Mortel manichéisme (« Il faut aimer la politique XVIII »)
« Je méprise les hommes qui mettent toute leur énergie à empêcher les autres de réaliser ce qu’ils ont été incapables d’entreprendre ». Cette phrase, approximativement citée d’un livre de Gabriel Delaunay, je viens de la vivre une fois de plus.
UMP et UDI, qui n’ont en la matière rien fait que des annonces et des promesses, ont voté contre la « loi d’adaptation de la société au vieillissement » le 17 septembre en 1ère lecture à l’Assemblée nationale. « Pas assez, pas assez loin » sont les éternels alibis à une sorte de reniement de soi qu’ils ont (à part 2 abstentions) endossé pour la seule raison de ne pas mêler leurs vote aux nôtres.
« Pas assez », j’en suis d’accord : aurais-je disposé de 6 milliards 450 millions au lieu de 645 millions, j’aurais su en faire bon usage. Cette loi est une marche montante dans la prise en compte de la transition démographique, pas l’escalier entier. Mais existe-t-il un parti politique et même une personne humaine qui puisse être contre une revalorisation de l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) jusqu’à 60% ou contre le financement des aides techniques aux faibles revenus pour mettre un peu d’égalité dans la prévention du vieillissement ?
Eh bien, en France, sur les bancs de l’Assemblée, ces partis existent et il n’y a pas lieu d’en être fiers.
J’ai voté (le plus souvent avec d’autres de mon groupe) des lois ou des amendements issus de la droite sans réserve car j’aurais voulu les faire moi-même et parce qu’ils correspondaient à ce que je croyais bon et nécessaire. Nul électeur de gauche n’est venu sur le marché me prendre au collet pour me dire que je transigeais avec la doctrine.
Même de forme (par exemple lors des questions d’actualité au Gouvernement), le manichéisme érigé en système n’est plus compris mais au contraire vécu comme un cirque usé et au fond déshonnête. La brièveté des questions et des réponses y incite et nous devrions y porter remède.
Dans mes 22 mois de « ministériel », j’ai pris soin de n’être jamais dans l’invective, rendant hommage à qui je croyais légitime de le faire (par exemple les efforts de Roselyne Bachelot pour ce que l’on appelait alors « la réforme de la dépendance ») et j’ai reçu en retour l’accueil très positif de Maires ou de Présidents de Conseil généraux de toutes tendances. Le sujet que je portais (et que je continue de porter d’autre manière) est propre à rallier un consensus. Sachons ne pas nous en priver et je remercie Laurence Rossignol d’avoir été dans le même esprit pendant les trois jours de débat à l’Assemblée. Le vote UMP/UDI n’en est que plus incompréhensible.
Je ne suis pour autant aucunement de ceux qui disent « gauche et droite, c’est pareil ». Ce n’est pas pareil. Moins encore, je suis pour l’ « ouverture » à la Eric Besson, c’est à dire le débauchage pour faire le contraire de ce qu’on a jusqu’alors soutenu (le ministère de l’identité nationale). J’ai vécu comme un choix difficile mais non médiocre la décision de Jean-Pierre Jouyet d’accepter les affaires européennes pour le temps de la Présidence française de l’Union Européenne : grâce à lui, cette Présidence a été un succès et il en allait de l’image de la France auprès de nos partenaires.
J’apprécie sur beaucoup de points la grande coalition CDU/CSU/SPD qui a permis par exemple la mise en place d’un salaire minimum et le financement de la perte d’autonomie à hauteur de 6 milliards d’ici la fin du mandat de Mme Merkel. Il n’en va pas de même pour son attitude européenne, ni pour la hauteur de sa participation à la lutte contre le terrorisme mais c’est une autre question.
Une grande coalition, en dehors d’une crise gravissime, n’est pas possible en France bien que j’entende annoncer que Nicolas Sarkozy veuille « ouvrir portes et fenêtres ». Le simple honneur empêchera même de s’y pencher. La crédibilité de la politique, qui fait si fort besoin, aurait voulu qu’il attendît pour prétendre y revenir de voir les affaires où il est impliqué totalement éclairées.
Manicheisme et sectarisme sont aujourd’hui dans l’arène. Honneté et honneur, deux mots, deux idées mêmes, qui croulent sous le poids des ans, sont aujourd’hui seuls à pouvoir les en déloger. Pour ma part, j’ai choisi.
Comments 9 commentaires
20/09/2014 at 13:05 Alain
Encore un billet qui sonne juste et honore celle qui le propose à notre réflexion. Le manichéisme est une maladie mortelle contre laquelle il nous faut d’urgence trouver le vaccin qui sauvera la France.
