Des deux questions issues de mon patrimoine auvergnat « Combien ça coûte et à quoi ça sert ? », ne nous a été posée ce vendredi 2 décembre, lors du dernier Conseil de Métropole à Bordeaux, que la première : « Combien ça coûte et à qui ? »
Question importante dans les temps difficiles que nous vivons, mais qui, détachée de la seconde, n’est que pingritude et défense d’intérêts locaux. « A quoi ça sert ? », ou plutôt « à quoi ça doit servir, une Métropole ? », personne n’a seulement abordé le sujet.
Il y a la réponse décalquée du « combien ça coûte ? » qui est : « ça sert à coûter moins cher ». Par la mutualisation (et au passage la réduction) des services et des équipements, ça sert à faire payer à l’ensemble des habitants de la métropole, des équipements répartis plus ou moins équitablement sur l’ensemble du territoire métropolitain. Par derrière, se dessine une autre question : est-il bien raisonnable de faire payer aux habitants de Cenon (1300 euros de niveau de vie moyen) les équipements (en l’occurrence le Grand Stade) que Bordeaux, la ville la plus riche (1750 euros de niveau de vie moyen), a eu l’imprudence de décider pour des raisons de prestige ?
Notre réponse a été « non », ce n’est pas raisonnable, d’autant que le transfert du Grand Stade à la Métropole s’est fait en calculant avantageusement pour notre ville, la compensation des coûts qui allaient avec, comme l’a démontré le grand argentier de notre groupe, Matthieu Rouveyre. La culpabilité en revient au fait que le Président de la Métropole est aussi Maire de Bordeaux, et que les élus métropolitains sont désignés au prorata des majorités dans chaque ville mais non au suffrage universel.
Mais je veux aller plus loin, ce que j’illustrerai d’un autre exemple parmi ces transferts. Pour moi, la finalité d’une Métropole est de répartir les équipements de prestige, susceptibles de mobiliser autour d’eux fierté et dynamique positive, entre les différents quartiers et communes de son territoire et de réduire ainsi les fractures entre communes pauvres et riches, comme entre quartiers défavorisés et quartiers nantis. Qui a seulement pensé à évoquer cette question, seule capable d’éviter ghettoïsation et révoltes des laissés-pour-compte ?
C’est ce qu’avait fait Jacques Chaban Delmas en installant dans un quartier à plus de 80% d’habitat social (le Grand Parc), une piscine olympique ouverte aux compétitions internationales. Cette piscine qui a vu la victoire du Bordelais Jean Boiteux aux championnats du monde de 1952, était l’emblème de ce quartier. Sur la célèbre place Tourny, au coeur de Bordeaux, un panneau a indiqué pendant des décennies « Quartier du Grand Parc » et au dessous « Piscine olympique ». Il chauffait le coeur de tous les habitants du nord de Bordeaux.
Qu’a fait le Maire suivant, Alain Juppé, après 15 ans de mandat où cette piscine est demeurée fermée ? Il a réduit de près de 55% la surface de baignade ! Adieu trophées, adieu articles de presse à l’occasion de chaque compétition : la Grand Parc a perdu son identité sportive et une part importante de son attractivité pour les Bordelais qui allaient y nager.
Cette monumentale erreur n’a pas empêché de justifier à grand renfort de paroles verbales lors du Conseil du 2 décembre, l’intérêt d’un équipement olympique dans la métropole. Ce qui est totalement légitime, mais justement, nous l’avions ! Que n’a -t- on conservé celui qui existait et qui était situé précisément dans un vaste quartier où il drainait à la fois énergies locales et fierté, et où il était moniteur de mixité sociale !
Le futur nouveau « stade nautique » à dimension olympique, aujourd’hui purement sur papier, sera situé à Mérignac, ville dynamique qui en rien ne démérite pour qu’y soit localisé ce flambeau du sport métropolitain. Mais quelle faute historique, sociale et financière, de n’avoir conservé en 2007, comme cela était parfaitement possible au prix d’une réhabilitation beaucoup moins coûteuse qu’une création et surtout socialement beaucoup plus utile, la dimension olympique et donc métropolitaine du quartier du Grand Parc ?
Réfléchissons au sens des Métropoles, ces territoires favorisés en eux-mêmes : l’enjeu décisif est pour elles un enjeu d’équilibre entre les territoires qui les composent, tournant radicalement le dos aux ghettoïsations des quartiers à population fragile en y implantant des équipements de prestige autour desquels ils puissent trouver une identité nouvelle.