Politique de stationnement à Bordeaux : la pénalisation des usagers
> Mise en place de la tarification au quart d’heure dans les parcs de stationnement
Le Conseil de Métropole s’est prononcé vendredi 18 décembre, sur la mise en place de la tarification au quart d’heure dans les parcs de stationnements de la ville centre.
Une première délibération présentée le 29 mai dernier faisait état d’augmentations immorales que j’ai dénoncées et qui ont valu le report et la reprise des négociations avec les exploitants.
Ces nouvelles négociations ont permis d’aboutir à de nouvelles propositions de grilles tarifaires définies pour éviter des pertes aux exploitants et ne bénéficiant pas à 100% des usagers alors que l’esprit de la loi Hamon dite « consommation » souhaitait un regain de pouvoir d’achat pour tous.
La majorité des tranches horaires a été revue à la baisse au dessus du pallier des 2h de stationnement, mais les tranches impactées par des augmentations -45min-1h et 1h45-2h – correspondent à des durées de courses pour lesquelles les usagers ont peu de solution de repli. Il s’agit de hausses entre 7% et 11,5%.
Seuls les parcs Salinières et André Meunier ne comptent que des baisses, qui s’inscrivent dans l’esprit de la loi consommation portée par Benoit Hamon, adoptée en février 2014, et visant à rééquilibrer les pouvoirs entre consommateurs et entreprises et à rendre du pouvoir d’achat aux Français.
Alors que cette mesure de la tarification au quart d’heure devait être appliquée au 1er juillet dernier, les usagers des parcs de stationnement bordelais en bénéficieront enfin, avec six mois de retard, à compter du 1er janvier 2016.
> Révision de la grille tarifaire du stationnement en surface
A l’occasion du Conseil municipal du 14 décembre, les élus municipaux doivent se prononcer sur une délibération n°666 portant sur la révision de la grille tarifaire du stationnement en surface. Celle-ci prévoit une augmentation notable des prix, que ce soit dans l’hypercentre ou en périphérie, avec des variations allant de +6% à +30%.
Alors que la tarification au quart d’heure va enfin être appliquée dans notre ville – avec six mois de retard – sans réel impact pour les usagers, cette augmentation des tarifs en surface, conjuguée à l’élargissement des zones de stationnement résident pénalise les personnes dans les situations les plus difficiles et en particulier les travailleurs payés à l’heure au tarif du SMIC (aide à domicile, femme de ménage…). Bien souvent ceux-ci sont obligés d’utiliser un véhicule et se déplacent en des lieux multiples de la ville dans un délai contraint.
Dans l’hypercentre, 30 minutes de stationnement coûteront 1,30€ contre 1€ aujourd’hui (+ 30%) et 2h, 5€ contre 4,40 (+13,6%).
En périphérie, c’est la fin de la tranche à 20 minutes (0,50€) remplacée par un minimum de 30 minutes (0,90€) pour une augmentation de 20% par minute. Les usagers perdent donc un pallier avant de devoir payer une heure pleine puisqu’on passe d’un tarif pour 20 min puis 40 min puis 1h à un tarif pour 30 min puis 1h.
> Hausse significative des recettes des droits de stationnement
Ces hausses, qui représentent une charge supplémentaire pour les usagers, et en particulier les Bordelais, sont pour la ville l’occasion d’étendre ses recettes de manière significative. Ainsi, le montant des recettes des droits de stationnement a doublé entre 2009 et 2014 passant de 2 630 386€ à 5 293 565€. Le budget primitif de la ville prévoit pour 2016 6 700 000€.
Evolution des droits de stationnement (horodateurs + abonnements résidents) entre 2009 et 2016, Chiffres issus des comptes administratifs de la ville de Bordeaux.
> Le financement de l’extension de la zone de stationnement payant de Bordeaux par la Métropole
Le rapport au bureau de Bordeaux Métropole du 26 novembre, « Stationnement et politique de tarification au quart d’heure » propose de financer à hauteur de 50% l’implantation d’horodateurs pour un budget total de 500 000 euros/ an inscrit dans le cadre des contrats de co-développement (CODEV). Cette nouvelle programmation financière ciblerait essentiellement les zones apparaissant les plus pertinentes en termes de report modal à savoir l’intra boulevard bordelais et les zones limitrophes.