20/09/2014 at 14:49 sylvie
Nicolas Sarkozy : le tintamarre de ses casseroles aurait dû le ramener sur terre et dans ses foyers
20/09/2014 at 17:42 Marc
la seule « union sacrée » entre tous les partis et les différentes organisations syndicales est survenue au tout début de la guerre de 15 et c’est Poincaré qui prononça le premier ce nom. Depuis lors, pas de coalition à ma connaissance.
Il arrive que des lois soient votées à l’unanimité mais très rarement les partis en font état comme d’un événement positif. Il y a toujours une certaine gène en France à paraitre être d’accord.
Une exception est, quelquefois, la politique étrangère comme par exemple l’intervention du Mali, mais ce n’est jamais un soutien franc et sans réserves, comme s’il y avait une honte à être d’accord. Quant aux questions au Gouvernement, avouons qu’elles ne grandissent pas l’image de la politique mais il est bien possible aussi qu’un débat plus serein serait moins suivi par les téléspectateurs. Nous sommes tous conditionnés par les médias.
20/09/2014 at 17:48 klaus
Michèle touche à un point essentiel du fonctionnement de la démocratie à la française: l’impossibilité soi-disant « culturelle »d’accepter que l’adversaire politique puisse avoir raison. Dites 1+1 =2, et on vous dira qu’il y a une faute. J’éprouve une vraie amertume quand on traite ceux qui disent qu’un compromis fait tout de même avancer les choses, bien que l’idéal visé serait plus beau, de traitres, « socio-traîtres » dans le cas des socialistes ou autres du camp de gauche. Pour eux compromis veut dire « compromission ». La ligne pure est tout, un progrès dans la réalité qui n’y correspond pas, doit être rejeté comme une trahison.
« Andere Länder, andere Sitten » (d’autres pays, d’autres moeurs), certes, mais que ce manéchéisme dénoncé par Michèle puisse empêcher de faire le bien pour le peuple, cela me dépasse. Et l’incompréhension à cet égard et largement majoritaire en dehors de l’hexagone.
20/09/2014 at 19:17 Michèle
Qui saurait me dire si les lois HartzIV ont été votées par le seul SPD ou si la droite s’y est associée ?
21/09/2014 at 17:42 Fredde
c’est surtout le mélange de manichéisme et de sectarisme que vous dénoncez. Que les élus UMP n’aient pas voulu mêler leurs votes à ceux de la gauche est fréquent, l’inverse arrive aussi. Je me souviens du RSA ou d’autres lois qui ont ensuite été maintenues quand vous avez eu la majorité.
Votre billet précédent amenait beaucoup de commentaires. Ce sont pas les jeunes qui sont en cause mais le système pour leur permettre d’avoir des responsabilités. Au Québec un de mes amis (Français) qui est allé y vivre a vécu l’expérience suivante : il a contribué à la campagne pour la Premiere Ministre. On lui a fait confiance, on a vu qu’il savait travailler et qu’il était honnête dans ses engagements.
l’élection a été gagnée. 6 mois après il a obtenu un poste qu’il n’aurait jamais eu en France au Ministère de l’Intérieur, qui est inabordable ici si l’on ne fait pas partie depuis longtemps de la proximité du Ministre et de la majorité. La France souffre d’un manque de confiance en ses jeunes et d’un manque de confiance tout court.
21/09/2014 at 17:48 klaus
« Hartz IV », partie du paquet législatif appelé Agenda 2010 contenant une série de réformes structurelles dans les domaines social et du marché du travail , a été adopté avec les voix de la CDU/CSU sans lesquelles le paquet n’aurait pas trouvé une majorité car une bonne partie du SPD a refusé de le voter et c’est abstenu. Peu après Schröder a été forcé de démissionner après avoir échoué d’obtenir une majorité lors d’un vote de confiance au Bundestag. En fin de compte c’est Merkel qui en a tiré profit et en tire toujours. Le SPD envisage de modifier des mesures trop dures.
22/09/2014 at 09:28 francis
Vous avez parfaitement raison , le manichéisme politique ne grandit pas ses auteurs.
il évite parfois le « tous pareils, tous pourris », et donc affaiblit le discours des extrêmes,
c’est là sa seule vertu.
La gauche y succombe autant que la droite, et nombre de réformes non votées par le PS entre 2012 et 2012 ont été, de fait, conservées ensuite, souvent à la dérobée…
Dans certains pays, l’opposition a un » shadow cabinet » qui s’oblige à dire quelle serait la mesure préconisée à la place de la mesure non votée. Cela oblige à un peu de rigueur, d’honnêteté !
23/09/2014 at 19:51 FOURÉ Gérard
il y en a qui ont de petites mémoires : qu’i a voté en 2004 la loi constituant la CNSA ? Et que disaient certains sur le fameux lundi de la Pentecôte ? Quand je lis aujourd’hui ces propos les bras m’en tombent ……