« Canicule », la petite chienne qui n’a pas aboyé assez fort
Qu’ils fassent les beaux, les solides, les toujours autonomes, comme la société leur impose de plus en plus, les grands âgés sont fragiles. Il y a quinze ans, une « canicule » de quinze jours a été responsable de 15 000 morts. L’engorgement des services d’urgence puis des entreprises funéraires, le départ d’un Ministre, ont été à l’origine d’une prise de conscience de ces invisibles , trop souvent oubliés dans les villes comme dans ce que l’on appelait encore les « maisons de retraite ».
Aujourd’hui, on en parle bien davantage mais a-t-on vraiment changé la direction de notre regard et l’attention que l’on porte concrêtement à ces grands âgés isolés qui trop souvent deviennent des morts en solitude ?
Les EHPAD ont désormais tous une « pièces rafraichie ». Le personnel s’active pour faire boire ceux qui n’ont plus soif, mais dans les villes, les « tout seuls » du 5èmeétage, les abandonnés auxquels les petits enfants ne donnent signe qu’au moment des étrennes, ont-ils vraiment disparu ?
Bien sûr que non . J’avais dans ma rue deux « vieux » vraiment vieux. L’une au rez-de-chaussée, à qui je parlais au travers de ses contrevents toujours entr’ouverts, l’autre au 3èmeétage avec qui j’ai fait conversation tout le temps qu’il a pu sortir. Les contrevents de l’une se sont à tout jamais fermés, et la maison de l’autre a été vendue et découpée en appartements « de standing ». Je n’ai jamais pénétré assez dans leur solitude dernière, je n’en ai rien su et je n’y ai apporté qu’un réconfort de quelques minutes de temps en temps..
La Mobilisation Nationale contre l’isolement des âgés (Monalisa) a fait beaucoup contre l’isolement de ces grands âgés fragiles, toujours à risque de mourir comme l’ont fait leurs semblables en 2003 ; Mais pas assez, toujours pas assez. Plusieurs associations ou institutions ont émietté le caractère de priorité nationale de cette mobilisation. Retrouvons-en le sens et l’urgence.
La « canicule », étoile la plus brillante de la constellation du chien, n’a toujours pas aboyé assez fort. Familles dispersées ou séparées, liens de voisinage stérilisés par la vie urbaine, simplicité des contacts oubliée, force d’un simple bonjour disparue … La canicule est comme un rappel : du 22 juillet au 23 aout, « le soleil se lève aussi », mais, dans l’aimable brouhaha des vacances, la mort se lève bien souvent avec lui ..
Répondre