Il faut aimer la politique (IV)
Anne Frank, cachée dans son grenier, disait « je ne me console pas en pensant qu’il y en a de plus malheureux mais en pensant qu’en ce moment d’autres se promènent au soleil main dans la main »
La citation n’est pas exacte, seule l’idée l’est et, à peu près à son age, lisant son « journal », cela m’avait paru une leçon remarquable.
La politique n’est pas toujours aimable, elle est régulièrement et à l’excès qualifiée de « dure », si on allait voir du côté de ses plus beaux moments ?
Lors de ma première participation à l’Université d’été du PS (2002, 2003 ?..) les médias bruissaient d’une seule question « Jospin y apparaitra-t-il ? » Nul autre sujet n’affleurait et des multiples ateliers de ces Universités, pas un mot.
C’était ma première Université, j’avais fait le choix d’être studieuse. Juste arrivée à la politique et sur la pointe des pids, j’avais beaucoup à apprendre sur beaucoup de sujets. Logement, travail, système de retraite, sécurité sociale, prise en charge du grand âge, mon choix était plutôt basique c’est à dire centré sur les fondamentaux de notre fonctionnement politique.
Les ateliers étaient inégaux, nul n’était sans intérêt pour la néophyte assumée que j’étais. Le dernier, où j’allais assez innocemment, concernait le grand âge et la récente loi instituant l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA). La Ministre Paulette Guinchard qui avait porté cette loi menait cet atelier. Paulette a mon âge, un accent du Doubs qui rend sa parole inimitable et une manière franche et directe de parler qui ouvre tout de suite le cœur et les oreilles.
La question de l’APA, le pourquoi, le comment, est très technique : Paulette expliquait précisément et pourtant de manière inspirée et charnelle. Elle mettait jusque dans les taux du ticket modérateur une réalité que l’on pouvait croire vécue tant elle y était visiblement investie. Le public faisait plus que participer : il partageait.
Paulette n’a pas changé. Elle est aujourd’hui Présidente de la Caisse Nationale pour la Solidarité et l’Autonomie, poste qu’elle a accepté à ma demande alors qu’elle avait décidé de se retirer de l’action publique. Elle sait à la fois parler du déambulateur de sa mère et du regain d’activité qu’il lui a permis et élever le débat sur la nécessite d’une société qui ne s’occuperait pas en priorité du plus fort et du plus rapide mais de celui qui fait l’expérience de la vulnérabilité.
L’âge, et bientôt le grand âge, constituent l’expérience la plus universelle de cette vulnérabilité. Paulette l’a vécue au travers de son ministère, puis au travers de la maladie qui l’a décidée à renoncer aux mandats électifs. Mais à l’évidence, en l’écoutant pour la première fois parler à la Rochelle, elle n’avait pas eu besoin de cette expérience que je qualifierais de charnelle, pour la connaître intrinsèquement.
Paulette incarnait le sujet qu’elle portait. Elle n’a été Ministre des personnes âgés un peu plus d’un an (2001) et pourtant elle demeure la Ministre de référence et a été consacrée comme la plus marquante des titulaires de ce portefeuille par un sondage réalisé par une revue de professionnels.
Paulette est incontestable. Elus de droite, de gauche ou du milieu, tous en conservent la marque et m’en ont donné témoignage. Le milieu professionnel, 10 ans après l’APA, fait référence à elle et sa venue à la CNSA a été considérée par les professionnels comme « le plus beau cadeau qu’on pouvait faire à cette institution ». La formule ne s’invente pas. Peu de politiques sans doute ont eu le privilège d’être considérés comme un cadeau.
Paulette n’est pas seule de cette espèce de « belles personnes ». Dans le champ politique comme hors de lui, mais pourtant je ne m’essaierais pas à dresser une liste. Une suffit : il faut assurément aimer la politique.