Les non-parents
Rien n’est plus difficile à établir que le nombre de « non-parents » en France aujourd’hui. D’abord parce que des « non-parents » peuvent le devenir, naturellement ou par adoption, ensuite parce que les statistiques portent principalement sur la nuptialité (en couple ou pas), elle-même soumise à variation au cours de la vie. Enfin, parce que les limites permettant d’assurer qu’un non-parent peut devenir père ou mère biologiques ne sont pas les mêmes selon le sexe.
Par convention, on considère que ceux qui ont atteint 45 ans ont peu de chance de devenir parents. Avec force formules mathématiques, on établit qu’aujourd’hui 10% des hommes et 7% des femmes demeureront sans descendance. Pour les femmes nées en 1970, une étude de 2013 (elles ont alors 43 ans) estime que 14 et 18% d’entre elles n’auront pas d’enfants.
Ce pourcentage approximatif de « non-parents » a grandement évolué selon les périodes : 25% des femmes nées en 1900 sont demeurées sans enfants, ceci étant lié au nombre considérable d’hommes tués à la guerre. Ce taux n’a pas cessé de descendre jusqu’à l’après 2e guerre (naissances des boomers comprises) mais il a commencé de remonter dans les années 70 du fait de la pilule, de la légalisation de l’avortement, mais aussi du choix d’un nombre croissant de femmes de demeurer indépendantes et de « ne pas s’occuper de quelqu’un toute sa vie ». Si les « boomeuses » sont nées massivement, elles ne sont pas mères en proportion.
Les « non-parents » masculins sont aujourd’hui approximativement 10% (12% chez les ouvriers et 11 % chez les agriculteurs, 7% chez les cadres et 30% pour les hommes n’ayant jamais travaillé). Il s’agit d’un groupe plus hétérogène encore que les femmes : choix individuel, préférences sexuelles, infertilité, isolement et/ou lourdeur du travail pour les agriculteurs et les ouvriers : autant de schémas très différents qui ne permettent d’isoler un groupe qu’en considérant les conséquences de cette non-parentalité.
Ces chiffres, malgré la marge d’incertitude qui les entoure, démontrent que les âgés isolés ne sont pas rares. Beaucoup, en plus d’être sans enfants, n’ont pas formé de couple ou sont séparés. Tous n’ont pas davantage de familles proches et certains « inventent » de nouveaux modèles de vie telles que la « maison des Babayagas » ou le projet de « maison de la diversité ». Mais ces options ne couvrent pas toutes les situations qui sont multiples et souvent délicates. Ces « sans famille » n’ont aussi que rarement organisé et prévu leur situation de « non-parent senior », certains comme les homosexuels masculins qui ont traversé la période où le SIDA était mortel, parce qu’ « ils ne pensaient pas vieillir ».
Pour ceux-là, bien évidemment se pose la question des proches aidants. Outre de ne pas être parents, si certains appartiennent à des communautés, nombreux sont ceux qui sont également éloignés de leurs collatéraux, voire de leurs ascendants.
La question de la perte d’autonomie et de l’accompagnement de ces non-parents mérite d’être plus clairement posée, ce qui n’est qu’exceptionnellement le cas. Aux Etats-Unis où l’on considère que 23% des « boomers » âgés sont seuls, ils sont appelés « elder orphans » ou « soloseniors » et des publicités pour des résidences services ou des résidences associatives les visent nominativement.
L’anticipation de la situation par les personnes elles-mêmes est bien sûr souhaitable (en particulier désignation d’une personne de confiance), elle n’est pas toujours aisée. Cela reste un champ à explorer bien davantage que nous le faisons.
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