alors qu’il aurait du les évoquer sans craindre de faire des vagues ‘et de soulever des tempêtes de protestation dans les médias et dans les débats politiques.

Steinbrück admet que le SPD a trop cédé à l’idéologie néolibérale en vogue, mais refuse qu’on retourne dans la critique orthodoxe du capitalisme d’un autre temps. Le capitalisme d’aujourd’hui n’est plus le même que jadis et il faut tenir compte des phénomènes de la mondialisation et de la numérisation. Il pose une des questions clé du 21e siècle : « qui a la suprématie : les grands groupes internet et financiers ou les institutions démocratiquement légitimées ? »

La réponse ne peut venir que des institutions supranationales et en premier lieu de l’Union Européenne, seule plateforme à même de traiter avec efficacité la protection des données, les abus de pouvoir et l’évasion fiscale des grands groupes internet. De même pour traiter le problème de la régulation des marchés financiers. D’où la nécessité que le SPD se produise comme un fort « Parti de l’Europe ».

A la question de savoir si, face à des Macron, Trudeau, leurs succès et leur popularité mais aussi  face à l’essor du populisme, les programmes des partis politiques ont encore un sens, Steinbrück ne croit pas et ne veut pas croire en des personnes charismatiques mais défend la nécessité de programmes politiques traitant du fond des choses sans s’en tenir à une énumération de promesses, mais en avançant  et répétant trois ou quatre messages forts, concrets et compréhensibles pour préparer l’avenir.

Un petit mot pour la fin : Je sais que les analyses et propositions de Peer Steinbrück peuvent chez les socialistes français susciter une certaine irritation. Croyez moi, je ne suis pas non plus d’accord avec lui sur  certains  points. Tout comme je sais qu’en matière de social-démocratie comme ailleurs il n’y a pas de « modèle allemand » tant les traditions, la culture du PS sont parfois différentes du socialisme français. Mon souhait est seulement de contribuer avec cette publication au débat au sein du PS dont je suis également adhérent depuis 17 ans et auquel je souhaite une renaissance rapide et vigoureuse sur des bases solides.

 

Derrière le Brexit, le risque de réveiller le serpent qui dort

Commentateurs et journalistes se focalisent le plus souvent sur l’impact commercial et financier du Brexit. Il n’ont pas tort, le recul qu’il constitue pour les échanges internationaux et en premier lieu européens, risque d’être du modèle  « perdant/perdant » pour toutes les parties. « Perdant » pour la Grande Bretagne qui d’ores et déjà affiche un recul de sa consommation et de son PIB, « perdant » pour les pays de l’Union Européenne et pour ce qui nous concerne, de la France avec laquelle elle entretient des rapports commerciaux dynamiques et bénéfiques aux deux parties. Ainsi, le Royaume-Uni est le premier des pays avec lequel la France enregistre une balance commerciale positive.

Mon sujet n’est pas ici de parler des Britanniques, bienvenus en France et particulièrement dans notre Nouvelle-Aquitaine. Non plus, des Français installés outre-manche. Londres est la sixième ville française et permet à nombre de ceux qui la choisissent de trouver des emplois et des carrières qui leur sont refusés en France. Pour ceux-là aussi, « perdant perdant ».

Le poison venimeux qui risque de bouleverser le Royaume jusque-là Uni est pourtant d’un autre ordre . Ce poison potentiel est celui d’un petit serpent sillonnant -actuellement sans heurt- le tiers nordique de l’Irlande : la frontière entre l’Irlande du nord et celle du sud. Aujourd’hui, sans postes de contrôle, sans frais de douanes, ce serpent endormi permet, dans l’honneur, à tous les Irlandais de se sentir citoyens européens. Qu’ils soient du nord ou du sud, protestants ou catholiques, ils vivent et ils commercent ensemble sans faire rougir leurs ancêtres, lesquels ont versé tant de sang dans cette guerre cruelle qui a enflammé ce pays pendant un siècle.

Cette frontière de 360 km, aujourd’hui bienheureusement invisible, sépare deux provinces de cette terre d’histoire, lesquelles se trouvent constituer aujourd’hui deux pays ; l’un au nord, le plus petit, est partie intégrante du Royaume-Uni. L’autre, au sud, constitue un état indépendant, membre de l’Union Européenne et désireux de le rester.

Depuis 2005, et conformément à l’accord historique dit « du Vendredi saint » en 1998, tout barrage, toute frontière douanière ont disparu tout au long de la frontière. Les villes qui y sont situées ont retrouvé leur dynamisme économique d’antan et de nombreuses usines et communautés agricoles sont implantées de part et d’autre et prospèrent sans heurt.