Le financement des horodateurs par à hauteur de 500 000 euros/an constitue très clairement un transfert de charges de la ville-centre vers la Métropole. Seules 3 autres communes ont des horodateurs : Pessac, Mérignac et Talence (29 horodateurs seulement pour cette dernière). Et au-delà des effets supposés bénéfiques cela consiste en la mobilisation des 28 communes pour le financement d’une charge jusqu’alors communale et propre concernant quasi exclusivement l’intra boulevard bordelais. D’autant que Bordeaux continuera de percevoir les recettes liées à l’extension du stationnement réglementé, recettes qui lui permettent d’amortir largement ces nouveaux équipements.
Par ailleurs, cette mesure déplacera la question des voitures ventouses aux zones extra boulevards et en particulier dans les communes limitrophes qui ne connaissent pas les mêmes problèmes de stationnement que la ville centre.
Enfin, alors que la Métropole prévoit une réduction significative de l’enveloppe dédiée à l’accompagnement des acteurs de la politique de la ville, cette dépense de 500 000 euros annuels semble très loin d’être prioritaire.
> Extension du stationnement payant et des zones de stationnement résident
Depuis le 1er septembre, la zone de stationnement payant s’est étendue autour de la gare Saint-Jean et dans le quartier Saint-Seurin dans le cadre d’une volonté municipale de passer en stationnement payant toute la zone intra-boulevard d’ici 2020.
Dans une interview dans le journal Sud Ouest le 1er septembre dernier, Jean-Louis DAVID, Adjoint au Maire en charge de la vie urbaine et de la coordination de la politique de proximité expliquait « Cette stratégie a deux objectifs : permettre aux habitants de ces quartiers de pouvoir se garer près de chez eux et éviter les trajets inutiles en voiture. Les automobilistes arrivant de l’extérieur ont des parkings en dehors de la ville et peuvent utiliser les transports en commun ».
Force est de constater que les bonnes intentions de fluidification du trafic et de limitation de l’usage des véhicules à l’intérieur des boulevards posent un certain nombre de problèmes humains en ne prenant pas en compte celles et ceux qui, pour des raisons professionnelles ou de santé, ne peuvent se déplacer autrement, en les sanctionnant financièrement.
> Les riverains
Pour les riverains propriétaires d’un ou plusieurs véhicules, l’extension des zones de stationnement payant suscite deux difficultés centrales.
Tout d’abord, la nécessité de s’acquitter d’un abonnement résidentiel – pour un seul véhicule par foyer – d’un montant de 15€/mois, soit 180€/an, pouvant correspondre, pour les foyers les plus modestes à l’équivalent de la taxe d’habitation. Il s’agit donc d’une forme de taxe supplémentaire sur les Bordelais.
Ensuite, la question du second véhicule qui contraint son propriétaire à prendre un abonnement dans un parking souterrain ou à louer (ou acheter) un garage pour l’y stationner.
> Les travailleurs
Un grand nombre de personnes travaillant intra-boulevards n’y vivent pas et la majorité des véhicules stationnés en journée dans les zones actuellement gratuites correspondent aux véhicules de ces milliers de salariés.
L’extension de la zone de stationnement payant va les contraindre également à revoir leurs modes de déplacements. Pour ceux qui ont la possibilité d’utiliser facilement des transports en commun (à proximité, sans trop de correspondances, sans trop de perte de temps), le changement d’habitude peut être envisageable. Mais pour ceux qui viennent de communes mal desservies en périphérie de Bordeaux, les transports en commun ne sont pas une solution efficiente. Ils seront alors contraints, comme les riverains, de prendre un abonnement dans un parking souterrain ou louer un garage pour stationner leur véhicule pendant leur temps de travail.
Par exemple, une personne vivant à Parempuyre et travaillant rue Judaïque met (avec les bouchons) 40 minutes pour effectuer son trajet domicile-travail le matin, et 30 minutes le soir pour une journée de travail classique de 9h à 18h.
En prenant les transports en commun depuis son domicile à son lieu de travail, il lui faut successivement marcher, prendre un bus, puis un autre et marcher à nouveau pour un temps de déplacement domicile-travail de plus d’une heure.
En louant une place de parking pour poursuivre ses déplacements en voiture elle devra payer entre 720 et 1900 euros par an.
Prix moyen pour la location d’une place de parking à Bordeaux variant entre 60€ et 120€/mois en fonction des quartiers soit une dépense supplémentaire allant de 720€ à 1320€/mois.
