Tuer, condamner, injurier, désigner au nom d’un Dieu
La moitié du monde aujourd’hui utilise la religion comme une arme ou comme un instrument politique. L’autre moitié du monde, celle qui ne le fait pas et met la laïcité à son fronton, doit revoir et approfondir cette laïcité, condition de liberté, qui est seule à pouvoir contrer le mésusage des religions.
Il n’y a malheureusement guère besoin d’illustrer l’usage de la religion comme une arme. Peu de jours où nous n’apprenions un massacre, un égorgement au nom d’un Dieu qui est pourtant de fait nié par ces agissements qui sont bien plus que des blasphèmes.
Les exemples d’instrumentalisation de la religion et de l’Eglise ne sont pas moins nombreux. Ils sont plus insidieux, en tout cas moins violents et plus sujets à caution. Un seul exemple, celui de Vladimir Poutine et de la Russie, magnifiant l’église orthodoxe russe pour flatter son identité russe. Peut-être aussi avec le vague souvenir du mot cruel de Marx « la religion est l’opium du peuple », ce qui n’est jamais sans quelque utilité dans un temps de difficultés économiques majeures et en face de l’abîme creusé entre quelques oligarques richissimes liés au pouvoir et l’ensemble des Russes.
Jusqu’à Bordeaux où la Russie cherche aujourd’hui à introduire une église orthodoxe russe à côté de la grecque et de la roumaine. Je ne sais ni combien d’orthodoxes vivent sur notre territoire, ni combien ont une origine russe mais le fait n’est pas anodin.
En face de cet usage de masse du « fait religieux », quelle est la bonne réaction ? Certainement pas dans une laïcité droite dans ses bottes, ignorant les cultes et leurs représentants et, en réalité, allant en sens contraire de l’esprit de la loi de 1905.
Non que je ne sois pas fondamentalement, irréductiblement laïque, et il m’arrive de m’interroger en voyannt François Hollande porter la Kippa, fût ce dans un moment de violence et de meurtre, où des Juifs avaient été agressés parce qu’ils étaient Juifs. Le général de Gaulle, profondément catholique, ne priait visiblement, ni ne faisait le signe de croix dans aucune des célébrations où il était présent en tant que Chef de l’Etat. Comme le protocole républicain, la laïcité a ses règles, ou plutôt les règles de la République et celles de la laïcité sont les mêmes : le chef de l’Etat en est l’incarnation.
C’était une parenthèse dans une réflexion qui n’est pas aboutie et qui est sans doute destinée à n’aboutir jamais tout à fait. Si nous voulons contribuer à ce que, dans notre pays, on ne puisse plus jamais tuer/agresser/injurier/désigner au nom d’un Dieu, il faut que la République mette tout en oeuvre pour faciliter le rapprochement entre les religions et, plus important peut être, pour que ce rapprochement devienne tangible à ceux pour qui le fanatisme l’intégrisme et les anathèmes tiennent lieu de culture religieuse.
On oublie trop souvent -ou on ne sait pas du tout- que toutes les grandes religions pratiquées dans notre pays se réclament du même Dieu (hors le bouddhisme qui n’est pas une religion mais un culte). Peut-on concevoir que si ce Dieu existe, il tolère et plus encore il commande aux uns de tuer les autres ? Raisonnement simple, que l’on peut juger simpliste, mais qui m’apparait comme une évidence. Allons plus loin, et je ne parle bien sûr que pour moi: les grandes religions m’apparaissent comme des langues différente, façonnées par l’histoire, les traditions, les croyances antérieures, les climats, exprimant une même VOIX.
Certains entendent cette voix, d’autres pas, pour des raisons que nous ne connaissons pas. Certains sont venus à la foi par ce qu’ils ont vécu comme une révélation (Blaise Pascal: « joie, pleurs de joie..) , d’autres par le raisonnement (Einstein: « Dieu ne joue pas aux dés »), sans doute de bien d’autres façons qu’il n’est pas mon objet d’analyser, ni même d’imaginer). Tout juste, je m’interroge sur la similitude/différence de Pascal et d’Einstein qui étaient tous les deux les deux à la pointe de la pensée scientifique de leur époque et cheminèrent de manière opposée). Mon objet est d’exprimer que la laïcité affirme la liberté et l’égalité en droits de « celui qui croyait en Dieu et celui qui n’y croyait pas » et doit dialoguer, sans exclusive, avec les deux.
La République a le devoir me semble-t-il de favoriser et de valoriser tout ce qui peut unir, faire prendre conscience, inclure. Les religions connaissent des cycles ou plus justement des temps et des évolutions. Les catholiques ne reviendront jamais au temps des croisades et de l’inquisition et ce sont des égarés qui s’enfoncent aujourd’hui dans un intégrisme crépusculaire. Point non plus, un pays européen ne révoquera de nouveau l’édit de Nantes et n’expulsera de son sol ni protestant, ni orthodoxe, ni juif, ni musulman. J’affirme cela comme un credo parce qu’autant qu’il est possible, j’en ai la certitude. Nous ne sommes pourtant pas passés loin et nous avons même vus de nos yeux vus, il y a 70 ans, pis que cela. Puisse nul fidèle de ces religions quitter, ou n’avoir besoin de quitter, notre Europe par crainte, par sentiment d’exclusion, au lieu de faire vivre eux aussi au quotidien cette laïcité protectrice qui nous réunit.
Comme tant d’autres, petits, moyens ou grands élus, citoyens de bonne volonté, j’ai le souhait de « faire ma part », à l’instar du petit colibri de Pierre Rabhi. Ce « post » sur mon blog, c’est un appel à réflexion, à discussion et à partage. Tous ensemble.