Herbe à nigauds, herbe à Nicot (2*)
Un point réunit le tabac et le cannabis : l’échec relatif pour l’un, total pour l’autre des politiques appliquées qui fait de la France dans les deux cas le mauvais élève de l’Europe..
Un Français sur trois est fumeur, les femmes presque totalement épargnées jusqu’aux années quatre-vingt comptent aujourd’hui pour l’essentiel dans l’augmentation des cancers dus au tabac et c’est au total 73000 personnes* qui meurent chaque année du tabac. Le cancer pulmonaire de la femme est, de tous les cancers, celui dont la fréquents augmente le plus. Il tue aujourd’hui plus de femmes que le cancer du sein, pourtant beaucoup plus fréquent chez elles.
On n’est pas en mal non plus de chiffres inquiétants à propos du cannabis. Le nombre de personnes en ayant consommé dans l’année est de 8,64 % (population de 15 à 64 ans). Cette prévalence est une des plus élevées d’Europe et ce sont chaque jour 550 000 individus qui fument quotidiennement des joints. Les jeunes sont les premiers concernés par l’augmentation de la consommation et là est le drame.
Le cannabis n’est pas pour autant le « serial killer » qu’est le tabac et si les jeunes en étaient totalement épargnés, on pourrait le considérer comme modérément dangereux. Hélas consommé dès l’adolescence il réduit de 8 points le quotient intellectuel et est responsable de lésions cérébrales anatomiques et physiologiques en détruisant les transporteurs de dopamine. Les fumeurs précoces puis réguliers sont significativement atteints dans leur vie sociale et professionnelle.
Les deux produits sont addictogènes : loin devant, le tabac dont on considère qu’il dépasse l’héroïne pour le risque d’addiction (Inserm). Le cannabis compte pour un risque 6 fois moins important mais le problème est bien souvent plus complexe car addictions et risques sont souvent intriqués (qui fume l’un, fume souvent l’autre). C’est au sommet le cas pour l’association cannabis et alcool (sous la forme du « binge drinking »), dévastatrice pour les jeunes cerveaux.
Tout cela est connu de plus ou moins longue date mais n’est en aucun cas une révélation. Pour autant, nos politiques demeurent frileuses, incables de remises en questions comme d’initiatives d’envergure. Une étude récente du groupe Terra Nova, venant à la suite du rapport Vaillant auquel je m’étais associée lors de la précédente législature, analyse les bénéfices et les effets de 3 scénarios faisant évoluer notre législation d’interdiction/ répression du cannabis. Ces 3 scénarios sont les suivants : dépénalisation de l’usage du cannabis, légalisation avec monopole public , légalisation concurrentielle. Dans les 3 cas, le nombre d’usagers quotidiens augmente, mais les dépenses publiques liées à l’arsenal répressif diminuent et en cas de monopole d’Etat, permettant une augmentation du prix elle même génératrice de fléchissement de la consommation, génèrent un bénéfice global pour l’Etat de 2 milliards. La question a été au moins posée.
En ce qui concerne le tabac, nous nous sommes privés à l’Assemblée en 2014 de l’arme majeure de diminution de la consommation en premier lieu chez les jeunes : l’augmentation du prix. Seul, le « paquet neutre » a été accepté par le Président de la République et votée. Celle ciest gelée pour deux ans. Heureusement, la ministre Agnes Buzyn, préalablement directrice de l’Institut National du Cancer a fixé l’objectif du paquet à 10 euros, que j’avais proposé à répétition à l’Assemblée et en tant que Présidente de l’Alliance contre le tabac.es chiffres de la consommation dans la population (prévalence) augmentent et on continue comme avant ou presque.
Pour le cannabis, c’est le risque politique qui freine toute avancée. Plusieurs personnalités (Duflot, Peillon…) en ont déjà fait les frais en recevant les foudres d’une partie de l’opinion en se limitant pourtant à s’interroger sur l’inefficacité de l’attitude actuelle.
Une politique européenne dans les deux cas permettrait d’avancer. Mais qui pour la porter ? Je plaide à répétition pour l’établissement d’un prix minimum européen de vente du tabac, ce qui diminuerait de beaucoup la contrebande. Ce petit pas serait un grand pas en terme de santé et de sécurité publique. publique etCelui-là pourtant marquerait l’histoire de ce petit continent et lui donnerait du sens.
Si la question, une sorte de « choix de Sophie » politique, vous était posée : « aujourd’hui, si aucun des deux produits n’était en vente légale, lequel légaliseriez vous ? » (Ma réponse dans un billet ultérieur)**
*un billet antérieur de 2014, paru sous le meme titre fait état de la situation à cette date. Seule l’augmentation du prix du tabac a marqué un progrès et obtenu une diminution de consommation, hélàs mise à mal dans la période de confinement.
** 79000 morts par an selon les chiffres réactualisés
** J’ai à plusieurs reprises depuis ce billet, pris position pour un assouplissement majeur de l’usage du cannabis thérapeutique . Il figurait dans mes propositions à l’occasion des législatives 2017
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