> Les travailleurs ambulants
La plupart des personnels du soin ou de l’aide à domicile ont des salaires horaires très faibles ne dépassant pas le SMIC voire ne l’atteignant pas. La multiplicité dans la ville de leurs interventions leur impose de se déplacer en voiture – quelquefois pour des interventions d’une heure voire d’une demi heure en ce qui concerne les aides à domicile. Chacun comprend sans difficulté qu’amputer son salaire du montant du prix du stationnement – en sus du coût du déplacement (carburant, entretien du véhicule) n’est pas acceptable les concernant.
Pour exemple : une aide à domicile intervenant auprès d’une personne âgée domiciliée rue Judaïque touchera pour une intervention d’une heure 7,53€ (SMIC horaire net) qu’elle devra amputer de 2,30€ pour s’acquitter des frais de stationnement pour le temps de l’intervention plus le temps de rejoindre son véhicule soit un salaire net réel de 5,23€, très en deçà d’un salaire minimum décent.
> Les personnes âgées – personnes handicapées – personnes malades
A mobilité réduite, un grand nombre de personnes ne peuvent se rabattre sur les transports en commun ou les modes de déplacements doux (marche, vélo) et sont contraintes à se déplacer en voiture pour gagner en confort et en proximité. Pour toutes ces personnes, il n’y a aucune autre alternative que celle de s’acquitter des droits de stationnement, au détriment de leur pouvoir d’achat.
> Les garages
L’extension du stationnement payant pose enfin un véritable problème pour les artisans résidents et en particulier les garagistes auxquels les clients confient leurs véhicules sans qu’ils aient toujours la surface nécessaire pour accueillir la totalité de ceux-ci. Ces conditions font que certains garagistes qui m’ont interpellée envisagent de délocaliser leur entreprise, ce qui serait dommageable pour leur activité et la vie de proximité des Bordelais.
Parkings de foisonnement
Le principe de parking partagé ou « de foisonnement » consiste à mettre à disposition des résidents, gratuitement, et de 19h à 7h, les parcs de stationnement des administrations publiques.
La Mairie n’inscrit au budget 2016 qu’une enveloppe de 10 000 euros pour l’aménagement de parkings de foisonnement alors même que cela peut présenter une solution pour certains riverains. Jusqu’en 2014, l’enveloppe était de 30 000 euros.
> Les risques de dérives
La généralisation du stationnement résident appelle par ailleurs deux remarques :
1) Le risque de renchérissement du prix des garages dans les quartiers nouvellement payants.
2) Elle va amener des propriétaires de cours ou autres espaces vides accessibles depuis la rue, à être sollicités pour louer un emplacement. Et il n’est pas exclu que ces locations ne fassent pas l’objet de déclarations fiscales…
> Mes propositions au Maire de Bordeaux :
Sous couvert d’écarter les voitures de la ville, on écarte les personnes aux revenus les plus faibles. Aussi j’ai formulé plusieurs propositions au Maire de Bordeaux afin de limiter l’impact de ces mesures pour les usagers les plus modestes.
- Un macaron « intervention de courte durée »
Pour répondre à une partie à ces problèmes j’ai proposé au Maire de Bordeaux, par courrier daté du 14 septembre, la création d’un macaron « intervention de courte durée » pour permettre notamment aux personnels du soin ou de l’aide et des services à domicile de ne pas voir leur salaire amputés du montant du stationnement. Il n’a pas souhaité donner suite à cette proposition.
J’ai transmis cette proposition aux associations d’aide à domicile dont certaines m’ont fait part de leurs inquiétudes quant à cet élargissement et des difficultés qu’elles rencontrent d’ores et déjà au quotidien en la matière, à Bordeaux comme dans d’autres communes de la Métropole.
Le Président de l’Union Nationale de l’Aide, des Soins et des Services aux Domiciles m’a lui aussi fait part de son intérêt pour cette proposition ajoutant que de nombreuses communes sont concernées et prenant l’exemple de Lyon où les professionnels de l’aide à domicile font systématiquement des demandes d’exonérations d’amendes auprès du Procureur de Rennes avec une réponse aussi systématiquement favorable mais demandant des procédures lourdes.
Les municipalités doivent se saisir de cette question rapidement.
- Un aménagement pour les artisans résidents
Dans ce même courrier, je lui propose d’envisager la possibilité pour les garagistes de stationner les véhicules en cours de réparation sur les places marquées d’une large croix jaune signalant l’entrée ou la sortie de véhicules devant leur emplacement. Ainsi, cela leur permet de continuer de bénéficier d’un espace de stationnement gratuit suffisant pour gérer les rotations de véhicules.
