Suicide sur la voie
Je clume dans mon train « retenu en gare de Bordeaux » : un suicide sur la voie , au voisinage de Saint Egulin bloque le trafic en direction de Paris. Il faut reconnaître le corps, faire venir « le parquet », enquêter…
La somme de désespoir que représente un suicide sous les roues d’un train ou d’un métro me serre le coeur. Le déchirement brutal du corps, le traumatisme pour le conducteur et les voyageurs qui auront l’impression d’une part de responsabilité, l’horreur et la violence de ce suicide qui ne laisse ouverte aucune possibilité de survie sont terrifiants. Le suicide est une interrogation sans fonds autant à titre individuel, pour chacun de nous, que pour la société.
Dans mon mêtier de cancérologue (près de 40 ans de pratique majoritaire puis exclusive de la cancéro), aucun malade ne m’a demandé de l’euthanasier, et un seul s’est suicidé. Les malades du cancer sont les héros de notre temps : ils se battent, ils veulent vivre, ils payent bien souvent pour cela autant que les poilus des tranchées.
La comparaison peut paraître choquante. J’ai toujours considéré cependant la cancéro et quelques autres branches de la médecine comme de la médecine de guerre : on se bat, tout disparait ou perd de l’intérêt autour de cette bataille. Qui sera élu Président de la République, tel élu sera-t-il nommé adjoint ou pas, tel autre deviendra-t-il sénateur, tout cela parait dérisoire. Seule, la date de l’élection ou de la nomination résonne dans l’esprit : où en serai-je à ce moment-là ?
Les personnes très âgées ont souvent aussi le même raisonnement : en 2011, serai-je là pour voir les régionales, En 200X, verrai-je édifié le pont Bacalan-Bastide ?
Pas seulement les personnes très âgées. Les personnes très lucides aussi. Quand on s’interroge, dans une réunion (hier soir à la section de Bordeaux centre) : qui prendra la tête de liste pour les municipales de Bordeaux en 2014, je me dis à part moi : qui, en effet, et qui présent pour concourir ?…
Répondre