IVG : un droit, seulement un droit, mais un droit
Seulement un droit en effet : pour nulle femme, ce n’est un acte anodin, moins encore une ambition.
Je l’avoue, je n’aime pas beaucoup le slogan « le droit à disposer de son corps ». Nous sommes nombreuses (et nombreux) à savoir que l’on entretient avec son corps des rapports de partenariat (dans le meilleur des cas ou dans les moments les plus favorables), que la subordination n’est pas toujours celle que l’on croit. La tête donne bien souvent des ordres au corps, ou même seulement des encouragements, qui ne sont pas suivis de toute l’effectivité que l’on voudrait. Il faudrait un très gros livre pour épuiser le sujet.
Nous étions hier plusieurs centaines réunies place Pey Berland pour nous opposer à une manifestation qui, personnellement, m’a attristée : un rosaire (de nombreuses séries de « je vous salue Marie ») pratiqué par une centaine de catholiques à la frange de l’intégrisme et sans doute, pour certains, au delà, sur la dalle de la place, c’est à dire en dehors de la cathédrale. Ceux-là priaient pour les embryons détruits lors des IVG, debout ou agenouillés.
Cela suscite plusieurs réflexions. L’église était fermée et ils se tenaient devant la porte close. Le signe est fort et exprime de façon radicale que l’église catholique n’est pas représentée par ces agissements. Nombreux sont les catholiques à les condamner, les jugeant provocatoires autant qu’ostentatoires, passéïstes, délétères pour l’image de l’église comme pour celle des chrétiens.
Ces prieurs de parvis, à l’exemple de tous les intégristes, font partie de ceux qui n’ont que des réponses et pas de questions. C’est là une espèce qui m’inquiète au plus haut point et qui me parait représenter la négation de l’intelligence autant que du libre arbitre. En allant sur leur terrain, je leur dirais simplement que ces deux vertus, bien inégalement partagées j’en conviens, sont dons de Dieu et qu’ils n’ont pas été donnés par celui qu’ils tiennent pour le créateur pour n’en faire aucun usage, comme c’est leur cas.
Un autre point. Les Bordelais savent que la cathédrale fait face à la Mairie. Cette manifestation était annoncée et sa tenue a été autorisée. Est-ce légitime, est-ce raisonnable ? La loi elle-même n’est pas claire là dessus. Pour ma part, je préfère que notre République laïque réserve aux lieux de culte et au domaine privé ce mode « ostentatoire » d’expression. Nous tenons prochainement à l’Assemblée des « Assises de la laïcité » dont je suis un des promoteurs et intervenants. Je ne manquerai pas d’engager ce thème de réflexion.
Imagine-t-on qu’aux quatre coins de la la place Pey Berland, les divers cultes présents dans notre pays s’expriment aussi ostentoirement ? Le Maire de Bordeaux (via le Préfet) le tolérerait-il comme il a toléré cette manifestation de l’extrème droite catholique ?
Revenons au motif de ma présence : je manifestais moi aussi pour le « droit à la vie ». A la vie tout court et à une vie digne et libre.
Etudiante, puis jeune médecin, j’ai accueilli lors de mes gardes, principalement le samedi soir en service d’urgence, des femmes qui venaient de se faire avorter, quelquefois seules, dans le dénuement, la crainte et la solitude, quelquefois après avoir eu recours aux services d’une « faiseuse d’anges ». Je revois leur visage livide, bien souvent les signes de fortes hémorragies, tant d’autres détails, et quelquefois aussi les quolibets méprisants de brancardiers d’un autre temps: « Encore une… ». Oui, encore une, dont la vie était en danger.
Je ne veux jamais revoir cela, je ne veux pas qu’une seule femme ait à l’affronter.
Une vie digne et libre, dans ce domaine, suppose que l’on ait accès à tous les moyens dont le progrès médical nous permet de bénéficier et d’abord que l’on en soit informé. L’IVG arrive clairement pour moi en queue de peloton, tant d’autres moyens de ne pas subir une grossesse non désirée, issue d’une union éloignée de tout désir parental, sont préférables.
L’IVG est un droit et doit rester un droit. C’est tout.
Répondre