« La seconde mort de la peine de mort » (3)
Sous ce titre qui, au premier abord a l’air plutôt sinistre et que j’emprunte au journal « Le Monde », des nouvelles que l’on peut considérer comme assez favorables. Ce n’est pas, par les temps qui courent, denrée si abondante que l’on doive s’en priver !
Premier élément, à la fois secondaire et significatif, Jacques Chirac veut que l’on porte au crédit de ses maigres mandats l’inscription de l’abolition dans le marbre constitutionnel. Au passage, saluons la belle carrière de l’expression « graver dans le marbre » que l’on entend sur toutes les ondes depuis le débat constitutionnel européen. Les graveurs de marbre, résignés à ne plus graver depuis longtemps que le nom des défunts et leurs dates doivent se réjouir …
C’était une digression, ne m’en veuillez pas. Je suis très, et sans doute trop, sensible aux évolutions de la langue, à tout ce qu’elle livre d’inconscient à la fois pour les personnes et pour les sociétés ; je ne résiste pas toujours à les noter.
Je reviens à mon sujet : Jacques Chirac ne désirerait pas graver cette inscription dans le texte de la constitution si l’opinion publique n’avait pas évolué. Et c’est ça la bonne nouvelle : l’évolution des mentalités. Soyons prudents : il suffirait d’un crime atroce pour que l’opinion se retourne. Mais actuellement, et au contraire de la période où Badinter a plaidé et où Mitterrand a décidé, la prise de conscience du caractère indigne de la peine de mort l’a emporté sur les réflexes émotionnels ou (faussement) sécuritaires.
Signalons en douce, pour le plaisir (c’est pas vraiment le mot) qu’en 1981, Jacques Chirac était favorable à un référendum sur le sujet de la peine de mort . Le référendum aurait à l’époque été largement contraire à l’abolition (plus de 60 % étaient contre). Ce qui ne manque pas d’interroger sur les rapports adultères entre la Démocratie et la République, toutes les deux avec une belle majuscule, mais pas toujours d’accord entre elles !
Deuxième bonne nouvelle : la peine de mort recule dans le monde. Avec une grosse épine dans le pied de ceux qui rêvent d’une « abolition mondiale » et qui pensent, comme Robert Badinter que « la peine de mort est vouée à disparaître de ce monde ». Cette grosse épine, ce sont les Etats-Unis où la peine de mort reste pratiquée par la majorité des Etats, et soutenue par la majorité des citoyens. Mais, même là, l’abolitionnisme gagne du terrain.
Un point m’a interpellé (là, comme pour le tabac, rien n’est tout à fait monolithique, sans critique, sans faille et sans interrogation) : la position de Singapour. La peine de mort y subsiste pour les trafiquants de drogue. Ce pays veut éradiquer la drogue. Ce que je veux exprimer, c’est que devant un problème aussi décisif pour l’avenir de nos sociétés (j’allais dire « capital »), devant l’énormité des enjeux financiers qui sont derrière le commerce de la drogue, je ne sais quelle réponse apporter.
C’est un problème incroyablement angoissant, devant lequel nous restons sans force et sans proposition réelle. Quand j’entends Sarkozy « rouler des mécaniques », j’ai envie de l’interpeller, pas sur les petits loubards voleurs de vélo moteurs, mais sur le commerce de la drogue. Qui en parle véritablement ?
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