Problème, on ose dire même drame potentiel, le Brexit risque de faire de ce paisible serpent de 360 km, un animal venimeux, ravivant les haines et les conflits du siècle dernier. Il est en passe en effet de devenir la seule frontière terrestre du Royaume-Uni avec l’Union Européenne, ce qui le condamne à dépendre des accords commerciaux et douaniers entre l’Union et le Royaume-Uni et qui, en l’état, ne lui permettra pas de maintenir une frontière ouverte.

Le Brexit ne divise pas seulement les familles dont rares sont les membres qui ont voté du même côté, mais l’Irlande elle-même. Les Irlandais du sud verraient d’un bon œil que ceux du nord décident de rallier l’Union Européenne, avec la sourde arrière-pensée de retrouver une Irlande unie. Le Royaume-Uni,  quant à lui compte bien respecter le vote du Brexit lequel implique le contrôle des frontières, mais n’a pas réuni la majorité des Irlandais du nord…

Rien n’est écrit à ce jour des exigences de chacun et ce silence pèse lourd en arrière-plan des négociations qui s’ouvrent en ce moment entre l’UE et le Royaume, de moins en moins « Uni ».  Les cicatrices de la guerre d’indépendance et du conflit nord-irlandais demeurent très vivaces dans de nombreuses familles et chacun redoute la résurgence des « troubles » qui ont coûté la vie à plusieurs milliers d’Irlandais.

Le petit serpent qui sillonne entre les deux Irlandes, endormi par tant d’années d’efforts et après tant de douleurs, est bien capable de retrouver  demain son venin. Montesquieu avait raison : comme à la loi, il ne faut toucher à la démocratie -en l’occurrence au réferendum- que d’une main tremblante. David Cameron en a fait la douloureuse expérience.

 

 

Le travail, une valeur de gauche

Beau et surtout très, très intéressant discours de Benoît Hamon à Bercy devant 15000 personnes. Changement de ton et magistral retour aux valeurs fondatrices de la gauche, en lettres majuscules. La GAUCHE historique, fondamentale, essentielle et qui, en effet,  fait toujours « battre le coeur ».

C’est un champ souvent évoqué dans ce blog, qui me retient une fois encore : la place et la valeur du travail. Ce champ est à ce point fondateur de la gauche que j’ai été gravement troublée de le voir jusque-là trop absent ou malmené dans la campagne de Benoît. Oubliées aujourd’hui, ou en tout cas non mentionnées, les phrases-clefs des Primaires :  « Notre rapport au travail doit changer », « le travail ne doit plus être au centre de la société », « qui n’est pas heureux dans son travail doit pouvoir arrêter bénéficier d’un revenu » .. (Je cite non littéralement, mais sans changer le sens) . Exit aussi, le fait que le travail doive inéluctablement se raréfier, voire disparaître, et en tout cas ne plus fonder notre rapport au réel. Il va changer, plus radicalement encore qu’on ne le croit, avec un retour majeur du travail non substituable par la technique quand nous serons demain près de 10 milliards de terriens, mais il demeurera à la base de notre place dans la société et de nos liens sociaux sous peine de basculer dans une socièté façon « le meilleur des mondes ».

J’ai entendu aujourd’hui dans le discours de Bercy : « Comme vous, je crois à l’effort, comme vous je crois au travail ». Et dans une phrase que je ne sais plus citer exactement, un salut sans réserve au rôle émancipateur du travail. Merci Benoit. Merci pour la petite fille dont tu as parlé et qui demain sera peut-être à ta place à Bercy, candidate comme toi à la Présidence de notre République ; merci pour les milliers de jeunes qui t’entouraient, merci pour tes parents (et en particulier ta maman, ce que toi seul comprendras..) qui ont travaillé, peiné, pour que tu sois ce que tu es. Merci tout court : mes grands parents et mes parents étaient, en tous points, semblables.

Et bravo pour tout ce discours. Pour ces accents de tribun, pour cet incroyable effort de concentration que suppose un tel exercice. Ne le négligeons jamais : ceux qui s’y appliquent n’ont pas « de la mémoire » mais de la volonté et une exceptionnelle capacité de travail. Toutes les cases susceptibles de rassembler la GAUCHE en lettres majuscules, celle que j’évoquais tout à l’heure, tu les as marquées et personne d’entre nous ne peut y être insensible. Oui, mon coeur a battu. Et c’est avec le coeur, mais aussi avec les mains de l’artisan, les pieds du marcheur et le réalisme du père de famille gérant un budget, que nous devons construire dans une Europe que, toi comme moi, nous aimons et à laquelle nous voulons appartenir pleinement.

 

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel