Loi portant réforme de l’hôpital : quel hôpital ?
Aucune loi n’est ni tout à fait bonne ni tout à fait mauvaise, mais certaines ont des vices fondamentaux qui en dévoient les finalités.
C’est précisément le cas du projet de loi « portant réforme de l’hôpital » qui vient demain en discussion à l’Assemblée.
L’hôpital, dans l’esprit de tous les Français, c’est l’hôpital public. Si bien que, si on parle dans les milieux spécialisés d’ « hospitalisation privée », jamais on ne dit, jamais on ne voit écrit sur une façade « hôpital » quand il s’agit d’une clinique.
Le texte de loi, dès sa première page, commence par faire disparaître le mot « hôpital » au profit d’un de ces chefs-d’oeuvre du rien-disant actuel « l’Etablissement de santé ». Le but est très clair de confondre « public » et « privé », et d’effacer le beau mot d’hôpital et toutes ses déclinaisons de ce qui devrait être au contraire le fondement même de la loi quand un gouvernement républicain l’édicte : le service public et le service du public.
Et de fait, tout le corps du texte introduit en permanence la confusion entre public et privé et ne manifeste à aucun moment une quelconque ambition pour ce pivot de l’idée républicaine qu’est l’hôpital et la santé publics.
Bientôt, dans la même perspective, dans la même perverse confusion, nous n’aurons plus d’école, ni d’instruction, ni d’éducation, mais des « établissements d’enseignement ».
Mme Bachelot a réussi ce prodige, et je l’en féliciterai demain dans mon intervention, de présenter une loi « portant réforme de l’hôpital », sans que soit JAMAIS prononcé ce beau mot dans tout le corps du texte ; ce prodige que n’aurait pas renié Georges Perec, fera date sans doute dans l’histoire encombrée de l’écriture législative française.
Le fait n’est pas anecdotique. Les mots sont non seulement l’arme mais l’armature idéologique souterraine de la politique. Le texte n’est pas totalement mauvais, il est fondamentalement mauvais.
Je veux revenir sur les deux vices rédhibitoires que couvrent les mots, ou l’absence du mot.
Une énumération des « missions de service public » est présentée dès les premières pages. Treize missions dont la liste pourrait être discutée, acceptons-la cependant. On attendrait après cette liste une phrase simple, je dirais même qu’elle s’impose à la lecture. Cette phrase pourrait être : « c’est la mission de l’Etat d’assurer, à égalité entre les citoyens et les territoires, la bonne exécution de ces missions et leur égal accès ».
L’évidence est si forte, qu’on a une impression d’éboulement, en lisant aussitôt achevé l’énumération que licence est donnée, à discrétion d’une seule personne (le directeur de l’agence régionale de Santé, je reviendrai sur le sujet), de confier ces missions « à une personne publique ou morale » appartenant au système privé de santé .
En clair : si je constate une déficience, une carence, un défaut d’éxécution de ses missions par l’hôpital public, je les confie au privé.
En caché : si les moyens dont dispose l’hôpital public sont insuffisants, je transfère au système de santé privé ce qui lui permettra de les assurer.
C’est sans doute ce qu’on appelle la « rupture ». Et c’en est une. Bien d’autres exemples existent dans le texte de cette confusion « glissante » du public vers le privé. Et rien qu’en l’écrivant, je ressens une sorte de serrement de coeur.
voir aussi les billets du 4 février 09, du 13 janvier 09, et tant d’autres sur le sujet…
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