« Arrêter les conneries »
En face d’une droite qui soit ne dit rien (Juppé), soit force le trait (Sarkozy, Wauquiez..), pas question de dire « gauche et droite, c’est du pareil au même ». Moins encore question de le penser, ni de le souhaiter.
La vie politique a besoin de clarté, les politiciens d’identité et je ne m’inscris pas davantage dans le « ni gauche, ni droite ». Pour autant, j’affirme que nous ne sauverons notre pays d’un irrelevable déclin qu’en sortant du manichéisme outrancier qui décrédibilise nos positions et les transforme en postures de comédie.
Quel modèle alors ? Ce n’est d’ailleurs pas un modèle car il n’est pas reproductible à l’identique en France. Mais c’est une matrice, c’est à dire un schéma où nous pourrions nous inscrire. Je ne doute pas d’ailleurs que François Hollande y pense et que, s’il faisait un deuxième mandat, se sentant plus libre, il imagine de le tenter.
Cette « matrice », c’est la grande coalition allemande. Chaque parti garde son identité, mais les partis au Gouvernement tirent dans le même sens. Le Parti Social-démocrate allemand (SPD) ne s’est pas déconsidéré en signant un contrat de Gouvernement où il apportait notamment le salaire minimum et la prise en charge de la perte de l’autonomie à hauteur de 6 milliards d’euros. Ceci est fait et porté à son crédit. Les dernières élections allemandes dans 3 Länder, ont montré une progression de l’extrême droite (majeure en Saxe-Anhalt avec 24 % pour l’AFD), mais dans les deux autres dont l’énorme Bade-Wurttemberg, c’est bien la gauche (le Ministre Président est un vert) qui est demeurée maîtresse du jeu. En Rhénanie Palatinat, la Ministre Présidente est bien SPD.
Qui a été le meilleur soutien de la chancelière pour l’accueil des réfugiés ? La gauche, et elle y a gagné en honneur. En France, nous sommes parvenus à un point tel que si le Gouvernement avait décidé un accueil de réfugiés plus large, l’ex-ump l’aurait voué aux gémonies pour aspirer les électeurs FN. Si elle n’en avait accueilli aucun, même chose : elle aurait été contre, systématiquement contre, automatiquement contre. La politique est devenue pavlovienne : la droite est contre la gauche, la gauche de la gauche contre la gauche, et la droite de la droite contre tout le monde , reprenant en cela le poncif pourtant bien usé de la lutte contre le « système ».
Il est temps « d’arrêter les conneries », selon la vigoureuse expression de Daniel Cohn-Bendit (titre de son dernier livre), temps d’être honnête, temps de dire que l’important c’est que ça marche et que l’objectif l’emporte sur les positionnements ; l’important est que nous soyons enfin capables d’expliquer avant d’appliquer, et de comprendre avant de condamner. La loi travail montre, de part et d’autre, que nous en sommes bien loin.
Y’a du boulot aussi pour que chacun comprenne qu’au point où nous sommes, hors les plus faibles revenus et les plus faibles tout court, c’est chaque Français qui est appelé à faire mieux avec moins. Chaque Français, chaque groupe, chaque profession.
Nous sommes tous dans le même bateau et s’il faut condamner rudement ceux qui s’en exonèrent (évadés fiscaux et autres catégories), nous ne devons pas nous en exonérer parce qu’ils sont condamnables. Les Français, c’est nous, pas eux, et nous ne retrouverons l’estime de soi sans l’estime de nous.