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« Morne plaine »

Ce qui m’interroge et qui m’inquiète, c’est que dans les difficultés que nous traversons et que lui-même traverse, Emmanuel Macron ne trouve pas de voix fortes pour le soutenir. Ni en France, ni ce qui est plus grave encore, en Europe.

Où sont les Maréchaux de ce jeune général, prêts à monter au feu et à s’exposer ? Aucun fougueux bretteur sur les plateaux de télé ou dans les colonnes des journaux. Les plus inspirés le sont par la prudence (du genre « si Macron échoue, qui ? » *), Il y a de quoi inquiéter.

La classe politique, les intellectuels, sont-ils si dévitalisés qu’on n’en trouve aucun pour prendre des risques, ne serait-ce que celui de se tromper ? Qui pour aller au delà des habituels éléments de langage parmi ses troupes ? Qui pour fendre l’armure du minimum convenu ?

Cette interrogation vaut pour les leaders européens. En Allemagne, quelques voix ont appelé à la clémence sur le respect des critères de Maastricht au regard des françaises, mais d’appui véritable, point. L’Europe qui m’est chère et pour laquelle je m’engagerai toujours, est aujourd’hui tout sauf solidaire alors que c’est cela qui la rendrait attrayante.

J’écoute, j’entends, je lis.. Les éditorialistes eux-mêmes « voient venir ». « Morne plaine », dirait Hugo qui, lui, a pris le risque de la relégation. La postérité se mérite.

*la formule est d’Alain Juppé et a fait la Une du journal SudOuest.fr

La politique est devenue un happening permanent

Est-il besoin de revenir sur l’auto-promotion de Jean-Luc Mélenchon se filmant en train de molester le procureur et les policiers venus perquisitionner son local ? C’est hier un député italien, élu de « la Ligue », qui a écrasé de sa chaussure les papiers de Pierre Moscovici pour protester contre le rejet du budget italien par la commission européenne. Même mise en scène spectaculaire dans les deux cas, même assurance de voir les images faire le tour des médias pendant plusieurs jours.

Le deuxième exemple démontre l’atmosphère délétère de l’Assemblée européenne et de l’Europe elle-même. Ses pères fondateurs en frémiraient, comme en frémissent tous ceux qui croient à cette grande idée devenue notre meilleure assurance-vie pour exister entre les blocs continentaux qui mènent le monde.

Les deux scènes, démontrent aussi l’avidité des médias, traditionnels et sociaux à relayer ces scènes de violence. J’ai envie de dire « on a les médias que l’on mérite » mais ce n’est qu’à moitié juste, car les médias façonnent nos attentes autant qu’ils y répondent.

Mais la plus grande responsabilité est celle des politiques eux-mêmes, qui à la fois bafouent les mandats qui leur ont été confiés et font semblant de méconnaitre le risque de contagion qu’ils induisent.

Dans tout cela, nous sommes nombreux à nous sentir mal.

Humour et politique

Quelle différence révélatrice entre deux personnalités saisies dans des circonstances identiques, en l’occurrence Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ! Le premier, fendant une foule, reçoit un tonitruant « connard ! » en pleine figure : il s’avance vers le malotru, lui tend la main, en disant simplement : « Moi, c’est Chirac ! », mettant pour toujours les rieurs de son côté.

Le second en face du même grincheux, lui lance un « casse toi, pov’ con! » qui le suivra tout au long de sa vie politique et ne plaidera ni pour son caractère, ni pour la grandeur de la fonction présidentielle.

Cette double anecdote dit bien ce que peut être le rôle de l’humour en politique. Un trait d’esprit spontané peut renverser une situation ou illuminer un discours. Encore faut-il qu’il soit justement naturel et en accord avec la personnalité et non le fruit des propositions d’un « gag man » lors de la préparation des célèbres débats médiatiques où presque tout est calculé.

