Visites ministérielles : à quoi elles servent vraiment
Un article de notre quotidien régional Sudouest m’interpelle. Il met en question les visites ministérielles soupçonnées de n’avoir pour objet que de démontrer qu’un ministre est actif. A moi maintenant de démontrer que ce n’est qu’une très, très faible part de leur raison d’être.
Essayons de mettre en ordre ce qui me vient au fur et à mesure de la réflexion :
– expliquer la politique du gouvernement et répondre aux interrogations de ceux que l’on rencontre ; montrer l’impact des décisions prises
– montrer que la politique n’est pas que des chiffres, des taux, des barèmes, des décisions fiscales ; pas non plus une suite de petites phrases plus ou moins vachardes à l’encontre de l’un ou de l’autre ; prouver qu’elle est au contraire en grand part faite de proximité et d’échanges
– se rendre compte sur place de ce qui va bien, valoriser des initiatives originales et éventuellement s’en inspirer pour les développer à l’échelon national ; inversement, identifier ce qui marche mal et comment l’éviter
– valoriser l’engagement des acteurs de terrain (considérable dans le champ qui est le mien)
– annoncer des engagements du gouvernement en direction des territoires (ex :financement de l’EHPAD du CHU avec ma réserve ministérielle) ; expliquer pourquoi ce choix et ce qu’on en attend
– incarner la politique dans son champ de compétence. Je me suis assignée d’incarner la politique de l’âge mais aussi d’en faire évoluer l’image ; cela ne peut être fait dans mon bureau.
Selon les déplacements, l’ordre de priorité de ces points (j’en oublie certainement) est différent. Les deux premiers sont toujours présents, ils constituent une sorte de fond sonore de chaque visite et de chaque rencontre.
Quel est le coût de ces déplacements ? Objectivement, il ne me paraît pas considérable, ne serait-ce que parce qu’ils mettent en œuvre principalement les services de l’Etat dont c’est la mission.
Le nœud de l’organisation est la liaison entre le cabinet du Préfet visité et le cabinet du Ministre. La complexité est très différente suivant qu’une seule structure est visitée ou qu’il s’agit d’une journée complète de déplacement (ce qui, hors Bordeaux, est toujours le cas pour moi). En ce cas il faut en effet articuler les objectifs, s’assurer de la mobilisation, de l’accord et le plus souvent de l’attente des acteurs locaux.
La sécurité des déplacements demande des moyens très différents selon les Ministres. Mais hors Ministre de l’intérieur et de la justice, je peux assurer qu’elle relève généralement du service minimum. Les Ministres « pleins » ont un officier de sécurité, les autres (dont moi) en ont bienheureusement été exemptés par François Hollande. Protocole et décorum sont le plus souvent aussi très réduits. Il est d’usage qu’un véhicule de la Préfecture, le Préfet ou un membre de son cabinet, accompagnent le Ministre. Pour la plupart d’entre nous, ni motards, ni véhicules de police. Rien de très coûteux, ni de très spectaculaire.
Restent la résidence sur place quand un déplacement dure plus d’une journée, ce qui est rare. Elle a lieu à la préfecture, dont l’ « hôtel préfectoral » est fait pour cela, et ne dégage pas de frais notables.
Dernier point : les transports. Tous les ministres disposent d’un abonnement SNCF annuel pour la France entière. Les transports en avion (de ligne pour tous) ont par contre un coût. Tous les ministres ont en sus un déplacement aller et retour par semaine sur leur territoire d’élection (celui où ils ont été élus).
Ce qui m’amène à évoquer mes visites ministérielles à Bordeaux. L’ump s’en émeut régulièrement et elle a raison. Comme dit précédemment, j’y explique notre politique et suis généralement assez favorablement entendue, j’amène sur notre territoire de belles réalisations bien accueillies des Bordelais : l’ump ne peut trouver à ma présence que des motifs de désagrément. Je m’en excuse auprès d’elle.
Elles ne coûtent rien, puisqu’elles ont lieu soit le vendredi après-midi, soit le samedi ou le lundi matin; que dans bien des cas mon service de sécurité est assuré par mon berger allemand dont la compétence en ce domaine est atavique. De motards, point, de quartiers bouclés comme au temps du précédent quinquennat, pas davantage.
En bref, après 6 mois d’éxercice et en moyenne un déplacement (hors Paris) par semaine, j’ai l’absolue conviction que les visites ministérielles sont un outil de proximité de l’action du gouvernement, une mise en cohérence de ce qui monte du terrain et de la décision politique et un moment où –je crois- ceux qui rencontrent le ou la Ministre peuvent mesurer et comprendre ce qui l’anime dans sa fonction.