Sécurité sociale : l’état d’urgence
Hier Didier Migaud nous a présenté le RAALFSS, ce sigle barbare désignant le rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité social déposé à chaque rentrée par la Cour des comptes.
Il n’y a pas que le sigle qui soit barbare : 25 milliards d’euros de déficit, c’est un record jamais atteint et un taux d’augmentation qui n’a jamais eu son pareil. Régime général (20,3 Md’E de déficit contre 11,8 en 2008), maladie, retraites et jusqu’à la famille tout le monde est aujourd’hui à l’unisson dans le négatif. C’est pour la branche famille une nouveauté avec un déficit de 1,8 Md’E.
Il y a à ces chiffres abyssaux des explications « acceptables » (dont l’augmentation du coût des soins, la baisse des recettes liée à la crise) ; d’autres demeurent scandaleuse et les préconisations de la Cour, d’une année à l’autre, ne viennent pas toujours (voire pas souvent) y pallier.
Les exemples des rentes de situation scandaleuses qu’il aurait été opportun de prévenir au lieu de les laisser s’installer sont nombreux et ils suffiraient à nourrir ce blog pendant plusieurs semaines.
Quelques aperçus. En premier : les IEG. Non, il ne s’agit pas d’une variété particulière d’interruption de grossesse (à la première écoute, j’avais traduit : Interruption Exceptionnelle de Grossesse) mais des « Industries Electriques et Gazières ». Celles-ci bénéficient d’un régime complémentaire propre les exonérant des prélèvements sociaux applicables aux autres entreprises. Résultat : une perte de recette de 200 millions d’euros pour la sécurité sociale. N’aurait-il pas mieux valu mettre de l’ordre dans cette monumentale « niche », plutôt que d’instaurer des franchises qui ne pénalisent que les plus pauvres et les plus fragiles des patients ?
Un autre exemple, qui ne va guère plaire à un groupe de mes confrères, les radiologues de ville pratiquant scanners ou IRM. La tarification de ces examens comporte deux volets : un forfait technique correspondant à l’amortissement de l’achat des appareils et à son fonctionnement et des honoraires à destination du radiologue.
Sauf que… le forfait technique a été lourdement surestimé et son versement coûte indûment 70 millions d’euros à l’assurance maladie.
Quant aux honoraires, il s’élèvent pour une IRM à 69 euros, quelle que soit la durée de l’examen ou la gravité de la pathologie, ce qui correspond pour les radiologues à une rémunération horaire de 280 euros, ce qui est hors de proportion avec les honoraires d’autres spécialités et à fortiori avec le salaire d’un radiologue hospitalier. Etrange là-aussi que cette double erreur (forfait technique surestimé, honoraires sans proportion avec le travail effectif) n’ait pu être découverte avant de creuser généreusement le gouffre de la sécu et de plomber les investissements dans de nouvelles installation publiques susceptibles de réduire la fracture sanitaire géographique qui s’aggrave chaque jour.
Ces incohérences ne sont ni des hasards, ni des négligences. Dans la longue série de ce qui a été présenté par la Cour, on trouve systématiquement la faveur faite au système privé sur le public et le transfert d’une charge plus grande aux plus modestes. Il y a urgence à renverser le désordre des choses.
Répondre