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Déclaration d’amour à la Garonne

J’utilise ce vocabulaire par dérision. Tant d’hommes politiques ont déclaré leur amour à leur ville pour n’avoir qu’une envie: la quitter. Je me souviens d’Alain Juppé décoré d’un T-shirt « Bordeaux à coeur », comme tous ses colistiers, pour quelques mois après remonter à Paris (est-ce vraiment « monter »?)  au contraire de ses promesses. Ce n’est pas le sujet.

La Garonne, ce long et lourd fleuve d’or brun qui traverse Bordeaux, après avoir fréquenté sa rivale Toulouse, donne tout son sens à notre ville. Son nom, bien que les historiens en discutent toujours, mais en tout cas son sens profond. Un homme de ma connaissance disait « la géographie l’emporte toujours sur l’histoire ». Ô combien il avait raison : non seulement elle l’emporte mais bien souvent en décide. Les Maires d’une ville qui méconnaissent cette règle trahissent leur territoire.

Bordeaux, sous une chaleur mauriacienne (personne, comme lui, n’a décrit la touffeur estivale de Bordeaux, et le mot était à moitié un alibi pour exprimer que le jeune Mauriac étouffait dans toutes les contraintes de cette ville, différentes de ce qu’elles étaient dans la description de « préséances » mais toujours réelles comme en témoignent bien des votes légitimistes de cette ville.

J’ai laissé dans le vide le début de ma phrase. Je n’en ai pas regret : c’est ce à quoi incite le cours d’un fleuve.

Bordeaux aujourd’hui ne respire qu’à cause de son fleuve. En bordure l’air file, rafraîchit les corps et élève les esprits. Sur le miroir d’eau, les enfants jouent et s’aspergent alors qu’ils grilleraient sur la pierre nue et leurs parents, en les quittant des yeux, ne peuvent résister au « fleuve impassible », son flegme apparent, ses courants qu’on devine et qu’il y a deux jours des nageurs ont affronté.

La Garonne, tantôt d’or comme le Tage, tantôt de bronze, mon fleuve élu, que tant de marins ont remonté ou descendu, que les navires n’ont jamais tout à fait quitté grâce à l’obstination de quelques-uns que je salue sans avoir besoin de les nommer.

L’un d’eux me dit souvent, une ville, un paysage sans fleuve, sans intimité avec l’eau, qu’il s’agisse d’une rive ou d’une voie, ne sont jamais tout à fait complets.

Une ville est par essence un port. Celui d’où l’on vient, auquel on aspire, que l’on quitte et que l’on retrouve, fût ce soir de sa vie.

 

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel