Santé navale : l’adieu aux armes
Nous avons baptisé hier la dernière promotion de l’Ecole de Santé Navale de ce seul et beau nom : « Santé Navale ». « Nous », ce sont tous les Bordelais, attachés à cette école comme à une partie de leur histoire et de leur avenir.
Ce sont d’ordinaire les noms de parrains de chair qui accompagnent les élèves d’une promotion tout au long de leur carrière et leur servent de modèle. Ce sera pour la promotion 2008, l’esprit de l’Ecole, sa tradition, son exigence, et ce viatique n’est pas le plus léger. Ils en ont conscience.
L’esprit de l’Ecole : la camaraderie, la fidélité aux valeurs et un peu de cet esprit frondeur qui fait qu’un médecin militaire n’est jamais un militaire qui est médecin. L’ordre des mots..
Ce sont 120 ans d’histoire bordelaise qui vont quitter notre ville. C’est son rayonnement de par le monde, porté par 9000 élèves depuis 1890, dont on savait qu’ils avaient appris à Bordeaux la manière dont ils soignaient, dont ils bâtissaient et dirigeaient des hôpitaux, dont ils fondaient des instituts de recherche, à Bamako, à Saïgon, à Gorée où un monument rend hommage à tous ceux qui sont morts de la fièvre jaune, à Madagascar, dans le plus petit des villages comme sur le théâtre des opérations militaires. Partout on savait que leurs maîtres et leur Ecole étaient à Bordeaux et certains y revenaient pour contribuer au prestige de son Université. Tout cela a été clos par Alain Juppé d’un lapidaire « Santé Navale est morte, vive Santé Navale ! » qui a glacé la nouvelle promotion à laquelle le discours était destiné.
Santé Navale n’est pas morte, mais « elle a été sabordée et, depuis deux ans, elle se meurt dans le silence des institutions ». Cette fois ce sont les mots du Président de l’ASNOM, l’association qui réunit les anciens élèves répartis de par le monde. Beaucoup étaient présents hier (près de 3000), retrouvant la complicité des promotions et l’amitié des familles matriculaires.
Les Navalais, bien souvent bretons, sont peu expansifs. Ils se sont exprimés sous la forme d’un film qui mélange avec pudeur document de l’histoire de l’Ecole depuis 1940 et petites scènes contemporaines d’une apparente légèreté. Tout le monde, dans le grand amphithéâtre du Palais des Congrès, avait le coeur qui lui poignait.
« It’s not an error, it’s a mistake » , dirait-on dans la Royale. Laisser partir Santé Navale de Bordeaux est une faute. Pourquoi, alors que tout était possible, y compris la réunion dans notre ville de l’Ecole de Lyon et de celle de Bordeaux ? Le Maire de Lyon n’a pas spécialement bataillé pour l’emporter : il savait sa ville moins liée à cette Ecole que ne l’est la nôtre.
Pourquoi ? Pourquoi en effet ? Pourquoi, ce que Chaban avait obtenu en 1980, réunissant les élus de toutes sensibilités pour défendre sa ville, n’a-t-il pas été possible en 2007, n’a-t-il pas même été tenté ?
La réponse est-elle peut-être contenue dans les projets du futur Président de l’EPABE (l’Etablissement Public d’Aménagement Bordeaux-Euratlantique) qui va transformer le quartier de la gare en une petite « Défense »? La faute ne serait que plus lourde et notre « Adieux aux armes » plus douloureux.
Aux Navalais eux-mêmes, nous disons ce que Jean d’Ormesson, a dit à Simone Veil, en l’accueillant sous la coupole :
-« Messieurs, nous vous aimons . »
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