- Assouplir la réglementation pour le stationnement abusif
Le stationnement à Bordeaux est soumis à certaines règles qui favorisent l’alternat et par arrêté du 14 mars 2001 il se trouve notamment limité à 24 heures consécutives sur un même emplacement.
Pourtant, les Bordelais, disposant ou non d’un stationnement résident (zone payante ou non), peuvent être contraints de s’absenter plus de 24 heures en laissant leur véhicule en stationnement plusieurs jours sur une même place (déplacement professionnel, hospitalisation, congés…). Pour éviter amendes et frais de mise en fourrière les conducteurs doivent alors stationner leurs véhicules loin de leur domicile ou dans des parkings publics dont le coût à la journée est très élevé.
J’ai ainsi proposé au Maire de Bordeaux de modifier l’arrêté n°201104600 afin que les services municipaux puissent, à titre dérogatoire, sur justificatif et pour une période précise, délivrer une autorisation temporaire de stationnement longue durée au propriétaire du véhicule.
Dans sa réponse, Jean-Louis David, adjoint au Maire, maintient la décision de la municipalité pour favoriser les rotations de véhicule mais se dit toutefois attentif à la réponse qui me sera apportée par le Ministère de l’Intérieur.
J’ai en effet parallèlement saisi le Ministre de l’Intérieur, au moyen d’une question écrite, sur ce sujet et n’ai à ce jour pas encore eu sa réponse.
Comments 2 commentaires
18/03/2016 at 11:12 Boussard Youenn
Bonjour Madame Delaunay,
Merci pour votre action. Nous sommes une famille vivant au quartier du grand parc avec une seule voiture. Nous pouvons dire que nous sommes privilégié face à la décision de la mairie, beaucoup ont deux voitures et je ne sais pas comment ils vont faire. Oui et Non.
Car nous nous déplaçons essentiellement à vélo et nos vélos sont stationnées dans le garage de notre voisin qui nous le prête (un grand merci à lui).
Mais mon voisin va devoir reprendre son garage. En effet interdit à lui de se garer devant celui ci ! Il doit se garer dedans.
Lui a deux voitures. Donc nos vélos vont devoir sortir du garage. Soit !
Mais lors de la réunion, il a été dit que les vélos ne peuvent pas séjourner dans la rue et qu’ils seront enlevés par la police. Mais il n’y a aucune zone de stationnement pour les vélos à proximité. Bref que fait t’on ? Je n’ai pas de place de mettre 4 vélos dans mon séjour.
Tout cela est bien embêtant.
Notre voiture, nous l’utilisons de manière exceptionnelle. Il n’est pas rare que ne nous l’utilisions pas de la semaine. Comment fait t’on ? Il faut qu’on la déplace tous les jours sous peine d’être verbalisé. C’est absurde.
Autre souci, les travailleurs qui travaille dans notre secteur et qui sont au bureau toute la journée . Comment font t’il ?
Il ne peuvent pas avoir de macaron car il ne sont pas résident.
S’il vienne à vélo , pas de place, ils sont obligés de les attachés sur le trottoir.
S’il vienne en voiture , 15 euros d’horodateur pour la journée et il faut qu’il se déplace toutes les heures pour rééditer le ticket !
Bref tram obligé !
Tous cela , nous dit t’on pour éviter les voitures abandonnées sur le trottoir, pour trouver plus facilement une place !
Mais dans mon quartier, je trouve toujours facilement une place (personne ne veut vivre au grand parc).
Si voiture abandonnée , la police ne se déplace même pas (jusqu’a présent).
Et puis je pense à tous ceux qui ont des petits moyens et qui vont être obligé de payer dans un quartier défavorisé une redevance mensuelle. Au même titre que ceux qui habite en hyper centre , mais qui eux ont les moyens d’avoir un garage le plus souvent.
Cela est anti-sociale et révoltant. Comment peut t’on mettre à la même enseigne un quartier comme le grand parc à l’hyper centre.
Cordialement Youenn Boussard.
25/06/2016 at 18:40 Fronte
Dans la zone B il n’y a aucune zone commerciale qui justifierait de mettre un stationnement payant le samedi. Les riverains qui ont, par nécessité, 2 voitures ne peuvent même pas disposer de 2 jours sans tracas.
Ce stationnement payant jusqu’aux boulevards n’est qu’un moyen déguisé d’augmenter les impôts locaux de 10%.
On s’en rappellera aux prochaines élections municipales …