Voilà, ce dont il était question ce 8 février, lors des rencontres de sciences po Bordeaux, devant un parterre bien garni d’élèves mais aussi d’un public curieux de ce ménage à risque entre plaisanterie et politique. François Hollande, dont une partie du charme de premier secrétaire du Parti Socialiste puis de candidat, tenait à ses bons mots, capables d’établir un lien avec les plus récalcitrants, a souffert dans sa fonction présidentielle de l’aura qu’il s’était faite de « Monsieur petite blague ». Personne n’attend d’un personnage en haute responsabilité qu’il plaisante à toute occasion. L’actuel conseiller politique du Premier Ministre, Gilles Boyer, a ainsi donné l’exemple d’André Santini, célèbre pour son esprit ravageur, dont on finissait pas ne plus jamais attendre une prise de position réfléchie ou des décisions fermement posées.

Mais qu’en est-il des femmes politiques ? Seule représentante sur la scène de cette honorable espèce, je crois pouvoir témoigner qu’elles sont plus que les hommes encore en délicatesse avec ce talent particulier qu’est l’humour. Les hommes politiques considèrent volontiers qu’il s’agit d’un domaine qui leur est réservé et on les gausse plus aisément qu’un homme dans le même exercice. Ségolène Royal avait été beaucoup moquée en affirmant « que celui qui se tient en haut de la muraille de Chine acquiert la bravitude ». Le même mot dans la bouche d’Emmanuel Macron aurait été considéré comme une recherche de langage, témoignant d’une grande culture et d’une fine connaissance à la fois de la négritude d’Aimé Césaire et de l’importance des suffixes dans la juste construction des mots.

Peu de femmes en effet, sinon pas, se sont illustrées par leur humour. Roselyne Bachelot fait partiellement exception par sa jovialité et son goût pour des histoires -quelquefois un peu lestes- sur le monde politique. Christiane Taubira, notre meilleure tribun, a le goût du lyrisme, de la poésie et de la culture, elle ne manie pas l’humour. Je ne dirai rien de Michèle Alliot Marie, Martine Aubry ou Angela Merkel qu’on n’a jamais vu ni rire, ni faire rire…

Faut-il pour autant s’en priver ? Je ne le crois pas : l’humour fait trop de bien à celui (celle)-là même qui le manie, lui permet une respiration, une prise de distance et une dérision quelquefois salvatrice. Question qui m’a été posée : peut-on faire avancer un message politique par l’humour ?

Eh bien, j’ai essayé. Par deux fois, voire un peu plus. La première pour obtenir que mon Ministère ne conserve pas le nom de « Ministère des personnes âgées et de la dépendance » qui me semblait assez peu attrayant, voire sexy. Je me suis adressée (très respectueusement) à Jean Marc Ayrault en lui demandant s’il imposerait à Marisol Touraine le nom de « Ministre de la Maladie » et à Michel Sapin celui de « Ministre du chômage » au lieu de Ministre du travail. Le sourire l’a emporté et je suis devenue « Ministre des personnes âgées et de l’Autonomie ».

Deuxième message, porté de manière au moins partiellement réussie. Comme Ministre encore, je voulais à tout prix sortir le sujet de l’âge du compassionnel (« nos » anciens…) et montrer que les âgés n’étaient plus ceux d’il y a cinquante ans, ne serait-ce que parce qu’arrivaient dans le champ de l’âge, les ex-baby boomers, lesquels avaient depuis mai 68 acquis une culture d’émancipation et une farouche volonté d’autonomie. Nous avons fait un colloque au ministères sur le sujet … et nous avions pris le risque de l’intituler « Sous les pavés, l’EHPAD » .  Quatre mots, qui ont frappé et que je vois encore repris, pour dire une réalité qui est presque une révolution..

 

Ayons du panache !

