Interview : « La dépendance aurait dû s’inscrire dans la réforme des retraites »
»L’Expansion, le 20 juillet 2010
Propos recueillis par Emilie Lévêque »
La députée socialiste Michèle Delaunay, membre de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée, le PS aurait pu accepter un recul de l’âge légal de départ à la retraite s’il avait été question de financer la perte d’autonomie des personnes âgées.
Le rapport de la mission d’information de l’Assemblée sur la dépendance, dont vous avez été membre, ne mentionne en aucun cas la création d’une branche « cinquième risque » de la sécurité sociale, qui était pourtant un des engagements de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle…
Effectivement, la mission enterre la création d’une branche « cinquième risque », c’est-à-dire le principe de la prise en charge de la dépendante et de la perte d’autonomie des personnes âgées par la solidarité nationale. C’est une grande déception. A la place, le rapport préconise la souscription obligatoire d’une assurance privée ! C’est d’autant plus aberrant que la perte d’autonomie est un risque difficilement calculable, ce qui conduira soit à surpayer l’assurance, soit à la sous-payer. En outre, la perte d’autonomie est une pathologie: au nom de quoi ne serait-elle pas prise en charge par la Sécurité sociale comme les autres maladies ?
La non création d’une cinquième branche ne se justifie-t-elle pas dans un contexte de déficit de la sécurité sociale (près de 30 milliards d’euros en 2010)?
N’exagérons pas : le financement de la dépendance, c’est 15 à 20 milliards d’euros par an. On est loin des besoins de financement des retraites, à titre de comparaison. Et il était entendu pour le groupe PS que la création de cette branche se serait faite en contrepartie d’une augmentation des recettes de la sécurité sociale, via l’augmentation de la CSG.
Justement, la mission sur la dépendance préconise d’augmenter le taux de la CSG sur les pensions de retraite les plus élevées. Y êtes-vous favorable?
Oui, je ne trouve pas choquant que les retraités valides manifestent une solidarité avec les non valides, ceux qui touchent l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Les députés examinent en commission des Affaires sociales le projet de réforme des retraites, qui sera débattu dans l’hémicycle à la rentrée. La réforme de la dépendance lui sera ultérieure. N’aurait-il pas fallu examiner ces deux sujets de société, qui sont liés, dans un même projet de réforme ?
Je suis, à titre personnel, d’accord avec cette analyse. La solidarité entre retraités et la solidarité intergénérationnelle sont des enjeux qui répondent au même débat de société, à savoir la réciprocité. J’aurais aimé qu’il y ait un lien entre les deux réformes. Par exemple, les Finlandais ont consenti à un recul de l’âge légal de départ à la retraite en contrepartie d’un plan de prise en charge de la perte d’autonomie. Si le gouvernement avait proposé un tel plan, peut être que le PS aurait été moins opposé au recul de l’âge légal.
Pensez-vous que le rapport de la mission de l’Assemblée sur la dépendance préfigure le futur projet de loi ?
Oui, car je ne pense pas que ce rapport va inspirer le gouvernement mais plutôt que le rapport est inspiré par les souhaits du gouvernement.
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