Les femmes de 68
Les femmes de 68, appelons-les ainsi, étaient des combattantes pas des délatrices. Je range sous ce nom les très jeunes femmes du baby-boom et leurs prédécesseurEs, féministes actives plaidant pour une cause, c’est à dire pour toutes.
C’est peu dire que j’ai été interrogée par l’« affaire Matzneff », et avant elle par l’affaire Polanski et l’affaire Haenel, la dernière étant la seule à porter le nom de la femme qui l’a portée. Quand en 1971 a été publié le manifeste pour le droit à l’avortement, 343 femmes dont l’avocate Gisèle Halimi et de nombreuses actrices et écrivaines (Micheline Presle, Stephane Audran, Marie-France Pisier, Bernadette Lafon, Anne Wiazemski…) ont mis leur carrière en péril et risqué une condamnation pénale pour défendre un droit. Pas une qui ait eu l’idée de dénoncer l’individu coupable de les avoir engrossées, bien que, étant donné l’âge de certaines, toutes n’étaient pas majeures* à ce moment. L’hebdomadaire satyrique Charlie Hebdo fit, non sans humour, sa Une de cette question : « Qui a engrossé les 343 salopes du manifeste pour l’avortement ? ».
Autres temps, autres mœurs ? Les mœurs que dénoncent bien tardivement les 3 « affaires » qui font aujourd’hui l’actualité sont les mœurs d’un milieu littéraire et artistique bien éloigné de celui du temps. Alors qu’elles se produisaient à Paris ou à New York, une professeure de 35 ans, inconnue de tous, fut condamnée et se suicida pour avoir aimé son élève de 17 ans. Gabrielle Russier, Gabriel Matzneff, un même prénom qui alerte sur le fait qu’être une femme n’était pas un atout et que la permissivité ne dépassait guère une sphère étroite et, si j’ose dire, privilégiée. Les parents du jeune élève portèrent plainte, la mère de la victime de Matzneff, elle-même appartenant au cénacle littéraire, ne leva pas le petit doigt alors que l’adolescente suivait l’écrivain jusque sur les plateaux de télé.
Je redoute l’indignation tardive, voire de circonstance, quelquefois même orchestrée dans un contexte promotionnel. Je déteste le féminisme plaintif et la dénonciation individuelle, le but en toutes choses n’a de vrai sens que collectif.
• L’âge de la majorité était alors de 21 ans
Répondre