Extrait des  « Conseils aux élèves du collège Stanislas », par Edmond Rostand, et spéciale dédicace à Stephane le Foll qui vient de déclarer « Le renouveau, c’est le panache ». Je ne sais s’il pensait au Parti Socialiste, ou plus généralement à la Politique. Mais je confirme : les nécessiteux, en la matière, sont nombreux.

 

L’Idéal est fidèle autant que l’Atlantique ;

Il fuit pour revenir, – et voici le reflux !

Qu’une grande jeunesse ardente et poétique

Se lève ! On eut l’esprit critique ;

Ayez quelque chose de plus !

 

Ayez une âme ; ayez de l’âme ; on en réclame !

De mornes jeunes gens aux grimaces de vieux

Se sont, après un temps de veulerie infâme,

Aperçus que, n’avoir pas d’âme,

C’est horriblement ennuyeux.

 

Balayer cet ennui, ce sera votre tâche.

Empanachez-vous donc ; ne soyez pas émus

Si la blague moderne avec son rire lâche

Vient vous dire que le panache

À cette heure n’existe plus !

 

Il est vrai qu’il va mal avec notre costume,

Que, devant la laideur des chapeaux londoniens,

Le panache indigné s’est enfui dans la brume,

En laissant sa dernière plume

Au casoar des saint-cyriens.

 

Il a fui. Mais malgré les rires pleins de baves

Qui de toute beauté furent les assassins,

Le panache est toujours, pour les yeux clairs et graves,

Aussi distinct au front des braves

Que l’auréole au front des saints.

 

Sa forme a pu céder, mais son âme s’entête !

Le panache ! et pourquoi n’existerait-il plus ?

Le front bas, quelquefois, on doute, on s’inquiète…

Mais on n’a qu’à lever la tête :

On le sent qui pousse dessus !

 

Une brise d’orgueil le soulève et l’entoure.

Il prolonge en frissons chaque sursaut de cœur.

On l’a dès que d’un but superbe on s’enamoure,

Car il s’ajoute à la bravoure

Comme à la jeunesse sa fleur.

 

Et c’est pourquoi je vous demande du panache !

Cambrez-vous. Poitrinez. Marchez. Marquez le pas.

Tout ce que vous pensez, soyez fiers qu’on le sache,

Et retroussez votre moustache,

Même si vous n’en avez pas !

 

Ne connaissez jamais la peur d’être risibles ;

On peut faire sonner le talon des aïeux

Même sur des trottoirs modernes et paisibles,

Et les éperons invisibles

Sont ceux-là qui tintent le mieux !

 

3 mars 1898.

#DirectAN

Dans la salle des 4 colonnes, une journalistes de @LCP m’intercepte. A son air sérieux et au crédit de cette chaîne, je m’arrête. A brûle pourpoint, tendant son micro, elle demande :

-Croyez vous au Progrès ?

A son intonation, je comprends qu’elle met au mot un P majuscule. C’est le Progrès, le grand, le vrai, celui qui a fait couler beaucoup d’encre et étanché beaucoup de discours qui est en cause. Je regarde autour de moi ce beau décor chargé d’histoire, je « regarde » -si l’on peut dire- les moments que nous vivons.

-A vrai dire… Au Progrès, sans doute pas. Mais au fait que la volonté d’un homme ou d’un groupe peut faire progresser un domaine, soit dans la connaissance, soit dans la réalisation concrète d’une idée, oui, sans doute oui, j’y crois.

L’imminence de notre réunion de groupe m’oblige à ne pas aller plus loin. C’est à sa sortie que j’écris ces quelques lignes. Je crois au progrès quand il relève de la détermination et de l’obstination, comme je crois en l’optimisme de la volonté.

Ca tombe bien : obstination, courage, volonté, on en a aujourd’hui sacrément besoin. Mais quant au Progrès de la nature humaine,  si j’y ai jamais cru, je n’y crois plus guère.

#directAN veut dire, les amis de twitter le savent « petite brève en direct de l’Assemblée nationale »

 

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel