Mobilisation et solidarité exemplaires : et si on en parlait AUSSI ?
Le matériau de construction d’une maison de retraite, a fortiori d’une maison médicalisée (EHPAD), est avant tout ce drôle truc, au nom un peu ringard : la solidarité humaine. C’est bête, ça ne figure comme tel sur aucun étalage, dans aucune statistique, mais si cela vient à manquer, la maison de retraite se fissure, les mines y sont ternes, les résidents déprimés.
Vendredi dernier, en début de nuit, un incendie s’est déclaré à La Terrasse, en Isère, dans la chambre d’un résident qui ne sortait pas de son lit et ne fumait pas. La maison de retraite est nickel sur le plan de la sécurité. L’explication n’a pas été tout de suite trouvée, elle l’est aujourd’hui : un appareil électrique d’appoint a « grillé ».
Dans un temps remarquablement bref l’incendie a été circonscrit et au bout de 2 heures, le désenfumage était terminé. Pour autant, deux autres résidents sont morts du fait des fumées toxiques, et un quatrième, actuellement en réanimation, risque de décéder dans les heures à venir.
Au total, 3 morts (90, 96 et 100 ans). Les 80 autres résidents, tous choqués par cet événement violent, une équipe très secouée mais aussi très entourée par l’ensemble de la petite ville.
Et aussi, et c’est très remarquable, un drame qui a soulevé une mobilisation remarquable et rapide des services publics et des secours, un engagement non moins remarquable de toute l’équipe de la maison de retraite qui est spontanément revenue en hâte sur place, et une solidarité de l’ensemble des habitants qui considèrent tous cette maison comme centrale dans la vie locale.
Un exemple, un seul : un jeune homme s’est précipité pour sortir les résidents un à un et les transporter -le plus souvent dans les bras- vers la salle communale. Il allait et venait sans discontinuer, jusqu’aux chambres les plus proches du départ d’incendie encore très enfumées. Il s’occupait de tous mais a dit après : je cherchais mon grand-père, j’aurais voulu le sauver. Ce grand-père a malheureusement compté parmi les trois décès.
Les jeunes ont été nombreux comme lui, allant et venant jusqu’à ce que tous les résidents soient hors des murs. Inutile de préciser que dans cette maison où 80% des résidents sont en grande dépendance, très peu étaient capables de se mobiliser eux-mêmes, fût ce très faiblement.
Toute la nuit, les résidents évacués ont été accompagnés dans la maison communale ou régnait un calme pour les apaiser. Dès le lendemain matin, des places d’accueil se sont ouvertes, à l’hôpital où une unité entière a été ouverte et une équipe soignante mise en place. De même dans les EHPAD du voisinage qui se sont spontanément proposées.
Je passe sur tant d’autres petits actes qui m’ont montré, lors de ma visite, que tout avait été pensé, aménagé, réalisé pour que résidents et familles soient le moins possible choqués et gardent des séquelles de cet événement. Tout cela avec une grande connaissance des besoins et des problèmes de ces grands âgés.
Je veux saluer cette maison de retraite. Je pense chaque jour davantage que les maisons de retraite sont un baromètre remarquable de la santé sociale d’un territoire. Celle-ci me parait exemplaire dans ce qui m’a été dit par les élus, les familles, le voisinage plus que par ce que j’ai constaté. Elle est située au coeur de la ville, elle est ouverte sur la vie locale, sans barrières, et ressemble à une résidence comme toute autre résidence contemporaine. Les familles y sont très présentes, participant à l’animation jusqu’à remplacer l’animatrice pendant ses congés, la culture -je dis bien, la culture- y a sa place. Son directeur est considéré comme « référentiel » par le Conseil Général. S’il y avait une médaille des maisons de retraite, je la lui attribuerais pour son attitude pendant -et j’en suis sûre après- ce drame.
Je vais me faire taxer de « bisounours ». Mais j’ai la ferme intention de dire et de dire encore quand quelque chose fonctionne, réconforte, aide à croire et à espérer. Hier à La Terrasse, c’est exactement cela que nous avons trouvé.