Qui n’a rien à cacher n’a rien à craindre
Avec cette phrase, que l’on a entendue encore récemment à l’occasion de la rébellion contre Edvige, on peut justifier tous les excès de la politique sécuritaire : écoutes téléphoniques, visites de comptes bancaires (Besancenot récemment), vidéo surveillance, punaises enregistreuses au mur des appartements, fouille de la mémoire des ordinateurs … Nous ne sommes en la matière, certainement ni au bout de nos peines, ni au bout de nos surprises.
Le dernier né de la famille sécuritaire, sous un petit air médical qui glace, est un bel exemple d’imagination perverse . Il s’agit du « scanner qui déshabille », déjà en fonction dans certains aéroports européens. Au passage dans un portique, le voyageur est exposé complètement nu à l’examen du personnel de la sécurité aérienne.
Un de mes amis m’avait vendu comme précepte pour ne ressentir aucune crainte devant un notable quelconque « Imagine-le nu ». Je n’ai jamais eu vraiment besoin de la mettre en pratique, mais la leçon n’est pas sans signification : déshabiller, mettre à nu, est un moyen de priver l’homme de sa dignité et de son intimité. Les prisonniers en savent quelque chose.
Il ne suffira donc bientôt plus, pour prendre un avion, d’enlever ses chaussures, d’ouvrir sa valise, de sortir son ordinateur de son enveloppe et le petit sachet contenant ses objets de toilette, ni de se prêter bras écartés à une fouille corporelle. Sans parler d’abandonner le modeste ciseau à ongles qui ne pourrait attenter qu’à à la vie d’une mouche (alors qu’un tesson de la bouteille de vin servie en première classe est beaucoup plus dangereuse). Toutes ces petites contraintes sont déjà des petites humiliations et pour peu que l’employé soit désagréable, elles rendent le voyage détestable.
Pourquoi s’arrêter d’ailleurs aéroports dans ce progrès continu du délire sécuritaire ? Un terroriste serait-il moins efficace dans un train ? Un wagon qui explose fait dérailler le train entier et en choisissant bien ses horaires, on peut aisément s’assurer plusieurs centaines de morts.
Pourquoi pas non plus à l’entrée des hôpitaux ? Le tripode de Bordeaux, avec ses quatorze étages, est de ce point de vue un objectif de choix. Les médecins pourraient au passage bénéficier des images du scanner qui déshabille qui leur épargnerait la charge d’examiner leurs malades un à un, dans l’intimité de leur chambre.
Revenons au fond du problème : l’Etat sécuritaire fait de ses citoyens des suspects et les traite comme des prisonniers que l’on va encelluler. La commission européenne vient d’autoriserla généralisation du « qui déshabille ». Autorisé, pas imposé, mais on peut quand même se poser quelques questions et d’abord celle-ci : les membres de la commission n’ont-ils pas par hasard confondu « Europe sans frontières » et « Europe sans limites » ?
Répondre