Salut à vous, Philippe
Philippe Madrelle a touché mon cœur dès ses premières paroles. Je le rencontrais pour la première fois en tête à tête et il m’a cité les mots de mon père quand lui-même l’avait accueilli à la Préfecture en juin 68 comme tout jeune député : « Monsieur Madrelle, J’avais beaucoup d’amitié pour René Cassagne, je la reporterai sur vous ».
Le souvenir était si juste, les paroles si sobres et dites avec une évidente sincérité qu’ils ont scellé quelque chose dont nous n’avons plus jamais parlé. Son lien avec mon père était celui des « partis de rien » et le grand fauve qu’était Philippe était aussi un grand sensible qui jugeait très vite de la pâte dont les hommes sont faits. Cette pâte leur était commune.
Ce premier tête-à-tête entre lui et moi avait pour but de m’engager dans un combat électoral contre une députée dans un canton ingagnable. Une phrase de quelques mots en décida. Contrairement à beaucoup de jeunes et moins jeunes pousses socialistes, je n’ai pas fait mes classes politiques auprès de lui mais il m’a cependant appris « l’exigence de gagner ». Toutes mes campagnes ayant été difficiles ce n’était pas un faible secours. Je ne raconterai qu’un autre souvenir. Dans une autre bataille sur le même terrain où la réhabilitation de la salle des fêtes du Grand Parc était un enjeu majeur, nous avons convenu ensemble de proposer au Maire de Bordeaux que le Département acquière cette salle emblématique pour en faire le bateau amiral de l’action culturelle de la Gironde. Il était très réjoui à cette idée et me demanda de l’attendre quelques instants dans son bureau. Quand il revint la lettre officielle proposant l’acquisition était entre mes mains…
Avouons que lui comme moi savions qu’Alain Juppé n’accepterait la vente à aucune condition, ce qui fut le cas. Mais la démarche fit bon office et eût le résultat attendu …
Philippe porta mon admiration à son comble en face de la maladie. Il avait un cancer dont il savait tout, dont il supportait avec un infini courage les épreuves, celles de la maladie elle-même et celles des traitements pour le réduire. Devant un millier de personnes réunies pour célébrer ses cinquante ans de vie politique, il fit un discours où il ne fut question que de politique mais où tout le monde, dont lui, connaissait le vrai sens : celui du capitaine qui sait qu’il va quitter le bateau et ne veut pas le faire sans délivrer un viatique de courage à l’équipage.
L’émotion qui nous étreignait tous fut portée à son comble lors de la cérémonie funèbre de Michel Sainte-Marie, mort de la même maladie et avec le même courage. Philippe prononça son éloge, évoqua les moments forts qu’ils avaient partagés pendant leur longue trajectoire commune. Nous avions tous le cœur serré en pensant que les mêmes orateurs, sauf lui, évoqueraient dans quelques mois sa propre carrière et que lui-même y pensait.
Ce moment est venu. Philippe fut incroyablement résistant au mal et s’il ne l’a pas vaincu, il n’a à aucun moment quitté la bataille. C’est aussi cela que nous garderons de lui.
(le 29 aout 2019)
Comments 1 commentaire
19/10/2019 at 16:14 Fatima
Nice blog. Thank you very much